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mercredi 6 novembre 2019

Perspectives fédérales pour une fin de décennie


Les perspectives n’étaient pas réjouissantes au départ et je n’attendais pas grand-chose du scrutin du 21 octobre dernier, mais avec l’arrivée des résultats, j’ai vite réalisé que cette nouvelle conjoncture politique pourrait finalement apporter un peu plus qu’un autre constat sur la division du Canada, mais également quelques opportunités politiques. Même dans un État aussi mal fichu et politiquement bloqué que peut l’être le Canada, il arrive parfois que certaines circonstances favorables se dégagent. Sans exagérer non plus ces circonstances, il est néanmoins important d’en prendre pleinement conscience avant que l’un des deux partis cartels ne soit en mesure de former un autre gouvernement majoritaire. C’est-à-dire, probablement bientôt !

Avant d’aller plus loin, quels sont ces fameux résultats ? D’abord, un recul assez prévisible du parti libéral (PLC), qui passe de 184 à 157 député(e)s. En suffrage net, cela représente une baisse de plus de 900 000 voix (8,5%). Montée (également prévisible) du parti conservateur (PCC), qui gagne plus de 600 000 voix pour un total de 121 député(e)s. Enfin, net recul du Nouveau parti démocratique (NPD), qui passe de 44 à 24 député(e)s. Enfin, notable hausse du Bloc québécois et du parti vert qui triplent tous deux leur ancien score et remportent 32 et 3 député(e)s chacun, contre 10 et 1 en 2015.

Ceci étant dit, hormis l’énorme décalage que nous enregistrons entre le soutien populaire et la représentation parlementaire, que représentent ces résultats et quelles seront les relations potentielles entre ces partis ? 

Le fait majeur est d’abord qu’il n’y a pas de majorité parlementaire, donc pas de semi-dictatures de parti pour 4 ans. Certains parleront probablement d’instabilité politique, mais moi je préfère parler de cohabitation, car il ne me semble pas si aberrant que des parlementaires aient à parlementer un peu leurs politiques dans un « parlement ». Ensuite, même si le NPD s’est fait radicalement détruire ses espoirs de remplacer le PLC, (comme le labour a pu le faire, en Angleterre, au début du siècle dernier) il n’en demeure pas moins qu’ils ont maintenant la balance du pouvoir.

Comme les deux partis se partagent une bonne partie du même électorat et que le PLC de Justin Trudeau se la joue « progressiste », il serait logique que le NPD profite de cette conjoncture pour forcer le PLC à respecter un tant soit peu ses prétentions de centre gauche. Une bonne communication sur ce rapport de force pourrait aider à redonner un peu de popularité à un parti qui tombe vraiment de loin. Après tout, ils avaient 103 député(e)s il y a un peu plus de 5 ans ! Sans compter qu’une des raisons qui explique le déclin du PLC est justement les promesses trahies en ce qui a trait à ses réformes politiques et environnementales. Enfin, la situation du NPD est particulièrement cruciale, car (dans ces conditions) soit le parti rebondit, soit il se fait avaler par le PLC.

Pour ce qui est du parti conservateur, disons que la campagne n’a pas été aussi facile que prévu et que ses gains se concentrent dans l’Ouest. Le PCC est pratiquement devenu le parti unique de l’Ouest (hors Pacifique et du centre d'Edmonton). Cependant, leur style de communication passéiste et leurs candidat(e)s, tous plus ou moins semblables à des caricatures de petits entrepreneurs, étaient condamnés à ne pas faire de raz-de-marée hors de leur pays naturel. La baisse des impôts, comme carotte à donner aux classes moyennes, n’est plus aussi séduisante que par le passé, étant donné que cette même classe moyenne n’en voit que rarement la couleur. D’autant plus que leur projet de société basé sur l’exploitation pétrolière ne séduit plus grand monde en dehors de ceux qui en tirent directement profit. En conséquence, malgré les gains obtenus par les conservateurs, ces élections restent tout de même un échec, puisque le parti est maintenu dans l’opposition et ne compte pas vraiment d’allier potentiel.

Pour ce qui est du Bloc québécois, disons que (comme pour le PCC) c’est une victoire qui cache en réalité une défaite. Je m’explique.

Si le bloc a rebondi, c’est essentiellement pour trois grandes raisons, dont la première est le mode de scrutin maintenu par le PLC, qui a grossièrement avantagé le parti. Pour s’en convaincre, il ne suffit que de comparer son score avec celui du NPD. Le bloc a fait élire 32 député(e)s avec 1 376 135 voix, alors que le NPD en a 24 avec plus du double (2 849 214) ! Dans un scrutin proportionnel intégral, le bloc en aurait eu 26 et le NPD 54. Gageons donc que le parti ne risque pas de trop faire de bruit sur la remise en cause du mode de scrutin, même si la cohabitation pourrait être favorable à cette cause.

La seconde raison est la mauvaise campagne des autres partis. Ils ont tous perdu des plumes au Québec et ce n’est pas sans raison, car aucun des gros partis n’a laissé ses marques, si ce n’est le PCC dans la région du même nom. Le bloc a rebondi en bonne partie parce qu’il y avait vide à combler. Vide évidemment provoqué par la nullité du NPD et du PLC comme représentant du Québec. Même si la nullité du PLC était connue depuis belle lurette !

Enfin, la raison principale est liée, quant à moi, à la révolution de palais qui a eu lieu en 2018. Révolution que j’ai déjà traitée dans deux articles, mais qui se résume en une prise de pouvoir de l’aile autonomiste sur sa majorité indépendantiste et sur la stratégie d’arrimage à la popularité de la CAQ. Évidemment, l’électorat de la CAQ n’a pas massivement voté bloc, mais on note un bon 40% qui l’a fait. Ajoutons à ce pourcentage une petite partie de l’électorat de Québec solidaire et le gros de l’électorat du parti québécois et nous arrivons assez bien au résultat obtenu.

Cependant, cette victoire cache aussi une défaite, comme je le mentionnais. Les cris de victoire des militants bloquistes ont certes évoqué le retour de l’espoir après la série de défaites qu’ils se sont tapée.  Mais le mal qui dégrade le mouvement souverainiste est pire que jamais, puisque leur communication s’est justement faite sur un nationalisme très provincialiste. La théorie dite des « intérêts du Québec », cher à Duceppe et aux 7 renégats du printemps 2018, n’est certes pas favorable au centralisme canadien et demeure francocentrée, mais n’en reste pas moins fédéraliste pour autant, puisqu’elle le fait fonctionner ! C’est d’ailleurs bien ce que rappelle le très fédéraliste Michel C. Auger dans un article où il lève son chapeau à cette stratégie qu’il qualifie de « constructive » !

« Ce Bloc-là ne se souciait pas seulement de compter des points partisans à la période des questions, il était là pour exercer son pouvoir de surveillance du gouvernement. […] C’était un parti formé de souverainistes qui utilisaient cette grille d’analyse dans leur travail de députés au Parlement fédéral. »

Autrement dit, le bloc, via son travail au parlement fédéral, démontre qu’un Québec peut aisément faire partie de la fédération, comme société distincte, s’il est bien représenté au parlement. C’est d’autant plus le cas si le bloc est en mesure d’aller chercher des avantages pour Québec au fédéral. Et comme vous l’avez bien remarqué, la situation de cohabitation actuelle est particulièrement favorable aux revendications du Bloc québécois, puisqu’il est en mesure de bloquer des lois libérales, voire même de faire passer des lois conservatrices[1] !

