vendredi 29 décembre 2017

Pourquoi l’extrême droite monte-t-elle ?

On le constate depuis des décennies déjà et cela s’est encore récemment observé en Autriche, avec l’avènement de plusieurs nouveaux ministres du FPÖ à des postes régaliens. L’extrême droite gagne en popularité partout dans les pays autrefois prospères. En Amérique du Nord, ce phénomène est surtout représenté sous la forme de groupes extraparlementaires, mais en Europe cela se présente de plus en plus sous une forme directement politique et donc de manière encore bien plus dangereuse.

Mais pourquoi ce constat ? Pourquoi ce phénomène est-il en plus grande croissance aujourd’hui que dans les années 60-70 ? Et, d’ailleurs, pourquoi dans les années 30 plus que dans la période de la fin du 19e siècle ?  Serait-ce une fatalité de l’Histoire ou bien s’agit-il d’un phénomène structurel que les événements de l’Histoire provoqueraient plus ou moins involontairement ?

Heureusement pour nous, loin de toute fatalité, la force de l’extrême droite est toujours le fait du pourrissement du jeu politique traditionnel, lié à son abandon face aux forces du capital, et par le repli temporaire des forces sociales. L'extrême droite monte un peu partout, aujourd’hui comme hier, pour des raisons qui sont certes conjoncturellement différentes, mais structurellement comparables.

Il n'y a nulle magie là-dedans puisque les mêmes effets proviennent des mêmes causes. Il suffit d'enlever le voile d'idéologie pour comprendre pourquoi.

Le néolibéralisme détruit tous les points de repère des gens, en plus de détruire leurs conditions de vie. Quand ces personnes deviennent vraiment à bout des discours vides des politiciens-serviettes et des alternances factices, ces derniers se tournent vers les démagogues du « c'était mieux avant » ou, pire, vers les promoteurs d’un « ordre naturel ». Cette peur de l'avenir, tout à fait justifiée, se mute donc en xénophobie (voir en racisme) au lieu d’être un vecteur de lutte social.

À ce marasme, certains voudront jouer la carte de la pureté et de l'indignation morale. En somme du renfermement sur soi. Mais en dehors des réseaux sociaux et des "safes spaces", la situation continuera à empirer. Pourtant, la situation est assez simple à comprendre et des voies de reprise en main existent.

Si c'est le vide de confiance et d'espoir en l'avenir qui pousse les masses précarisées vers l'extrême droite, c'est qu'il n'y a pas de réponses satisfaisantes à gauche! On peut même ajouter que plusieurs de ses composantes actuelles aiment à diaboliser ces majorités, dans une défense un peu bancale des minorités. Autrement dit, une gauche qui joue la division au lieu d’unir les précarisés dans un objectif commun.

Il n'y a évidemment pas de recettes magiques, mais une chose est sûre : la lutte pour les droits des uns passe par le droit des autres, car l'autodestruction de notre monde par la guerre et le productivisme va de pair avec la précarité sociale et la perte des repères civilisationnels.

Si tout est lié, c'est qu'il existe une réponse non contradictoire à donner et c’est de cette façon que l'on unira les basses classes sociales pour porter un projet politique positif. C'est également de cette façon que l'on coupera l'herbe sous le pied de cette extrême droite qui ne cesse de monter.

Mais comment unir ces luttes en une seule ? D’abord en ne stigmatisant pas les gens en tant qu’individus, mais en visant les structures qui engendrent les hiérarchies entre les personnes. Ensuite en créant un mouvement politique très large dans lequel un peu toutes les causes pourraient s’y côtoyer sans contradiction, car basées sur les consensus des classes précarisées. Autrement dit, sur un programme minimal de transition sur lequel construire un projet politique (certes incomplet, mais réaliste) qui offre des garanties d’évolutions politiques potentielles.

Comme je l’ai déjà évoqué, il n’y a pas de recette magique, mais un programme minimal largement inclusif implique quatre aspects minimaux : la souveraineté, la démocratie, le partage des richesses et la protection de l’environnement. Sur cette base, tout est possible, car le consensus majoritaire existe déjà dans nos sociétés. Ne reste plus qu’à leur donner une forme véritable pour enfin retrouver l’espoir en l’avenir, car c’est sur la base de la trahison de ces « voies ensoleillées » que la haine se forme dans le cœur du peuple. Et c’est cette haine qui nourrit l’extrême droite.


Benedikt Arden (décembre 2017)   

jeudi 30 novembre 2017

À quoi aurait ressemblé le monde sans la Révolution d’Octobre ?

