samedi 23 mars 2013

Régis Debray : « La mémoire est révolutionnaire. »


Le dernier ouvrage de Régis Debray, Modernes catacombes (janvier 2013), dit vouloir questionner le rôle et la fonction littéraires. Certes. Mais on décèle, en creux, le leitmotiv d’une œuvre de presque un demi-siècle : « la mémoire est révolutionnaire ». Insurgés de tous les pays, tournez la tête !

Debray chérit le démodé, le délavé, les teintes un peu jaunies par un temps passant sans doute trop vite. L’écrivain – il n’aime pas, ou plus, qu’on le nomme philosophe – a toujours eu le mal d’un pays inconnu : avant. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : l’âme féodale croit que tout y était mieux et qu’il conviendrait d’y retourner séance tenante ; l’âme rétive croit qu’un pied dans ce territoire oublié, sinon perdu, permet d’élancer l’autre vers l’avenir. Notre époque se consume dans l’instant présent ; repères, attaches, racines : vocabulaire réactionnaire et fascisant. Puisque tout doit être tout de suite, alors cavalons dans l’immédiat… et laissons les rennes à ceux qui se réjouissent d’un sur-le-champ sans champs de bataille : les ennemis du socialisme.

Son livre se présente comme une série de portraits et de réflexions thématiques : Sollers (l’air du temps, simili et sans souffle), Foucault (philosophe dit des marges mais devenu le cœur de l’institution), le registre autobiographique, Breton (artiste à rebours), de Gaulle, Sartre (généreux rebelle, nonobstant les ratages), le genre épistolaire, Gary, et nous en passons… Les curieux liront l’ouvrage.

vendredi 15 mars 2013

Le FLQ et la lutte des classes


Entrevue et photos : Pierre Klépock
Pour Paul Rose, la question nationale et sociale au Québec est une lutte de classe ouvrière dans une perspective anti-capitaliste et anti-impérialiste. Et l’internationalisme entre les classes populaires du Québec et d’ailleurs n’est pas un internationalisme de départ à sauvegarder, mais un internationalisme à construire.

« La lutte de libération nationale est une lutte de classe, parce que c'est le peuple et les classes populaires qui subissent la véritable oppression », soutient Paul Rose.

À ceux qui prétendent que mener une lutte de libération nationale et d’émancipation sociale au Québec ça fait nationaleux, il a ceci à leur répondre : « Pour moi, les nationaleux, c'est ceux qui portent le fédéralisme canadien au dessus et malgré les peuples ».

« Le nationalisme québécois, je regrette, mais c'est un nationalisme de libération. C'est un peuple auquel on nie l'existence, qui essai de trouver sa place au soleil. La même chose en Palestine, en Irlande, etc. Se sont de longues batailles de libération menées par les classes populaires », plaide-t-il.

« Ce n'est pas le degré d'agression et de résistance qui fait qu'il y a oppression ou pas. Actuellement, les Palestiniens et les Irlandais rentrent dans des rapports moins ouverts d'agression, mais cela ne veut pas dire qu'il y a moins d'oppression », continue Paul.  

« L'oppression nationale c'est la négation d'existence et d'appartenance d'un peuple. Et la seule façon d'être solidaire avec tous les peuples, c'est d'exister. Car l'existence, c'est le début de la solidarité », argumente Paul. 

« Exister de façon autonome, de façon à se reprendre en main, à s'organiser sur le terrain, c'est cela qui est essentiel. Si on pense seulement en terme de surface, on n’arrive pas dans la réalité. La réalité humaine se développe à partir du terrain, à partir du quartier, de la ville, de la région. On ne créera pas de solidarité internationale si on le fait par-dessus les appartenances terrain. L'indépendance et la pleine autonomie des peuples, c'est là-dessus que doit se bâtir l'internationalisme, car l'internationalisme ne peut pas avoir de sens s'il n'y a pas de nations », termine Paul Rose.