Disons les choses clairement, l’alignement du bloc sur la CAQ, de bons résultats parlementaires et une division renforcée sur l’axe gauche/droite (sur le plan provincial) aura tôt fait de creuser la tombe du PQ en 2022. Surtout si les questions identitaires, la lutte contre l’Islam et surtout cette guerre idiote à l’encontre de Québec solidaire restent le cœur des préoccupations péquistes[2]. À moins, bien sûr, que le PQ abandonne la souveraineté comme sa revendication principale et devienne simplement un parti identitaire, comme le souhaite tant les Mathieu Bock-Côté du PQ …

Comme je l'ai rapidement abordé, la conjoncture actuelle, même si elle n’est pas rose pour personne et surtout pas pour le mouvement souverainiste et le mouvement social, est tout de même favorable à ceux qui luttent pour ces causes en dehors du parlement. Je dois préciser ce point, car la députation de tous ces partis est tout sauf fiable!

D’un côté, il n’y a plus d’hégémonie du PLC, donc possibilité de pousser ce gouvernement à faire beaucoup plus qu’il ne le souhaiterait sur la cause environnementale. Le PLC est loin d’être sincèrement écologiste et il est même à douter que le NPD le soit vraiment lui aussi (nous avons le bilan de sa version albertaine), mais un front écologiste massif pourrait faire la différence.

Pour ce qui est de la question sociale, même si celle-ci est institutionnellement bloquée par les champs de compétences[3] du système canadien, la crise économique qui vient pourrait vraiment être dramatique pour les pauvres de l’ensemble canadien. L’effondrement imminent des bulles spéculatives qui se sont créées depuis 2008 pourrait créer une situation de crise très grave. Crise qui risque de pousser l’État fédéral à transférer massivement les dettes privées des multinationales et des banques à charte à l’État. Un tel renflouement de capitaux sauverait peut-être le capitalisme canadien, mais servira aussi d’arme idéologique aux dirigeants provinciaux afin d’imposer des privatisations massives et la précarité que les traités de libre-échange demandent.

C’est pour cette raison que les peuples du Canada devront s’opposer à ces mesures en faisant pression sur tous les partis qui ont des prétentions sociales. Ne doutons pas que tous les parlementaires seront unis dans la votation des futurs plans de sauvetage sans contrepartie[4], mais un front social large pourrait aussi le mettre en échec. C’est pourquoi un gouvernement minoritaire serait plus que préférable dans ce genre de circonstance.

Sans faire l’éloge d’aucun des partis représentés à l’assemblée, il est tout de même possible d’en tirer quelques avantages comme vous voyez, mais uniquement si le peuple suit. Le monde est présentement en effervescence et le Canada semble être l’un des rares pays qui se maintient dans la stabilité. Cependant, ce pays ne vit pas dans une dimension parallèle et les circonstances qui font se lever les peuples partout sur Terre se présentera bien assez vite au Canada et au Québec. La seule question qui reste encore à savoir est si c’est le populisme de droite qui en tirera profit. Et comme celui-ci en est encore à ses balbutiements, il est encore possible de faire émerger une force sociale encore plus grande à sa gauche.

Benedikt Arden (novembre 2019)


[1] Souhaitons quand même que cela n’arrive pas trop.
[2] La cause de la souveraineté nécessite l’alliance des partis, groupes et électorats souverainistes. Donc focaliser sur ce qui divise l’électorat souverainiste revient à desservir cette cause.
[3] Les leviers économiques sérieux sont presque tous au fédéral, alors que sa gestion se trouve essentiellement au provincial.
[4] Notamment sans socialisation ou nationalisation de ses actifs.

lundi 30 septembre 2019

Au-delà de la réforme électorale


Si, lors de la dernière campagne électorale provinciale, la Coalition avenir Québec (CAQ), Québec solidaire (QS) et le Parti Québécois (PQ) se sont livré bien des batailles, ils se sont au moins entendus sur un point : la mise en place du mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire. Beaucoup s’en sont félicités, en se disant que l’affaire était dans le sac. Effectivement, la représentation parlementaire était pour une fois très majoritairement favorable à cette vieille réforme qui traine depuis plus de cent ans, mais c’était ne pas tenir compte de la bonne vieille tradition du rétropédalage que nous a habitué le PQ d’avant 2006 et qui a été une nouvelle fois honoré le PLC.

Il est malheureusement tout à craindre que cette tradition soit encore une fois respectée par la CAQ, puisque ses député(e)s semblent plus craindre pour leur siège que pour leur parole, car, plus les échéances se rapprochent, plus la remise en cause de cette réforme se fait sentir. Il est d’ailleurs pratiquement admis que celle-ci ne sera pas mise en place pour l’échéance de 2022. Le « joker » d’un référendum sur cette question, en même temps que ces prochaines élections, a même été mis de l’avant par François Legault ! Peut-être s’imagine-t-il que de noyer le débat parmi l’ensemble des polémiques d’une campagne électorale pourra l’aider à se sortir de l’impasse dans lequel il s’est embourbé.

Il est en effet facile de promettre plein de choses avant d’être aux affaires et la réforme du mode de scrutin est le genre de promesse que les partis font dans l’opposition, mais abandonnent rapidement après avoir goûté au privilège du système uninominal à un tour ! Il est connu que ce système avantage les partis en tête et déforme la députation, au point même où il arrive qu’un gouvernement puisse être majoritaire avec moins de voix que l’opposition. C’est ce qui est arrivé en 1998, avec le PQ de Lucien Bouchard, qui avec 42,9% du vote s’est vu attribué 77 député(e)s contre 47 député(e)s pour un score de 43,6% pour le PLQ.

Le souci est bien évidemment celui de la disparité de l’électorat par circonscription qui désavantage les partis qui ont un électorat très concentré. Un parti comme la CAQ est désormais très avantagé par le mode actuel de scrutin puisque son électorat est très étendu, car composé de la majorité francophone, et peut reprendre facilement le pouvoir. À contrario, l’électorat pur & dur du PLQ (les anglophones et allophones) et celui de QS (étudiants et jeunes urbains) sont très concentrés dans les circonscriptions des grandes villes, ce qui limite le nombre de députés potentiel.

Ces partis peuvent bien sûr prendre des sièges en dehors de ses circonscriptions (les libéraux l’ont souvent fait), mais cela peut aussi prendre beaucoup de temps puisque la tentation du « vote utile » est très tenace, surtout à l’encontre des tiers partis. Notons que quand cela finit par arriver, les gains en députés sont généralement beaucoup plus massifs que l’augmentation du nombre de voix pourrait le laisser croire. C’est aussi à ce moment que l’envie de réformer le mode de scrutin perd de son intensité. C’est tout le paradoxe que nous vivons depuis des décennies.

Notre système électif, hérité du parlementarisme britannique, est un système oligarchique, essentiellement pensé pour le bipartisme. Dès lors que plusieurs partis politiques animent l’électorat, comme c’est le cas au Québec, le système devient bancal et mésadapté. Il y a évidemment quelques avantages, qui sont et seront matraqués (notamment la relation entre le député et sa circonscription, la stabilité gouvernementale …), mais rien qui suppose un grand soucie de la démocratie.