Le 7 novembre 2017[1] se voyait fêter le 100e anniversaire de la Révolution d’Octobre. Anniversaire que nombre d’entre vous ont appris à appréhender comme une révolution totalitaire et qui avait comme projet d’imposer une « idéologie inhumaine » à tout un peuple. Il faut dire que l’autodestruction de l’URSS a laissé le champ libre aux affirmations les plus décomplexées, car n’ayant plus vraiment de contradicteur audible à faire face. Mais dans le cadre du centenaire de ces jours qui, comme l’écrivait jadis John Reed, « ébranlèrent le monde », ne vaut-il pas mieux réfléchir aux avenants et aux aboutissants de cet événement, au lieu de hurler son ignorance avec les loups du capital? Cette révolution a eu pourtant des impacts fondamentaux sur notre monde. C’est pourquoi une révision de l’héritage soviétique pourrait nous sortir des caricatures et pourrait démontrer que le tableau est plus nuancé qu’il n’y parait. Puisque comme chacun sait, la démocratie et le socialisme ne peuvent émerger aisément de la guerre civile.

Il faut dire que le 26 décembre prochain, ceux qui aiment les sombres bilans pourront toujours fêter le 26e anniversaire de la dislocation de l’URSS et du terrible drame social que cet événement a su engendrer. Ainsi, ces belles consciences qui aiment à juger cette construction un peu bric-à-brac et issue de l’adversité comme une utopie pleinement réalisée et séparée du monde, pourront se conforter dans leur idée reçue!

Cette situation est peut-être regrettable pour tous ceux qui luttent contre la pauvreté, mais cette redoutable arme antisociale qu’est l’anticommunisme est depuis longtemps une réalité quotidienne avec laquelle tout(e) militant(e) progressiste doit savoir compter. Cependant, depuis plus d’une décennie, le tableau d’un capitalisme triomphant se trouve de plus en plus malmené par son propre bilan et des alternatives au capitalisme émergent de part et d’autre. C’est pourquoi le « péril rouge » revient constamment sur la scène afin de diaboliser toutes ces alternatives plus ou moins nouvelles et au contenu idéologique souvent fort éloigné du marxisme-léninisme. Le monde des puissants étant constamment ébranlé par le poids de ses propres contradictions, il devient toujours plus important à ceux qui profitent de ce système de combattre le mouvement social par l’usage de cette rhétorique issue d’un autre âge.

Malgré le côté un peu ridicule de certains de ses arguments, l’anticommunisme primaire d’une certaine droite garde un effet dévastateur, puisqu’ayant le potentiel de faire dériver les masses précarisées vers le nihilisme ou la droite identitaire. Pourtant un peu de travail d’éducation populaire serait la bienvenue sur cette question, car les contradictions intrinsèques du capitalisme ne se sont pas résorbées par la seule disparition de l’URSS. Il serait donc pertinent de revoir, non pas tant les promesses tenues ou non du marxisme-léninisme, mais bien de se rappeler quelques conséquences positives que nous devons à cette révolution et, pourquoi pas, un peu de spéculation historique par la même occasion!

Avant toute chose, rappelons que l’URSS n’était pas un régime « communiste » à proprement parler, mais un État à économie dirigée. Ce que l’on appelait à l’époque le « socialisme réel ». Les États issus de ce modèle avaient, selon la théorie marxiste-léniniste, pour tâche théorique de « construire le socialisme » et d’emmener la société vers le communisme, mais ne constituaient pas des États « communistes » pour autant. Le communisme étant le stade second du socialisme, stade dans lequel les classes sociales ont été dépassées (et qui ne fut jamais encore atteint nulle part, doit-on encore le rappeler), il est vain de juger ces États sur la base de la réussite ou non de ce stade d'évolution. Il est également inutile de débattre de la question à savoir si le bilan de l’URSS peut vraiment invalider les idées marxistes. Seule la voie choisie par les acteurs de ces changements doit être jugée par ce bilan. Mais justement! Contrairement à ce que l’on entend constamment, le bilan n’est pas uniquement négatif, loin s’en faut! Et je ne parle même pas du fait que l’URSS a su transformer en quelques décennies un empire moyenâgeux en la deuxième puissance mondiale, mais uniquement des effets qui nous ont touchés plus ou moins directement. Enfin, commençons par le début.    

Lorsque la bande à Lénine est arrivée au Kremlin, on a très tôt dénoncé ce changement de régime comme une barbarie envers « l’ordre naturel » et contre la « morale ». Un fait assez évoquant et cachant à peine l’intérêt de classe des propagandistes de l’époque, est à quel point ces messieurs, normalement si libéraux, ont vite fait d'oublier la nature du régime en place avant la révolution de février[2]. Le tsarisme, comme toutes les monarchies absolues, était un véritable concentré de tout ce que l’on compte de totalitarisme. Et ceci encore au tout début du 20e siècle. La lecture d’auteurs contemporains au tsarisme, comme Léon Tolstoï, nous révèle pourtant une réalité à glacer le sang dans leurs récits de l’époque. C’est néanmoins ce type de régime que les Alliés et le Canada ont soutenu lorsqu’ils ont soutenu militairement la contre-révolution blanche[3] au lendemain de la guerre. Et cette contre-révolution n’était pas dirigée par les libéraux déchus de la révolution de février, mais bien par ceux qui souhaitaient le retour de l’époque des Romanov et de « l’ordre naturel ».