« L'oppression nationale c'est la négation d'existence et d'appartenance d'un peuple. Et la seule façon d'être solidaire avec tous les peuples, c'est d'exister. Car l'existence, c'est le début de la solidarité »

Poing levé, Paul Rose arrive au vieux Palais de Justice de Montréal. Peu après son arrestation, il est condamné à perpétuité de façon expéditive. Le système carcéral lui fera subir un régime spécial. Il fera près du tiers de son temps au trou, 23 heures et demie sur 24. Avec 12 ans de pénitentier, il demeure un des prisonnier politique les plus longtemps incarcéré dans le monde. Sa famille, le mouvement ouvrier et plusieurs artistes québécois feront tout pour le sortir des prisons infectes du fédéral.

jeudi 14 mars 2013

En hommage à Paul Rose (1943-2013)



Nous nous sommes connus, Paul Rose et moi, dans des circonstances dramatiques. C'était pendant ce qu'on a appelé le « lundi de la matraque », le 24 juin 1968. Sur le mot d'ordre du FLP (Front de libération populaire), créé après la dissolution du RIN et dirigé par Andrée Ferretti, de nombreux militants indépendantistes s'étaient donné rendez-vous au parc La Fontaine, pendant le défilé de la Saint-Jean-Baptiste, qui ne portait pas encore le nom de Fête nationale du Québec. Le but était de protester contre la présence de Pierre-Elliot Trudeau sur l'estrade d'honneur, parmi d'autres dignitaires sensés représenter la fierté québécoise. Pour celui qui allait être élu, le lendemain, premier ministre du Canada, le vaste mouvement de libération nationale du Québec, toutes tendances confondues, n'avait qu'une valeur ethnique, donc réactionnaire.

Il commençait à faire nuit, ce 24 juin, et les premières chaleurs de l'été invitaient à la détente. Pourtant le parc La Fontaine ressemblait de plus en plus à une arène de boxe, à la différence qu'une partie des combattants était armée de matraque et l'autre manifestait à main nue. Bien sûr, quelques bouteilles vides de boissons gazeuses avaient été lancées sur l'estrade du déshonneur, de l'autre côté de la rue, mais il fallait être un lanceur exceptionnel pour prétendre atteindre la cible visée, soit Pierre-Elliot Trudeau.

Alors que je tentais de prêter main forte à un manifestant allongé par terre en arrêtant un policier qui le frappait, j'ai reçu un premier coup de matraque sur la tête. Le coup m'était venu par derrière, sans que je m'y attende. Je me souviens d'avoir vu des étoiles, comme celles que l'on voit dans les bandes dessinées lorsqu'une personne est frappée de la sorte, puis j'ai perdu connaissance.

J'ai retrouvé mes esprits quelques instants plus tard, j'imagine, car j'avais perdu la notion du temps. J'étais dans un fourgon cellulaire, littéralement dans les bras d'un géant qui me regardait du seul œil fonctionnel qu'il avait. Il enleva rapidement sa chemise et commença à éponger mon visage couvert de sang. J'avais reçu non pas un mais deux coups de matraque et la tête m'élançait.

Ce qui m'impressionna d'emblée chez ce colosse fut son calme et la pleine maîtrise de la situation. Il faut dire qu'il en imposait, aussi bien par sa taille que par son regard perçant. On aurait dit que porter secours à ses proches, dans des conditions périlleuses, était la chose la plus naturelle. Je sentais une chaleur réconfortante. J'ai toujours gardé de cette première rencontre une impression impérissable. Sans un mot, nous nous sommes reconnus. Je venais de découvrir un camarade.

Nous nous sommes revus, dès notre libération, pour publier un livre aux éditions Parti pris de Gérald Godin sur « le lundi de la matraque ». Plus de 300 personnes avaient été arrêtées et brutalisées et nous voulions rassembler le plus de témoignages possibles. Puis nous avons rencontré Pierre Harel, qui a tourné un film sur ces événements et ces témoignages, intitulé Taire des hommes, qui rappelait la Terre des hommes de l'Exposition universelle de Montréal, l'année précédente.

Ce fut le début d'une belle solidarité qui nous mena jusqu'aux événements d'Octobre 1970, en passant par la Maison du pêcheur. Des deux cellules qui se formèrent, à l'été 1970, celle de Paul Rose était sans doute celle qui avait le plus une vision à long terme du combat à mener. Paul avait le sens de l'organisation, il savait que pour gagner, il fallait posséder une bonne infrastructure, pour durer aussi longtemps que possible. Notre cellule était pressée de passer à l'action et ce n'était pas son choix. C'est sans doute lui qui avait raison.

Sa mort subite me rappelle celle de nombreux autres militants et patriotes partis trop tôt, c'est-à-dire avant qu'ils aient pu assister à la naissance de ce Québec souverain pour lequel ils ont tant lutté, sans rien demander en retour.