À contrario, les défauts du système actuel sont légion et le premier (et non le moindre) est l’inutilité de la plupart des votes. Il est effectivement peu attractif de faire l'effort de voter lorsque l’on vit dans le « château fort » de l’autre camp, puisque le vote n’aura aucun n’impact hormis les quelques sous que donne cet effort pour le parti. En réalité, le vote qui compte vraiment est celui des circonscriptions pivots. Dans les autres cas, le vote est plus symbolique qu’autre chose.

En parallèle du système électif, la représentation par circonscription a, quant à lui, surtout été pensée pour être un scrutin personnel et peu partisan. Un peu comme le maire d’une ville, que l’on choisit plus pour sa personne que pour son parti d’appartenance (quand il en a un). Mais, comme chacun sait, la vie politique du Québec est d’abord centrée sur les partis, c’est pourquoi le mode de scrutin proportionnel compensatoire mixte semble être le plus admis parmi les partisans de la réforme. Parce que c’est le plus facilement adaptable à notre situation.

Ce système se caractérise par une grande ressemblance à celui qui existe déjà, mais avec moins de circonscriptions et avec l’ajout d’une compensation sur la base du score global. De cette manière, les scénarios à l’italienne (ou à l’israélienne!) deviennent beaucoup moins probables. Cependant, la réforme n’est quand même que compensatoire et la représentation pourrait encore être biaisée à l’avantage du gagnant, tout dépendant la méthode de compensation qui sera retenue.

Mais pourquoi opter pour un mode de calcul qui avantagerait le gagnant, si l’objectif est de justement y mettre un terme ? « Question de stabilité politique ! » riposteront les habitués de la représentation oligarchique. Ceux-ci ne manqueront pas non plus de rappeler tout plein de réformes qui ont dû passer outre le consensus parlementaire pour se faire. La récente décriminalisation du cannabis par le PLC ou l’adoption de la loi 21 seraient des exemples de réformes qui auraient pu être bloquées si la représentation avait été compensée. Cet argument est effectivement valable et il est vrai que de changer le mode de scrutin actuel, par un système compensatoire, est loin de régler le déficit de démocratie du régime de Westminster. 

Mais en prenant un peu de hauteur, il s’avère parfaitement possible de garantir la stabilité du pouvoir politique tout en étant parfaitement démocratique. Pour ce faire il nous faut cependant sortir des réformettes et repenser complètement l’héritage du parlementarisme britannique. Dans cette optique, il est toujours bien de revoir ce que les penseurs du politique ont déjà proposé il y a déjà plusieurs centaines d’années. Car, notons-le, tous ces débats ne datent pas d’hier ! 

Pour ce faire, il faut se rappeler que les fonctions du pouvoir politique sont multiples. Nous avons pris l’habitude de les confondre, mais ce pouvoir se sépare en pouvoir « législatif » et « exécutif ». En somme, le député propose et vote les lois et le ministre dirige et oriente son exécution. Dans le système actuel, le ministre doit d’abord être législateur. Cela pourrait sembler légitime, puisqu’il doit passer par les urnes, mais bien des problèmes de représentativité viennent aussi de là, étant donné que l’exécutif porte une double casquette.

Les deux types de pouvoir se confondant, le parti obtenant la majorité des députés dans notre système peut devenir une quasi-dictature pour 4 ans, étant donné que les réformes souhaitées peuvent être réalisées sans une majorité de soutiens dans la population. Je dis ça je ne dis rien !

Là-dessus, plusieurs pistes existent, notamment celle des États-Unis. Cependant, la nature confédérale de ce pays, son immensité en termes de population et sa diversité économique en font un cas spécial. Sans compter que l’élection du président se fait de manière indirecte et n’est pas dépourvue de déformation elle non plus. Comme pour l’élection de Trump, qui s’est faite avec moins de voix que son adversaire. Néanmoins, le système présidentiel de base reste une bonne alternative s’il est adapté à la réalité du pays.

Par exemple, on pourrait imaginer un parlement législatif renouvelé aux 4 ou 5 ans par un suffrage proportionnel intégral et une élection présidentielle séparée (qui aurait lieu idéalement une année différente) au suffrage universel direct (probablement en deux ou trois tours). De cette manière, l’exécutif se concentrerait sur ses affaires et laisserait les réformes aux députés. Ce faisant, le pouvoir devient beaucoup moins fort et autoritaire, sans toutefois se bloquer complètement. Les réformes promises par le gagnant de l’élection présidentielle[1] ne passeront peut-être pas aussi facilement que dans notre présent système, mais consolons-nous en nous disant que les réformes antisociales pourront également être bloquées sans avoir à constamment mobiliser le mouvement social dans des grèves interminables et des moyens de pression parfois contraignants pour le public. 

De toute façon, les réformes les plus polémiques n’ont pas vocation à passer par un gouvernement ou par une majorité de députés, puisque dans chacun des cas, l’élection seule ne signifie pas accord global sur le programme. Par exemple, l’électorat du PLQ et du PQ est surtout polarisé par la seule question du fédéralisme canadien. L’électorat de la CAQ et de QS se constitue à contrario plus sur une vague opposition entre gauche et droite. Autrement dit, le vote pour l’un où l’autre de ces partis représente un accord général sur les principaux points de la plateforme du parti et une position générale dans le débat public, mais certainement pas un accord à 100% sur le programme du parti soutenu.

On a tous des réserves sur l’un ou l’autre des points d’un programme et c’est tout à fait normal. Un parti est généralement élu sur la base de quelques questions clés, voire par le rejet du concurrent (donc par défaut). C’est pourquoi les réformes les plus polémiques doivent nécessairement passer par référendum pour être démocratiquement valides. Et ceci, peu importe le système électoral en place, puisque ce problème est directement issu de la partisanerie politique. Qui, il faut bien l’avouer, n’est pas sans défaut elle non plus !

Dès l’instant où les pouvoirs sont séparés et que les institutions sont pensées pour trancher les grandes questions de société, plus besoin de gouvernement fort, de mesure antidémocratique et (surtout) plus besoin de s’en faire pour la stabilité du gouvernement, puisque celui-ci est directement élu et non plus désigné par le parti ayant le plus de députés.

Néanmoins, un élément fondamental reste encore à la décharge de ces propositions. Il s’agit bien sûr de l’éducation politique des citoyens en ce qui a trait aux responsabilités qu’implique un renforcement de la démocratie. L’éducation politique et philosophique est déjà de mise dans une société moderne, mais dans une société qui vise le plus haut niveau démocratie, un effort substantiel doit également être fait du point de vue de l’éducation.

L’éducation gratuite et universelle, de la maternelle à l’université, va de soi comme présupposé à la démocratie participative et directe. Démocratie, qui d’ailleurs, n’a aucune raison de se limiter au débat public et au régime politique, mais devrait également s’étendre à tous les secteurs de l’économie dans lequel le citoyen est impliqué. Cependant, cela nous mènerait peut-être un peu trop loin (le socialisme) et les populistes de droite, partisans de la propriété privée des moyens de production, risquent de moins apprécier ce genre d’appel au peuple !

Évidemment, un renforcement de la démocratie ne se fait pas comme ça et une personne seule ne peut prétendre détenir le modèle ultime, car celui-ci doit être en phase avec la réalité du peuple. Je ne prétends donc pas que le modèle que je propose soit indépassable, mais je crois néanmoins qu’il répond bien aux quelques arguments que les partisans du modèle actuel nous rabattent dans leurs multiples tribunes.