Et ce fameux « ordre naturel », celui-là même qui devait être en symbiose avec la tradition paysanne et que les réactionnaires actuels aiment encore tant à faire l’apologie, ne devait pas vraiment remplir de nostalgie les ex-serfs de Russie. Car ces derniers, malgré la tradition religieuse encore vivace, ont très majoritairement préféré soutenir les « collectivisateurs bolcheviques »[4] aux féodaux de la « Russie blanche ». Il faut dire que les « blancs » n’ont pas attendu la reprise du pouvoir politique pour mettre en pratique leur vision de « l’ordre naturel ». Et c’est à grand coup de pied au derrière que les contre-révolutionnaires ont tenté de se rallier le bon peuple … Ce fût finalement une grande chance pour les bolcheviks que d’avoir eu des adversaires aussi stupides, puisque la dureté du « communisme de guerre » aurait bien pu rallier les moins déterminés des paysans à un ordre social certes injuste, mais au moins stable.

Il est toujours hasardeux d’imaginer ce qu’un destin alternatif aurait pu donner, mais il est tout à fait certain que la révolution de février (la révolution démocratique et libérale) n’aurait pas survécu l’épreuve du temps, tellement ses fondements étaient vacillants[5]. Le plus probable scénario aurait été une période de changement de régime plus ou moins long. Ces changements auraient potentiellement pu vaciller entre dictature militaire, retour du tsarisme et petits intervalles de république comme l’a connu la France du 19e siècle, mais cela n’est que pure spéculation. De quoi l'actuelle Russie serait-elle faite ? C’est impossible à dire avec certitude, mais une chose est sûre, cette instabilité aurait nécessairement engendré quantité de régimes autoritaires et fortement réactionnaires. C’est pourquoi l’aspect internationaliste de l’URSS et les avantages que les petites nations ont pu tirer de la rivalité géopolitique[6] avec les États-Unis n’auraient jamais pu exister.

Mais plus près de chez nous. En quoi la révolution d’octobre eut-elle un quelconque impact dans nos vies ? Bien, elle a d’abord donné un espoir énorme à des millions de personnes que le régime de la propriété privée avait réduit à un quasi-esclavage[7]. Mais elle a surtout permis d’orienter la politique des pays démocratiques d’un cran vers la gauche. Ce débalancement vers la gauche a certes eu de notables conséquences dans certains pays d’Europe, puisqu’étant la cause de plusieurs scissions chez des partis sociaux-démocrates puissants, mais elle a aussi orienté le débat politique vers des enjeux restés en marge chez ces derniers. On néglige souvent ce fait, mais la peur qu’a inspirée la Révolution russe à l’ordre bourgeois est à la source de beaucoup de compromis avec les syndicats et la social-démocratie.

Comme je l’ai mentionné, cette peur qu’inspirait la révolution communiste ne fut toutefois pas sans conséquence dans un premier temps. Des partis sociaux-démocrates jadis puissants, comme en Allemagne et en Italie, mais affaiblis par leur rivalité avec le PC[8], ont laissé du terrain à ces forces en pleine mutation qu’étaient les partis fascistes. L’émergence de ces partis, à la fois populaires[9] et antidémocratiques, devait offrir un recours inespéré à une bonne partie de la bourgeoisie apeurée par le spectre d’une révolution communiste soutenue par l’URSS. Ce soutien aux organisations fascistes avait pour objet de combattre la gauche dans la rue, mais devait également entraîner une bonne partie des masses pauvres à combattre des boucs émissaires pour ainsi neutraliser le danger que constitue la conscience de classe. Mais les dictateurs ont le vilain défaut d’avoir souvent de l’ambition et cela explique en partie la perte de contrôle de cette Allemagne nazie devenue bien plus dangereuse que celle du Kaiser au début du siècle.