Aujourd'hui je pleure la mort d'un doux guerrier.

Jacques Lanctôt

jeudi 7 mars 2013

Déclaration du Gouvernement révolutionnaire : Hasta siempre, Comandante !


C’est avec un douleur profonde et lancinante que notre peuple et le Gouvernement révolutionnaire ont appris la nouvelle du décès du Président Hugo Chavez Frias, et nous tenons à lui rendre un hommage vibrant et patriotique pour son entrée dans l’Histoire comme un enfant illustre de Notre Amérique.

Nous adressons nos plus sincères condoléances à ses parents, à ses frères, à ses filles et à son fils, ainsi qu’à toute sa famille, qui est désormais la nôtre, tout comme Chavez est aussi un enfant de Cuba, de l’Amérique latine et de la Caraïbe, et du monde.

En ce moment d’immense tristesse, nous partageons les plus profonds sentiments de solidarité avec le peuple vénézuélien, que nous accompagnerons en toutes circonstances.

Que la Révolution bolivarienne soit assurée de notre soutien le plus total et inconditionnel en ces journées difficiles.

Nous tenons également à réitérer notre soutien, notre encouragement et notre foi dans la victoire aux camarades de la Direction politico-militaire bolivarienne et du Gouvernement vénézuélien.

Le Président Chavez a livré une bataille extraordinaire tout au long de sa vie courte et féconde. Nous nous souviendrons toujours de lui comme le militaire patriote au service du Venezuela et de la Grande Patrie ; comme l’honnête, lucide, téméraire et vaillant combattant révolutionnaire ; comme le leader et commandant suprême qui a réincarné Bolivar, accomplissant son œuvre inachevée ; comme le fondateur de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique et de la Communauté des États latino-américains et caribéens.

Son combat héroïque et courageux contre la mort constitue un exemple inégalable de fermeté. Le dévouement admirable de ses médecins et infirmière a été une prouesse d’humanisme et d’abnégation.

Le retour du Président dans sa très chère Patrie vénézuélienne a changé l’histoire. « Nous avons une Patrie ! », s’était exclamé Chavez avec émotion le 8 décembre dernier, et il y est retourné pour affronter les plus grands risques que lui imposait sa maladie. Rien ni personne ne pourra arracher au peuple vénézuélien sa Patrie retrouvée.

Toute l’œuvre de Chavez nous apparaît invaincue. Les conquêtes du peuple révolutionnaire, qui le sauva du putsch d’avril 2002, et qui l’a suivi sans hésiter, sont désormais irréversibles.

Le peuple cubain le revendique comme l’un de ses enfants les plus illustres, et l’a admiré, suivi et aimé comme l’un des siens. Chavez est aussi cubain ! Il a senti dans sa propre chair nos difficultés et nos problèmes, et il a fait tout ce qu’il a pu, avec une extrême générosité, en particulier durant les années les plus dures de la Période spéciale. Il a accompagné Fidel comme un véritable fils, et son amitié avec Raul fut profonde.

Il a brillé dans les batailles internationales face à l’impérialisme, toujours dans la défense des pauvres, des travailleurs, de nos peuples. Enflammé, persuasif, éloquent, ingénieux et émouvant, il parlé depuis les entrailles des peuples, il a chanté nos joies et déclamé nos vers passionnés avec un éternel optimisme.

Les dizaines de milliers de Cubains qui travaillent au Venezuela lui rendront hommage en accomplissant avec ferveur leur devoir internationaliste, et ils continueront d’accompagner avec honneur et altruisme l’épopée du peuple bolivarien.

Cuba gardera une loyauté éternelle à la mémoire et à l’héritage du Commandant Président Chavez, et persistera dans ses idéaux d’unité des forces révolutionnaires et d’intégration et d’indépendance de Notre Amérique.

Son exemple nous guidera dans les prochaines batailles.

mercredi 6 mars 2013

Jean-Claude Michéa et Janette Habel à propos d'Hugo Chavez

Jean–Claude Michéa, Philosophe et Essayiste, vient de publier aux éditions du Climats Les Mystères de la gauche, de l’idéal des lumières au triomphe du capitalisme absolu. Et Janette Habel, Maître de conférences à l'Institut des hautes études d'Amérique latine.


Les matins - Jean-Claude Michéa et Janette Habel par franceculture