En conclusion, j’ajouterai que la remise en cause du système électoral et, plus encore, à la remise en cause de la constitution canadienne rime en tout point avec le projet d’indépendance du Québec. Loin d’être une lubie nationaliste servant à protéger la religion et les mœurs d’antan, l’indépendance du Québec est d’abord et avant tout un projet de construction politique inclusif. C’est-à-dire une constituante dans lequel la construction d’un système électif pourra émerger sans avoir à tenir compte des traditions britanniques issues du 18e siècle.

Je dis ça, je dis rien !

Benedikt Arden (septembre 2019)  




[1] En fait, il n’y aurait plus de promesse de réforme au niveau présidentielle, mais uniquement au niveau législatif. Le président serait choisi sur base moins idéologique que pragmatique.



vendredi 26 octobre 2018

Nouveaux enjeux, même lutte politique …


Après une campagne électorale exaspérante à tous les niveaux[1], c’est dans un état d’agacement assez avancé que j’ai pu enfin contempler ses résultats. C’est donc avec une nette majorité de députés que cette fameuse « Coalition avenir Québec » (CAQ) s’est fait élire par un peu moins de 25 % la population québécoise. Même s’il faut bien sûr relativiser la masse de ce vote en faveur de la CAQ, il est incontestable qu’une bonne partie de la population a choisi de donner congé aux libéraux via une vague du genre de celle de 2011, avec le NPD de Jack Layton. Cette vague mit donc en grave déroute le Parti libéral (PLQ), mais frappa encore plus son ancien rival, c’est-à-dire le Parti Québécois (PQ), qui a fait un score record en termes d’effondrement. De son côté, Québec solidaire récolte l’ensemble de toutes les circonscriptions que le parti estimait « prenables ». Ce qui n’est pas anecdotique, étant donné que le parti de gauche prend enfin des places hors de l’île de Montréal pour s’installer à Québec, Sherbrooke et Rouyn-Noranda.

La nouvelle députation est donc de 74 pour la CAQ, 31 pour le PLQ et de 20 pour le PQ et QS (10 pour chacun). Évidemment, l’analyse des résultats sera en fonction d’où l’on trouve notre sympathie dans le quatuor, mais il est incontestable que les lignes ont bougé et que les perspectives politiques entrent désormais dans une nouvelle ère. Cette nouvelle ère devra nécessairement ouvrir de nouveaux enjeux et changer les thèmes habituels qui, il faut bien l’admettre, sont vraiment usés au dernier degré…

Enfin, ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour chercher de « nouveaux débats », puisqu’une semaine à peine s’est-elle passé que le cirque des « accommodements raisonnables » et de l’identité est revenu hanter le débat public, comme aux époques peu bénies de la commission Bouchard-Taylor et de la charte des valeurs! Il fallait de toute façon s’y attendre, car il est clair aujourd’hui que la question identitaire a énormément joué dans le plébiscite, malgré les incohérences du projet caquiste. Mais enfin, tout cela est un autre sujet.

Ce que j’entends par « nouveaux enjeux » a plutôt à voir avec la conjoncture « gauche/droite » contre « indépendantisme/fédéralisme », puisque la seconde division politique, lors de cette campagne électorale, s’est complètement fait enterrer sous la première. Et notons que bien peu de commentateurs, en dehors de quelques irréductibles indépendantistes, s’en soient vraiment désolé. La montée de la CAQ, de QS et de ce qui les oppose en est la démonstration la plus évidente, même si le mode de scrutin et les positionnements des partis traditionnels obscurcissent encore cette tendance. Les indépendantistes « purs et dures » auront beau s’en désespérer, mais il semble en aller ainsi depuis bien des années et je me permets de rappeler que les partis qui se disent indépendantistes en sont eux-mêmes largement responsables.

Depuis la fusion d’Option nationale avec QS et le suicide du Bloc Québécois[2], il n’existe plus de parti politique strictement indépendantiste, alors il n’est pas anormal de voir cette cause perdre de l’importance dans le débat public. D’autant plus que le « vaisseau amiral » du mouvement n’a strictement rien fait sur le sujet en plus de 20 ans! Évidemment, QS propose l’indépendance, via la mise en place d’une constituante, cela est un fait, mais le parti n’est pas totalement indépendantiste dans sa composition, étant donné qu’une part minoritaire, mais non négligeable de ses membres et de son électorat est indifférente, voire hostile, à la question. Néanmoins, j’admets sans peine que QS a fait quelques bons points dans cette direction et qu’il offre un renouveau à la question qui doit être salué.

Du côté du PQ, je ne crois plus vraiment nécessaire de rappeler ce que je répète depuis des années maintenant, à savoir que ce parti est gangrené par l’opportunisme et le carriérisme le plus incurable. Ce qui fait qu’il est incapable de servir la cause de l’indépendantiste sérieusement. En réalité, le PQ se sert beaucoup plus des indépendantistes qu’il sert l’indépendance.  

De plus, l’instrumentalisation partisane qu'en a fait le PQ depuis 1995 et le fait de tergiverser entre la droite et la gauche sur les autres questions devaient forcement porter ses fruits. Disons que maintenant le fruit est tombé, puisque le parti a réussi l’exploit de perdre à la fois son électorat identitaire et progressiste. De toute évidence, il ne pouvait en être autrement, car le ciment qui unissait le parti (la cause indépendantiste) a été volontairement et officiellement mis de côté par son ancien chef. François Lisée a donc misé sur le dépassement de la raison d’être du parti pour essayer de remodeler le PQ selon la thèse de « l’autre gauche » avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui. J’ajouterais qu’ils ont précédemment politisé la question identitaire, avec l’épisode de la charte des valeurs ainsi qu’avec les thèmes de l’élection de Lisée comme chef du PQ, pour ensuite l’abandonner à la CAQ et finalement se positionner au centre gauche. Enfin, il y a des raisons que la raison ignore !

De toute façon, les tactiques électorales du PQ manquent cruellement de sérieux depuis bien des années et je crois avoir fait le tour de la question. Pour le moment, ce qui importe c’est l’évolution de la question nationale, puisqu’elle est la clé de voûte de la question sociale et environnementale. Mais dans l’état actuel des lieux, que pouvons-nous espérer du futur ? De toute évidence, il serait absurde de compter sur un changement de cap en provenance de la CAQ.

De plus, la députation du PQ et de QS est anecdotique en plus d’être dans l’incapacité de s’entendre. Il est vrai que la CAQ a promis de réformer le mode de scrutin... Mais, comme on dit « les promesses n’engageant que ceux qui les croient ». J’imagine que notre nouveau premier ministre ne me reprochera pas d’être septique sur cet engagement mainte fois trahi par ses anciens collègues. Je comprends bien que la mise en place de la proportionnelle est le genre de mesure qui est malaisante à faire lorsque le vieux mode de scrutin vous fait gagner les élections ! Cependant, laissons la chance au coureur et, qui sait, serons-nous témoin d’une réelle avancée progressiste opérée par la CAQ?!