Il est difficile d’affirmer que les partis fascistes auraient conservé la même nature lors de l’entre-deux-guerres sans les effets de la Révolution d’octobre. Ceux-ci auraient néanmoins été inévitablement présents, puisque leurs racines remontent la plupart du temps à bien avant 1917. De plus, l’Espagne aurait été sans doute conquise par les franquistes beaucoup plus tôt sans l’apport des brigades internationales et du soutien russe. D’autre part, la tactique des fronts populaires[10] aurait été probablement moins évidente sans l’appui du Kremlin. Des alliances, apparemment contre nature aujourd'hui, comme le « cercle Proudhon »[11], auraient pu se multiplier et changer profondément l’histoire de l’entre-deux-guerres et ainsi faire basculer son issue. Pour cette période de combat de rue et d’incertitude politique, il est encore plus hasardeux d’évaluer l’évolution de cette période sans l’effet de la Révolution d’octobre, mais il est certain que la stratégie des fronts populaires a été possible d’abord et avant tout parce que le Komintern[12] le prescrivait. Et c’est sur la base des fronts populaires que le concept même de « gauche », comme famille idéologique, tire sa source moderne. Ce qui n’est pas sans impact encore aujourd’hui. 

Pour ce qui est de la Deuxième Guerre mondiale, il est inutile de s’étendre sur le sujet bien longtemps, car ceux qui connaissent un tant soit peu la question savent pertinemment que c’est aux Russes que nous devons le tournant de la guerre. L’héroïque résistance du front de l’est, face à une armée qui avait la réputation d’être invincible, ne peut être occultée par le « Débarquement de Normandie » (juin 1944). Puisque celui-ci n’aurait probablement pas eu lieu sans la résistance française des communistes et la défaite allemande à Stalingrad (février 1943). La Grande Guerre patriotique[13] de l’URSS est un exploit qui fût d’ailleurs salué, à l’époque, par l’ensemble de l’alliance, car elle fut le pivot qui fit basculer l’issue de la guerre… Et, par la même occasion, la face du monde futur! Il est à ce titre intéressant de réfléchir à ce qu’aurait été cette guerre (si fondamentale à l’architecture de l’ordre mondial actuel) sans l’avènement de la Révolution d’octobre ? Un État tsariste ou une dictature militaire aurait-il pu se joindre à l’Axe ? Il est impossible de savoir avec certitude ce que notre monde aurait pu ressembler en pareil cas, mais il est certain que l’Union soviétique a été la pièce maîtresse de cette lutte antifasciste au 20e siècle. 

Après 1945, l‘influence de l’URSS s’est considérablement accrue comme vous le savez. Et c’est à partir de cette époque que la Guerre froide devient le point de fixation du monde. Si l’URSS n’avait pas existé, toutes les conséquences issues de la guerre froide auraient été complètement différentes. Cette guerre ne fut certes pas une partie de plaisir, mais maintenant que la menace de guerre nucléaire est loin derrière nous, il nous est enfin possible d’en apprécier les aspects positifs.

Que ce soit la compétition en termes de technologie et de culture, toutes ces questions ont eu d’énormes conséquences sur notre monde et en premier lieu du point de vue de la connaissance fondamentale. La course vers l’espace et ses découvertes qui ont enflammé l’imagination de tous les peuples n’aurait peut-être jamais eu lieu sans cette fameuse Guerre froide ! Mais toutes ces avancées ne doivent pas occulter l’incroyable développement de la question sociale dans nos pays, car sans la menace de « l’empire soviétique », les effets économiques de la reconstruction de l’Europe auraient pu être beaucoup plus mal investis.

Il faut dire que les grands bourgeois d’Europe n’ont pas tous réussi à « s’acheter » des certificats de résistants et le déshonneur fut souvent la moins grave des conséquences. Et comme les communistes ont été au tout premier plan de la lutte de résistance et du fait que le patronat s’était surtout « accommodé » de l’occupant, quand il ne collaborait pas tout simplement, le rapport de force entre les classes sociales s’est alors en partie inversé. Pas totalement, étant donné que les forces gaullistes y ont eu la plus grande place, mais le programme du C.N.R.[14] fût une avancée sociale considérable en France. Encore aujourd’hui, la grande bourgeoisie française tarde à en éliminer tous les effets bénéfiques.

Pour ce qui est de l’Amérique du Nord, la situation n’est pas tout à fait la même, car c’est surtout sur la base de la « menace communiste » et du boum économique que les avancés de la social-démocratie doivent leurs réussites. Ce changement de paradigme modifia profondément la situation de millions de personnes et développa une grande classe moyenne issue de ce que l’on a appelé les « 30 glorieuses ». Il est difficile de savoir à quel point le keynésianisme et la social-démocratie ont fait rempart à cette société alternative qu’était le modèle soviétique. Mais chose certaine, elles ont sans doute participé davantage à la sécurité des grandes fortunes que toutes les lois du cadenas anticommuniste d’Amérique du Nord !

Comprenez que la social-démocratie a pu donner d’énormes gages à la classe ouvrière et permis la mise en place d’une large classe moyenne. Classe moyenne qui, par définition, est bien moins attirée par les idéaux révolutionnaires que les premiers prolétaires que le capitalisme du 19e siècle avait su rendre si « jusqu’au-boutistes ». Comme on le devine aisément, ceux qui font la révolution sont rarement ceux qui ont beaucoup à perdre dans cette aventure, comme la petite bourgeoisie et les salariés qualifiés. En fin de compte, gageons que les capitalistes et leurs partis de gouvernements auraient été probablement moins généreux envers la population sans cette menace du bloc de l’Est, même si ironiquement ça avait été à l’avantage de l’Union soviétique qu’ils agissent ainsi.

 Cette pondération était d’autant plus clairement un compromis que la chute de l’URSS s’est accompagnée d’un renforcement très rapide de la position du capital. Le néolibéralisme des années 90 ne s’est pas implanté dans le monde entier aussi facilement par hasard. La « révolution conservatrice » américano-britannique aurait pu être bien moins contagieuse sans la chute du bloc de l’Est. Et ceci même si elle serait restée dans un état de dégénérescence comme on l’observe encore aujourd’hui en Chine. 

Comme vous le voyez, l’impact de l’URSS et de la Révolution d’octobre a eu des conséquences positives, non seulement pour le prolétariat, mais également pour cette bourgeoisie qui craignait le « communisme ». Comme on le constate en étudiant l’Histoire, les conséquences des événements sont souvent contradictoires, donc difficilement intuitives. La contradiction la plus flagrante est celle qui permit, dans les années 60-70, de remettre en question la théorie de Karl Marx à l’effet que le capitalisme s’effondrerait de ses contractions internes. On a très tôt prétendu que la baisse tendancielle du taux de profit et que la prolétarisation progressive de la petite bourgeoisie[15] s’était démontrée fausse par l’évolution imprévue des « 30 glorieuses ». Mais, l’ironie du sort a voulu que ce soit l’effet d’un État « communiste » qui soit à l’origine de cette apparente distorsion du schéma de l’évolution capitaliste observé par Marx. Mais aujourd’hui, les théoriciens libéraux ont beaucoup plus de difficulté à tenir ce genre de discours. Puisque, depuis la chute de l’Union soviétique, les contradictions entre le capital et le travail et le discrédit des partis sociaux-démocrates ne cessent de se renforcer. Il va de soi que les formes que prennent ces contradictions ont grandement été modifiées[16], mais les inégalités sociales n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui.

L’Histoire est complexe et les rapports que les masses précarisées ont eu envers les communistes ont beaucoup vacillé dans les décennies. Les erreurs ont été nombreuses et les crimes commis au nom du socialisme sont impardonnables. Néanmoins, le portrait que l’on porte à cette Histoire tumultueuse reste fortement noirci par ceux qui ont un avantage à ce que la situation reste comme elle est. Il serait malgré tout impératif qu’un jour ou l’autre les bases du socialisme deviennent une réalité, car le monde ne saura soutenir éternellement une économie anarchique et propulsée par la recherche d’un profit que notre belle Terre ne peut leur offrir. C’est sans doute, sous des formes bien différentes que l’économie du futur se présentera et il est à espérer que le contexte de son avènement garantira les acquis de la démocratie, mais une chose est sûre, la transition vers la planification de l’économie est déjà enclenchée ! Pour terminer, je crois qu’il est intéressant de relire le préambule du Manifeste du Parti communiste de 1848, puisqu’à peine modifié, il conserve une grande actualité :

Un spectre hante [le monde] : le spectre du communisme. Toutes les puissances [du vieux monde]  se sont unies en une Sainte Alliance pour traquer ce spectre(…). Quel est le parti d'opposition qui n'a pas été accusé de communisme par ses adversaires au pouvoir ? Quel est le parti d'opposition qui, à son tour, n'a pas renvoyé aux opposants plus avancés que lui tout comme à ses adversaires réactionnaires le grief infamant de communisme ? Il en résulte un double enseignement. Déjà le communisme est reconnu par toutes les puissances [du monde] comme une puissance[17]. Il est grand temps que les communistes exposent, à la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances; qu’ils opposent aux fables que l'on rapporte sur ce spectre communiste un manifeste du parti lui-même.