Pour le moment, la perspective semble toujours bloquée et il n’y a pas trop de raisons de se faire optimiste. Après tout, la droite est au pouvoir, même si elle l’est depuis toujours d’un point de vue socialiste. Toutefois, il y a certaines avenues qui peuvent être envisagées. La première est l’échec plus que prévisible de la CAQ dans l’ordre canadien. À moins que le Parti conservateur soit en mesure de faire réintégrer les dissidents, qui ont suivi Maxime Bernier au Parti populaire du Canada, il est peu probable que le Parti libéral de Justin Trudeau (le PLC) soit radicalement battu aux élections fédérales de 2019, comme le fût le PLQ. Dans ce cas, François Legault et sa CAQ risquent fort de redonner indirectement un second souffle à l’option indépendantiste, s’il devait se tenir minimalement debout, puisqu’ils tomberont inévitablement en guerre avec le fédéral. Et si, cas plus probable, Legault se couche pour faire plaisir à son aile fédéraliste, il sera déconsidéré très rapidement par son électorat, ce qui offrira des conditions plus que favorables à une montée de Québec solidaire.

En second lieu, la question des relations entre QS et le PQ. Loin de croire en un rapprochement, je crois plutôt que les lignes de partis actuelles devraient diverger fortement. Les plateformes seront nécessairement amenées à changer, puisqu’elles se partagent en bonne partie le même électorat et ceci avec les résultats qu’on connaît.

À mon avis, le balancier idéologique du PQ devrait continuer, mais plutôt vers la droite. Je serais bien surpris de les voir en revenir à l’indépendance après une génération tergiversation. Mais pour le moment, rien n’est définitif et il est possible d’avoir quelques surprises en provenance d’un futur chef, mais la culture interne du parti et la jurisprudence qu'a créée la crise du Bloc québécois ne semblent pas du tout favorables à cette option.

Ensuite, en ce qui concerne QS, je crois assez crédible qu’ils se maintiennent dans la voie du populisme de gauche. Cependant, ils ont encore beaucoup à faire pour s’y épanouir pleinement, car le parti reste encore très idéologique sur des questions qui sont loin de faire consensus et ainsi véritablement percer dans le reste du Québec. Et je ne parle pas de la question nationale.

Par exemple, la question identitaire qui défraie présentement la chronique. Même si elle est organisée par les médias de la pire façon qui soit, les forces de gauche ne devraient pas interpréter les relations entre la majorité et les minorités sous le filtre « dominant/dominé ». Mais bien comme des populations qui ont des sensibilités différentes, mais qui souffrent des mêmes problèmes.

La lutte contre le racisme ne devrait pas être un obstacle à l’empathie qu’on doit à ceux qui craignent l’évolution identitaire du Québec, puisque cette crainte n’est bien souvent que le reflet de la peur du déclassement social. L’extrême droite en occident se fait aujourd’hui le champion des classes moyennes en phase de paupérisation et les manipule en luttes religieuses, voire raciales. C’est ce terreau mal irrigué qui a propulsé Trump et la CAQ au pouvoir et qui fait monter les partis hostiles aux immigrants un peu partout. Pourtant, un tant soit peu de travail envers cette population pourrait transformer cette peur et cette haine en conscience de classe. Ce qui serait plus que la bienvenue par les temps qui courent.

Pour finir, je crois que les prochaines années seront bien difficiles pour le mouvement indépendantiste. Toutefois, l’indépendance n’est pas le genre de cause qui se dépasse si aisément, puisqu’elle est issue des vices profonds de l’État canadien. C’est pourquoi il ne m’est pas douteux qu’elle revienne en force lors du prochain duel avec le fédéral. Si aujourd’hui l’indépendance politique semble céder le pas au nationalisme culturel pour les gens de droite, la gauche la reprendra d’autant plus volontiers que la division gauche/droite du débat s’opérera. Je sais bien que la cause de l’indépendance doit passer par un soutien qui va au-delà de la gauche, mais le problème actuel est plus de remettre à jour les contours du projet que de le réaliser. Alors il ne me semble pas sans intérêt que celle-ci campe temporairement à gauche afin qu’elle soit redéfinie dans des termes plus politique et moins identitaire. De toute façon, j’ai déjà démontré que la cause indépendantiste était une idée fondamentalement de gauche, même si une portion de la droite pouvait s’y rallier pour des conceptions qui lui sont propres.   

Enfin, souhaitons que cette nouvelle donne politique soit un nouveau point de départ!

Benedikt Arden (octobre 2018)                 




[2] J’ajouterais que le Bloc s’est depuis officieusement rallié au fédéralisme, lors du retour des renégats, puisque c’était leur condition de retour.

mardi 25 septembre 2018

Perspectives d'avenir


Depuis le 23 août 2018, un vent de démagogie frappe le Québec. Cette rafale de pancartes aux slogans creux, ces promesses souvent ridicules et ces sondages bidon... Tout cela nos compatriotes le reconnaissent fort bien, car il s’agit des 42e élections que connait le Québec depuis la constitution de 1967. Néanmoins, ces élections, sans pousser des enjeux à ce point extraordinaires, auraient bien pu être un évènement digne d’intérêt, si notre système électoral n’était pas à ce point bloqué.

Malgré toute l’inertie que constitue ce simulacre de démocratie, les périodes électorales restent encore globalement les meilleures pour inciter notre population aux débats. Et ainsi revivifier leur esprit critique, un peu trop habituée à se laisser diriger par cette clique de beaux-parleurs. Dans ce contexte, il est tout à fait pertinent de mettre en place notre propre agenda électoral afin de mettre notre grain de sel dans ce flot de polémiques convenues pour ainsi rappeler que l’avenir du Québec ne pourra pas toujours passer outre les enjeux du monde, si nous voulons exister en tant que peuple.

Parmi ces enjeux de fond, l’équilibre écologique reste évidemment l’élément central de ce qui devrait compter comme fondamentaux politiques. Même si cet enjeu est loin d’être le seul à importer, l’équilibre écologique devrait normalement être de tous les débats, car il ne s’agit de rien de moins que de la condition de notre existence sur terre! Mais au détriment de tout bon sens, celui-ci est souvent rangé au même titre que les embouteillages urbains et la baisse des impôts...  

Il serait néanmoins faux de prétendre que l’enjeu n’est pas déjà une préoccupation centrale de la population. Il est cependant encore bien difficile de faire comprendre aux masses que cette question est insoluble dans le mode de production actuel et que les réformettes actuellement proposées sont bien loin de faire le compte. Il est effectivement impossible de mettre en place une production écologiquement équilibrée dans une économie mondialisée et administrée par des accords de libre-échange, qui ont été fondés sur des croyances issues du 18e siècle! C’est-à-dire sur un libéralisme imaginé sur la base qu'il y aura toujours assez pour créer plus.

De nos jours, cette croyance en un gisement de richesses sans limites, créées par un Dieu pour le seul règne des humains, semble fort dépassée. Cependant, les conséquences funestes de cette croyance irrationnelle sont toujours à l’œuvre, via recherche de la « croissance verte ». Évidemment, cette croissance n’est plus conceptualisée comme étant nécessairement issue de la production de marchandises classiques, puisqu’on donne de plus en plus de place à la production virtuelle et aux secteurs des services. Cependant, il n’en demeure pas moins irrationnel de croire qu’une croissance perpétuelle de l’économie puisse s’accompagner d’une décroissance de la production de produits polluants, puisque notre système économique est fondé sur le gaspillage des ressources. C’est cette croyance en cet « Eldorado » du développement durable, qui explique en grande partie le maintien de ce délire productiviste.