Benedikt Arden (novembre 2017)



[1] Le 25 octobre selon l’ancien calendrier russe.
[2] La révolution qui précédait celle d’octobre.
[3] Contre-révolution tentée par les partisans de Koltchak et se battant pour le retour de la monarchie en Russie.
[4] Les paysans russes de cette époque étaient favorables au partage des terres et non pas à leurs collectivisations. C’est pourquoi ces derniers étaient favorables aux « socialistes révolutionnaires » non marxistes.  
[5] Un État à peine plus stable aurait sans doute pu éviter la prise du pouvoir par les bolcheviks.
[6] La rivalité entre États puissants est toujours très avantageuse pour les petits États en quête d’indépendance, car quand l’un d’eux est hostile au projet, l’autre en devient nécessairement favorable.
[7] La condition ouvrière et paysanne du Québec et de l’Amérique du Nord en général était très loin de nos standards actuels.
[8] Ces rivalités ne sont pas les seules raisons de leurs affaiblissements, mais le repositionnement politique des masses a effectivement profité aux partis fascistes.
[9] Il s’agissait de véritable mouvement de masse.
[10] Union des libéraux, des sociaux-démocrates et des communistes dans un front commun antifasciste.
[11] Union de syndicalistes révolutionnaires de la SFIO et des néo monarchistes de l’Action française.
[12] L’international communiste ou III Internationale.
[13] Nom donné par les Russes à la Deuxième Guerre mondiale.
[14] Conseil National de la Résistance.
[15] Les paysans et les artisans pour l’essentiel.
[16] Les mesures d’austérité, la « flexibilisation » de l’emploi, la financiarisation de l’économie et ce que l’on appelle « l’Uberisation » du salariat en sont les symptômes les plus visibles.
[17] On fait ici référence au concept et non à un État « communiste » comme expliqué en début d’article.

lundi 30 octobre 2017

L’heure du bilan ?

Même si l’unité n’a jamais été la spécialité du mouvement souverainiste, celle-ci s’est tout de même maintenue au travers des décennies par l’ardeur de ses militants ainsi que par l’espoir de changement que ce projet pouvait susciter. Le Parti québécois (PQ) en adoptant la forme d’une coalition politique a réussi, dans ses débuts, à agglomérer plusieurs pans de l’électorat en misant sur un projet aussi emballant de nouveautés que réalisable concrètement. Et ceci en ne manquant pas de participer à la modernisation du Québec au passage. Le sabordage d’un mouvement bien implanté à gauche comme le RIN (Rassemblement pour l’indépendance) fut tout à fait symbolique de cette réussite. Le Parti québécois s’est d’ailleurs formé dans une période de changements profonds du monde. Changements qui affectèrent même les esprits les plus cyniques de l’époque, car tout semblait possible en cette période mondiale de bouleversement sociopolitique.

Comme vous le savez, les défaites référendaires de 80 et 95, qui eurent lieu en parallèle de cette morne période néolibérale, ont changé les perspectives et ont durement affecté le moral des militants. Les conditions historiques du moment ajoutées à la stagnation stratégique du parti ont donc sérieusement désengagé la population de cette question politique, pourtant de premier ordre. Nous pourrions même affirmer que le mouvement souverainiste a dès lors débuté son effritement, ce qui devait le condamner à une certaine infertilité sur le long terme. Le résultat concret de cette division (et de loin le plus visible) est cette nouvelle concurrence électorale, maintenant de plus en plus rude, que mène Québec solidaire (QS) sur les terres les plus progressistes du Parti québécois.

À vrai dire, la concurrence de QS n’est qu’une simple conséquence d’un problème bien plus profond. La scission de 2011 (celle qui créa Option nationale (ON)) et les divergences idéologiques au sein du PQ démontrent clairement que le problème est d’abord et avant tout lié à son incapacité à maintenir le cap. Et plus l’indépendance s’éloigne, plus l’attraction du PQ baisse, ce qui tend à diviser le mouvement sur une base idéologique.

Tout ceci sape du coup le besoin de rassemblement qu’un mouvement comme celui de l’indépendance se doit d’obtenir. À l’heure où une potentielle fusion entre ON et QS promet de former une concurrence politique encore plus assumée à la gauche du mouvement indépendantiste, le Parti québécois, quant à lui, continue tranquillement son déclin depuis presqu’une génération entière. Mais au lieu de se laisser aller, celui-ci pourrait aussi trouver matière à réfléchir sur les raisons de ses échecs au lieu de toujours revenir avec son sempiternel argument de la « division du vote ». Argument qui se drape évidemment de l’étendard d’une grande cause, mais qui sert, à bien des égards, surtout les intérêts partisans du parti … et accessoirement la carrière de ses élus !

Le problème récurrent que comporte la refondation du mouvement est que personne au PQ ne semble vouloir changer une recette qui visiblement ne fonctionne plus. Néanmoins, l’indépendance reste à réaliser et une stratégie nouvelle de convergence se doit d'être construite, car absolument indispensable à la réussite du projet. Mais si le PQ s'obstine à faire du surplace et à considérer le projet d’indépendance comme sa propriété privée, d’autres devront nécessairement la faire. Et cela malgré l’opposition farouche de tous les bénéficiaires du statu quo. Bénéficiaires privilégiés du système, qui (soyons-en sûrs) ne manqueront pas de se mettre sur la route de ce mouvement qui cherche désespérément à renaître. Mais pour construire du solide, il faut comprendre ce qui ne fonctionne pas. Et du coup, les raisons profondes du déclin du Parti québécois.

D’abord, il faut se rappeler que si le parti cesse (peu importe la raison) d’être un vecteur clair de l’idée qui l’a fait naître, il est fort probable que ses électeurs soient moins tentés de le soutenir. Et comme plusieurs bases de l’électorat souverainiste ont été plutôt malmenées par l’électoralisme de la direction péquiste, il n’est pas étonnant que les indépendantistes les plus convaincus soient susceptibles de ne plus se contenter des professions de foi effectuées en période électorale. Souvenons-nous que la raison d’être du PQ est normalement de faire l’indépendance du Québec (point no 1 de son programme) sur la base d’une coalition de plusieurs tendances politiques qui la soutiennent.

Un trait constitutif d’un parti-mouvement comme l’est le PQ est d’être trans-courant sur plusieurs autres questions jugées « secondaires ». C’est notamment le cas pour plusieurs questions de l’axe droite/gauche. Il est donc bien naturel que cette coalition ne puisse que s’effriter lorsque l’objectif est mis de côté sur une échéance plus ou moins longue. Ce qui est globalement ce que le PQ fait depuis l’échec de 1995[2]. C’est donc dans ce contexte que la dissidence et la perte de popularité de ce parti doivent d’abord s’interpréter.

Une autre raison du déclin du PQ est le trop visible opportunisme de sa direction et sa trop grande emprise sur le parti, en grande partie dû à l’embourgeoisement de ses propres cadres et par le fonctionnement « normal » d’un parti de l’établissement. Les cadres péquistes ont malheureusement pris la mauvaise habitude d’apprécier les avantages des institutions qu’ils ont comme devoir de renverser. À ce titre, les années Bouchard ont été symptomatiques de l’échec des politiques motivées par la tentation du « bon gouvernement ». Car cette gouvernance dite « responsable » (c’est-à-dire une gouvernance de centre droit) n’a en rien redoré le blason de respectabilité du parti envers l’establishment canadien, mais lui a à coup sûr fait perdre son aile gauche! L’émergence du Rassemblement pour l'alternative progressiste (RAP) et puis de l’Union des forces progressistes (UFP) en fut la conséquence directe. Comme le PQ n’a jamais vraiment rompu avec cette tendance, rien n’est moins naturel que son successeur, c’est-à-dire Québec solidaire, ait fini par s’enraciner durablement sur les terres les plus favorables à l’aile gauche de son électorat. Cela pourrait bien expliquer la colère un peu irrationnelle des militants péquistes envers QS, mais ne change rien au fait que c’est d’abord le PQ lui-même qui est la cause de cette hémorragie. On ne peut demander à un électorat de gauche de soutenir une politique provincialiste de droite pour la seule cause d’un hasardeux projet d’indépendance relégué aux calandres grecques. L’électorat est libre et ne saurait être maintenu en laisse par cette seule promesse.

Il en va de même avec la droite identitaire, qui, malgré l’épisode de la Charte des valeurs et autres balbutiements culturels, a conservé une image très « sociale-démocrate » du Parti québécois. Cet électorat, déjà peu enclin à soutenir l’indépendance[3] et encore moins la social-démocratie, n’a jamais vraiment été acquis au PQ. Alors, loin de l’aider électoralement, la tentation nationaliste à la sauce « Canadienne française » portée par une tendance grandissante de ses militants[4] ne peut que favoriser son concurrent de droite. C’est-à-dire la Coalition avenir Québec (CAQ).

À cet abandon plus ou moins assumé de son cœur doctrinal, vient également la décrédibilisation des stratégies dites « étapistes » et de celles des « conditions gagnantes ». À l’heure où l’on observe les événements de Catalogne en temps réel, le caractère utopique et naïf de cette stratégie, ne fait que conforter ceux qui ne croient plus en la détermination du parti de réellement vouloir engager le combat indépendantiste. La voie vers l’indépendance étant immanquablement révolutionnaire (le Canada actuel n’y survivrait pas, fait-il le rappeler!), la planification des rapports de force (soutient international et des corps intermédiaires) et des politiques qui lui sont liés (appropriation du maximum de leviers de pouvoir politiques et économiques) devrait être beaucoup plus importante que de surfer sur la vague anti-islam et identitaire, qui n’a pour finalité que de diviser son propre électorat!