Cependant, cette fameuse « croissance verte », éternellement remise à un hypothétique lendemain, ne dupe que ceux qui veulent bien l’être et sert surtout les intérêts des bénéficiaires du statu quo. Et de ce statu quo, rien n’en sortira de bien gaies, même pour ses plus nets bénéficiaires. C’est pourquoi les acteurs principaux du désastre qui vient se dégagent généralement de leurs responsabilités en évoquant des contraintes issues des règles d’un système construit, certes par d’autres, mais qui n’a jamais été autrement pensé que pour le seul bénéfice d’un capitalisme tout puissant. Autrement dit, sans considération à long terme pour le maintien de la vie sur Terre.

Mais au-delà du cynisme ou de l’aveuglement volontaire, cette volonté de croissance économique continue n’est pas seulement issue de croyances irrationnelles, mais également d’une nécessité pratique du système. Il est effectivement facile de comprendre que la croissance économique permet aux capitalistes d’accumuler une part toujours plus grande des richesses si celle-ci grossit, mais c’est aussi le fondement du « libre marché », donc du libéralisme économique, puisque sans croissance, il ne peut y avoir « liberté » d’accumuler sans créer un monopole unique à plus ou moins longue échéance. Celui qui finira inévitablement par capter toutes les richesses. Comme chacun sait, dans un système économique sans croissance, il ne peut y avoir d’accumulation continue des richesses par les uns sans spolier les autres. C’est dans cette perspective que les gouvernants, comme les capitalistes, cherchent à augmenter la croissance, donc la quantité globale de richesse, puisqu’ils doivent également trouver les fonds pour administrer cette société qui crée la richesse.

Le problème, que tous devraient maintenant voir clairement, est que cette croissance ne peut qu’être stoppée à brève échéance par les limites mêmes qu’impose notre Terre. Limites maintenant chiffrées et datées pour l’essentielle des dorées rares et indispensables. Cette fin du modèle productiviste posera donc un choix décisif sur l’organisation de la société. C’est-à-dire, celui de la distribution des richesses restantes dans le cadre de la transition écologique, puisque l’on ne pourra plus compter sur l’augmentation de la production pour entretenir l’appétit de cette classe d'hyper riches qui structure le mode de production capitaliste. Dans ces conditions, il est évident que la gestion de la rareté, donc la planification de la production, soit l’unique salut de nos sociétés.

La grande question qui traverse notre époque est donc la suivante : si la planification économique de la rareté est l’horizon inévitable de notre temps, quel sera le régime politico-économique de demain ? La réponse à cette question réside dans un choix très simple. Ce sera le fascisme ou le socialisme … rien de moins!

J’utilise des termes extrêmement forts, c’est vrai. Mais ils n’en demeurent pas moins justes, puisque l’organisation économique et le partage des richesses passeront nécessairement par la question toute simple de « qui décidera »? Soit le monde sera dirigé par une petite caste qui organisera la société sur la base de leurs privilèges[1], soit c’est la société qui s’organisera elle-même, selon sa volonté propre. Le capitalisme libéral que nous connaissons est condamné et nulle technologie ne le sauvera sur le long terme. Il est donc urgent de mettre sur la place publique ce choix et ainsi en déduire les politiques qui se doivent d’être faits.

Pour ma part, je refuse d’être assujetti à ce monde servile qu’on nous prépare, car ceux qui nous gouvernent ne risquent pas d’organiser le socialisme, c’est une certitude. C’est pour cette raison que je me dois d’appuyer ce qui va dans le sens de la démocratie politique ET économique. Les deux concepts étant, nous venons de le voir, fondamentalement liés dans cette perspective d’avenir.

Pour y arriver, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut que le rapport de force soit favorable à la multitude et que le 1% du 1% des plus riches soit dans l’incapacité de faire croire en une perspective inégalitaire acceptable démocratiquement. La société étant divisée en classes de plus en plus inégales, c’est en créant de l’hostilité entre les classes du bas que celles du haut arrivent à maintenir leur domination. Tout ce qui tend à obscurcir l’intérêt commun des basses classes mine nos chances de se libérer de cet avenir funeste. C’est pourquoi les délires identitaires de la droite comme de la gauche sont tout particulièrement à combattre[2]. L’intérêt des masses étant plus que jamais dans la guerre des classes, il importe d’éliminer toutes formes de thèses qui nous éloignent de cet impératif. Il est également fondamental de remettre au goût du jour le concept de souveraineté. Il est absolument impossible de changer quoi que ce soit si les leviers du pouvoir sont ailleurs. Et comme c’est au peuple de décider (qui décide?), il faut que les entités politiques soient représentatives des peuples qui la composent.

Dans notre cas, le Québec est depuis toujours administré par des pouvoirs qui ne sont aucunement réformables. Le Canada actuel ne fait pas exception. C’est pour cette raison que le Québec doit devenir un État souverain. Mais pas un État croupion, indépendant d’apparence, mais un État capable de maintenir une politique, même si ses voisins la récusent. Il est certain que ce genre d’indépendance sera difficile à obtenir et encore plus à conserver, mais c’est sur la base de nos réussites que nous pourrons aider les autres peuples à suivre notre exemple.

Inutile de rappeler que les promoteurs de ce fameux rêve d’une planète unifiée sous une démocratie mondiale feront leur habituel chantage au « nationalisme », mais nous devrons rejeter leur impérialisme déguisé, comme le dernier des colonialismes. La démocratie comme elle existe aujourd’hui n’est simplement pas possible à l’échelle du monde, puisque c’est dans sa plus petite expression que la démocratie prend son sens véritable. Il n’existe donc pas d’autre façon de refaire le monde que de mettre en place une humanité composée de nations souveraines, organisées et coordonnées par des cénacles internationaux où tous doivent être égaux, sur le modèle de la démocratie à l’intérieur des États. Et pour ce faire, il n’existe pas d’autre moyen que de briser les États coloniaux et impériaux qui coordonnent le monde actuel à leur guise.

Vaste projet, me direz-vous. Certes, mais il n’est pas moins sage de prendre quelques reculs afin d’y voir mieux et, surtout, plus loin. Alors, même s’il est difficile de faire admettre des changements aussi fondamentaux dans les débats, où la simple réforme de mode de scrutin passe encore pour une révolution, il ne faut pas perdre de vue l’ensemble des fondamentaux qui doivent guider nos choix et actions.

Dans les conditions actuelles de la campagne, ni la démocratie économique ni la souveraineté n’est à l’ordre du jour. L’environnement est toujours plus ou moins présent, mais jamais hors du cadre imaginaire de ce « développement durable ». La grande affaire, pour plusieurs, est de déloger le parti libéral. Mais, si c’est pour mettre en place un nouveau régime provincialiste repeint en bleu, on ne peut que faire fausse route. L’alliance entre les partis, qui portent plus ou moins les enjeux que nous avons survolés, n’étant pas possibles pour le moment, il est seulement souhaitable de voir le futur prince se faire ravir sa majorité afin de limiter la casse. Il est de toute façon évident que la Coalition avenir Québec (si elle devait accéder au pouvoir) se cassera les dents sur le mur du fédéral pour toutes réformes majeures. Ce qui importe reste donc les possibilités qu’offre cette débâcle future.

De l’autre côté, il est aussi souhaitable que le Parti Québécois soit largement défait afin de ne pas plébisciter sa stratégie d’abandon provincialiste, qu’ils ont échangé pour un programme vaguement plus à gauche que d’habitude. Il n’est cependant pas plus souhaitable de voir ce parti exploser pour autant, puisque ce représentant historique du nationalisme québécois est de centre gauche[3] et qu'en en explosant, celui-ci pourrait bien faire émerger une vraie force politique d’extrême droite. Extrême droite qui pourrait bien servir d’inspiration idéologique aux futurs chefs fascistes de l’ère post-capitaliste.

Enfin, vous l’aurez compris, il est pratiquement impossible que ces élections engendrent quelque chose qui puisse nous faire avancer à court terme. Il est cependant important de ne pas perdre de vue les fondamentaux. S’il n’est pas possible de mettre en marche la transformation du mode de production et l’indépendance politique qu’elle nécessite dans ce futur mandat, il reste indispensable de débloquer cette situation de conflit qui existe entre les électeur(e)s de ces deux partis ayant le potentiel d’appuyer ces réformes si nécessaire. Mais pour autant, la solution ne passera pas uniquement par des partis politiques. C’est dans un mouvement de masse que doivent prendre racine les futures entités politiques qui serviront notre cause.

Peu importe ce que sera la nature de ces organisations (coalitions des partis actuels ou des organisations neuves), l’important n’est pas de suivre une marche à suivre préétablie, mais d’organiser des forces qui doivent s’adapter au contexte.

C’est en gardant l’horizon des évènements bien en tête que nous saurons faire les bons choix !

Benedikt Arden (septembre 2018)     




[1] Je doute d’ailleurs en la capacité de cette classe sociale à mettre en place un quelconque « nouvel ordre mondial » puisqu’ils sont, malgré leur petit nombre, encore beaucoup trop et le fascisme de demain fera la faillite de bien de ceux qui se croient protégés par la fortune. Seules les vieilles familles de capitalistes, qui ont maintenu leurs réflexes tribaux et les réseaux appropriés, seront à mon avis les bénéficiaires d’un tel fascisme.    
[2] Les stratégies de communication des partis politiques bourgeois, qui visent soit à accabler ou à flatter les masses « blanches » et conservatrices et qui engendre cet axe « gauche-droite » à l’intérieur du système libéral, sont le principal vecteur de division des basses classes.
[3] Il est important de noter que la résilience du PQ à l’existence a neutralisé pendant des décennies une bonne partie des votants d’extrême droite, puisque ces derniers n’ont guère eu d’autre parti pour représenter leurs positions. Est-ce que la CAQ pourrait aller chercher ces votes? Peut-être, mais rien n’est moins sûr, puisque son chef est un bien piètre populiste…

mardi 31 juillet 2018

Blocage politique


Le vice-président exécutif du sondeur Léger révélait récemment que le « ciment n’est [peut-être] pas encore durci dans l’électorat […], mais on sent que l’échiquier politique qui se dessine depuis quelques mois semble se stabiliser ». Il est effectivement acquis que les sondages préélectoraux dégagent une certaine tendance et que celle-ci donnerait entre 35 et 38 % à la Coalition avenir Québec (CAQ) et un peu moins de 30% au Parti libéral. Le Parti Québécois (PQ), quant à lui, maintiendrait sa lente descente sous son seuil historique (moins de 20%). Québec solitaire (QS) maintiendrait à l’inverse sa lente montée, au point de vue de ses potentiel(le)s député(e)s, tout en stagnant plus ou moins au-dessus de 10% au niveau national.

Quoique ce tableau dressé par les sondages illustre probablement un désir de changement politique tout à fait réel de la part de l’électorat québécois (surtout francophone), il reste que ce potentiel « changement » ne risque pas de brusquer nos habitudes … Enfin, si nous nous référons au programme de la CAQ et aux personnalités qui se présentent sous l’étiquette de « l’équipe du changement ». En réalité, rien n’est moins neuf que la communication de la CAQ, qui utilise la vieille tactique du changement d’image pour prendre la place bien confortable du PLQ pour évidemment ne rien changer de trop significatif. Mais puisque le Québec n’est pas encore désintoxiqué du « marketing politique », comme le sont d’autres pays du monde, tout porte à croire qu’une majorité d’électeur(e)s plébisciteront le bon vieux programme néolibéral orchestré par des libéraux, s’il est effectué sous une nouvelle appellation.

Il faut dire que, malgré le réchauffé que constitue le programme de la CAQ, « l’équipe du changement » a su bien flairer l’évolution politique du Québec, car, pendant que le PQ et les libéraux en font des tonnes pour paraitre progressiste, voir à gauche, la CAQ semble rester la seule option crédible pour le votant de droite. Et il est en effet assez logique qu’un parti qui cherche le pouvoir (pour le pouvoir) propose un programme de centre droit plus ou moins nationaliste, puisque c’est l’orientation générale que les sondages mesurent chez l’électorat francophone depuis bien longtemps. Le pari de la 3e voie autonomiste de Mario Dumont semble donc payé, près de 25 ans après la fondation de l’ADQ.

Évidemment, les droitards purs et durs auront le bon jeu de répondre que la CAQ n’est pas vraiment de « droite », mais l’élection potentielle de la CAQ inaugurera moins une ère de « révolution conservatrice » qu’un plan marketing réussit. Il s’agit donc d’un autre 4 ans de perdu, où les choses continueront dans la voie de la paupérisation et du tout au privé, comme c’est le cas depuis tant d’années...

Comme je l’ai déjà maintes fois rappelé, la situation politique du Québec est une situation bloquée. Elle l’est d’abord à cause du système électoral actuel qui empêche de nouvelles forces d’émerger et favorise le clientélisme. Mais elle l’est aussi grâce au blocage qu’a réussi à créer le parti libéral autour de la question nationale[1], puisqu’une partie importante de l’électorat votera pour le PLQ peu importe le programme et les scandales qu’il porte. Cette caricature que fait le parti libéral de l’indépendance est depuis longtemps mise en scène, afin d’unir artificiellement le patronat, les communautés immigrantes et les impérialistes canadiens sur la base de la peur de l’indépendance du Québec. Cette peur, qui va au détriment de l’intérêt de l’électorat immigrant, le rend pourtant captif ad vitam aeternam d’un système qui ne profite qu’à une infime minorité de leurs soi-disant représentants et participera immanquablement au cynisme et aux préjugés d’une population qui souffre des mêmes maux qu’eux.

Ce repoussoir qu’est l’indépendance est constamment remis au goût du jour, au gré des stratégies de communication libérales, afin de faire passer l’ordre canadien pour progressiste ou conservateur en fonction de la situation. Néanmoins, casser du sucre sur les Québécois, tout en gouvernant dans une presque impunité, a fini par en agacer plus d’un. Même une partie de l’établissement mise désormais sur ce nouveau cheval qu’est la CAQ afin de maintenir le statu quo. C’est dire!

Notons également que cette politique, entretenue depuis des décennies par le parti libéral, est en bonne partie à l’origine du malaise identitaire de la majorité francophone du Québec, qui accepte mal d’être considérée comme une majorité oppressante alors qu’elle ne contrôle à peu près rien[2]. C’est ce malaise que manipule désormais la CAQ, afin d’obtenir le soutien de cette majorité gens qui en bavent, sans pour autant se mouiller sur la question nationale. Mais, comme une bonne partie de leur programme, l’idée de remplacer la souveraineté par le nationalisme culturel n’est pas originellement d’eux, puisqu’elle provient initialement du PQ. Mais comme la CAQ n’est pas un parti souverainiste, la peur évoquée plus haut ne joue pas le même rôle et, contrairement au PQ, le segment électoral qu’il convoite s’en trouve seulement agrandi par une part des péquistes désillusionnés de droite et de centre.

Il en va tout autrement pour le PQ, puisque si cette stratégie identitaire se révéla un échec comme un autre à l’époque, celle-ci prend une tout autre importance, maintenant que le PQ tente un retour à la social-démocratie. Comme chacun sait, on ne peut pas passer d’un programme identitaire à un programme social-démocrate en quelques années sans y laisser des plumes chez l’électorat de gauche. Électorat, qui, rappelons-le, est toujours plus ou moins sous l’influence des « identity politics » de nos justiciers sociaux et qui ont au moins aussi peur du nationalisme culturel de la majorité que les communautés immigrantes et les nationalistes canadiens ont peur de la souveraineté du Québec.

Loin de moi l’idée de condamner le principe d’un retour du PQ à gauche, mais je ne crois vraiment pas que l’établissement du parti ait changé au point de se réveiller socialement après plus de 20 ans tergiversation sur la question. Et je ne parle pas que de la seule direction du parti, mais également de ses militants, puisque c’est un programme identitaire qu’ils ont plébiscité au travers de Jean-François Lisée ! Pourtant, moins de deux ans plus tard, c’est un programme de gauche qui se trouve voté par les membres ? Ce changement pourrait paraitre inexplicable à première vue, étant donné qu’il n’y a eu aucun échec électoral ou changement de direction majeur. Cependant, un évènement pourrait expliquer ce retournement de situation.

Après l’échec de la convergence souverainiste avec QS de 2017, un froid assez glacial s’est cristallisé entre les deux partis. Surtout de la part des militants péquistes, qui ont, pour sa majorité, très mal digéré le refus d’alliance et ont développé un ressentiment profond envers ce parti, considéré à tort comme un concurrent gênant.

Cette alliance, qui n’était pas vraiment à l’avantage de QS, aurait été certes la bienvenue pour la gauche et pour la cause indépendantiste, mais celle-ci arrivait de toute façon trop tard, puisque c’est en 2012 qu’elle devait se faire. C’est-à-dire au lendemain de la crise étudiante, au moment où l’esprit était à la convergence. Mais à cette époque le PQ lui-même la rejetait[3]. Mais aujourd’hui, tout semble indiquer que les membres du PQ ont décidé dans leur congrès de courtiser prioritairement l’électorat solidaire, au détriment de son électorat de droite.

On pourrait presque croire que c’est un esprit de vengeance qui anime les troupes péquistes, puisque le segment électoral visé laisse le champ libre à son principal conçurent, c’est-à-dire la CAQ. Le PQ, qui est une coalition indépendantiste transcourants, semble perdre le contact avec sa nature et dérive entre la gauche et la droite tout en oubliant que ce qui tient ses composantes est la lutte pour l’indépendance. Comme le PQ ne propose pas un projet indépendantiste à ces élections ni même un programme de protection identitaire majeure et que le programme de QS est socialement beaucoup plus avancé que celui du PQ, l’électorat potentiel du PQ se résume à bien peu de monde, étant donné que les acquis de QS sont stables. C’est du moins ce qui se mesure dans les sondages.

Un autre élément qui doit être mentionné est la proximité plus ou moins avérée des groupes d’extrême droite avec le PQ. Si les liens sont souvent assez contestables, l’effet repoussoir qu’ils donnent à l’électorat de gauche lui est incontestable. Et les tentatives de rassemblement, comme celui de l’autre gauche, ne vont pas sans contribuer à cette image, puisque les auteurs du manifeste utilisent une partie de l’argumentaire de la droite[4] contre QS pour s’opposer comme étant « l’autre gauche ».  

Il y a encore bien des gens qui, fidèles au poste, voteront toujours pour le PQ. Cela forme encore une bonne base, mais ce segment électoral de plus en plus âgé et qui vote plus par tradition que par espoir de changement, ne risque pas de s’accroitre par magie. On le constate aisément, le mouvement républicain-indépendantiste est beaucoup mieux représenté par le programme de QS et comme la CAQ se fait le porte-étendard du nationalisme culturel québécois, il est très probable que la gauche souverainiste et la droite identitaire délaissent le PQ dans des secteurs clés pour sa survie. Secteurs clés qui, s’ils ne donnent pas la victoire à ces partis autres partis, assureront tout de même la défaite du PQ.

Que retenir de la situation présente ? Nous avons un PLQ qui plagie le progressisme bon chic bon genre du PLC dans l’espoir qu’on oublie qu’il a un lourd bilan. Ensuite nous avons une CAQ qui se fait la championne du nationalisme de cabane à sucre, mais surtout pour faire oublier son programme néolibéral. De l’autre côté du spectre politique, nous avons un Québec solidaire qui se trouve à être le seul parti social-démocrate proposant concrètement la souveraineté par une constituante, mais qui peine à rejoindre les classes laborieuses hors des grands centres. Et, à peu près sur le même spectre électoral, nous avons un PQ qui propose également un programme social-démocrate (moins l’indépendance), mais qui pourrait bien encore changer son fusil d’épaule en court de route.

Comme vous le voyez, la situation politique au Québec n’est pas très reluisante et ceux qui espèrent un changement politique prochain risquent d’être bien déçus.

D’un point de vue socialiste, les prochaines années ne risquent donc pas d’être de tout repos, car il devient impératif de construire un bloc social puissant avant qu’il ne soit trop tard, étant donné que nous ne pouvons pas vraiment compter sur ces élections pour changer le rapport de force. La population s’est certes droitisée dans les dernières années, mais pas tant du point de vue des luttes sociales. Elle s’est surtout radicalisée en réaction des politiques identitaires provocatrices des libéraux fédéraux et provinciaux qui flattent les minorités dans un objectif purement clientéliste. En conséquence, il est faux de croire que le peuple québécois ne soutiendrait pas une offensive sociale d’envergure. Il faut seulement cesser d’ignorer ses peurs et ses angoisses et l’écouter, car c’est bien pour lui que nous luttons !

Benedikt Arden (juillet 2018)



[1] Ce blocage sur la question nationale, même elle semble anecdotique pour certains, est plus important qu’il n’y parait (surtout à gauche et chez les nationalistes), puisque leurs projets politiques ne peuvent réellement être mis en place dans le cadre canadien. L’État souverain c’est encore le Canada, mais bien des partis aux Québec font beaucoup d’effort pour l’oublier.  
[2] Elle n’est d’ailleurs même pas en mesure de sanctuariser le français sur son territoire.
[3] Pauline Marois avait refusé le principe des primaires souverainistes en 2012 en expliquant que « la seule option qui existe pour réaliser la souveraineté, c’est un gouvernement majoritaire, et seul le Parti québécois peut l’assurer ».
[4] L’accusation d’être une gauche proreligieuse, multiculturelle et postnationale.