Comme il est devenu évident que la direction du PQ ne voit plus l’indépendance du Québec autrement que comme une niche électorale, il en est de la survie de l’idée d’indépendance que de défier ce parti quand celui-ci nuit objectivement à l’avancement de la cause…. Mais alors que faire ?
L’actualité récente nous a justement donnée quelques nouveautés à ce sujet, en la fusion d’Option nationale et de Québec solidaire. Le communiqué de presse qui eut lieu au début d’octobre pourrait être une première réponse à ce besoin de renouveau, car, si QS se définit comme souverainiste depuis le congrès de 2009, cette revendication a toujours souffert de son engagement à gauche.

Rappelons que QS est aussi un parti de convergence, mais la base de l’union des gauches. Ce qui implique, au moins implicitement, qu’il devrait normalement cherche à rassembler aussi chez les fédéralistes. Et c’est sur ce point que ses détracteurs souverainistes baseront leurs attaques. Cependant, avec l’apparition du NPD Québec et l’intégration d’ON, l’orientation d’un parti qui se disait d’abord de gauche pourrait fort bien changer. Non parce que moins à gauche, mais plus cohérent sur ses engagements directement politiques. Comme mentionné ci-dessus, l’idée d’indépendance, et du processus constitutionnel qui le sous-entend, est tout à fait compatible avec le corpus social-démocrate de QS. Ceci, bien évidemment, à condition de simplifier le programme de QS et ainsi limiter les éléments inutilement polémiques qu’il contient. 

Avec cette orientation indépendantiste pleinement assumée, le principal défaut de QS, qui est d’accumuler tous les combats de toutes les tendances de la gauche québécoise, pourrait bien se régler de lui-même. Comme un parti politique doit chercher à convaincre un maximum de gens du bien fondé de son projet politique, le programme doit d’abord être simple, concret et surtout « politique ». De ce point de vue, un programme centré sur un renouveau démocratique (constituante indépendantiste) et sur une orientation économique progressiste plus ou moins réformiste (relance de type keynésienne sur la base des technologies vertes) font un excellant ménage et pourraient aller chercher des consensus bien au-delà de l’île de Montréal.

Évidemment, rien n’est encore fait et QS aura au moins autant de difficulté à convaincre ses militants les plus radicaux que de se réconcilier avec l’électorat ouvrier des régions. Pour autant, la voie est peut-être moins obstruée du côté de QS que du côté péquiste, car ayant au moins une direction et une organisation plus ouverte et moins encroutée dans l’électoralisme.

Malgré tout, un potentiel parti solidaire indépendantiste ne sera pas suffisant, car il y a un autre obstacle sur la route du pays. Le mode de scrutin ! Cela fait des lustres que l’on pense à changer sa forme afin de l’adapter aux mœurs électorales. Même le gouvernement Trudeau l’avait mis dans son programme … avant de l’abandonner, comme tous les autres. Il est effectivement toujours plus tentant de modifier un mode scrutin quand il ne nous favorise pas ! Néanmoins, ce mode de scrutin, taillé sur mesure pour le bipartisme britannique, est tout à fait nuisible à la mise en place de coalitions passagères. Et c’est ce genre de coalitions qui doivent avoir lieu avant tous processus vers l’indépendance.

Comme nous l’avons vu, l’électorat est multiple et il est sain que ce dernier soit en mesure de voter selon ses convictions. N’importe quel parti de coalition finira toujours par se diviser quand l’objectif tarde ou tergiverse. Alors, s’il y avait un premier combat à mener c’est bien celui de la réforme du mode de scrutin. Dans ce contexte, il sera beaucoup plus aisé de mettre en place des coalitions électorales sans pour autant voter pour un parti qui ne nous plait pas. Rappelons-nous que si une telle coalition avait eu lieu à l’élection de 2012, le Québec serait peut-être encore dirigé par des souverainistes aujourd’hui, et ceci dans des conditions beaucoup plus constructives qu’elles ne le sont présentement. Les libéraux ayant le pouvoir par défaut depuis bien longtemps, on rêverait de voir survenir un tel changement de perspective, même s’il s’agit en réalité que d’un tout petit pas en avant.

Mais l’heure n’est pas aux rêveries, mais au travail concret afin de mettre en place les bases d’une nouvelle coalition. Demain pour le mode de scrutin, après demain pour récupérer le maximum de leviers économiques de l’indépendance et enfin en finir avec cette satanée question nationale ! Car les menaces écologiques et économiques de notre temps ne sauraient attendre très longtemps avant de détruire le monde … Et le Québec avec lui.

La fin du PQ n’est surement pas pour demain et je souhaite sincèrement qu’il trouve sa place sur l’échiquier politique en devenir, mais l’époque où il pouvait se servir de l’indépendance pour ses intérêts partisans est définitivement révolue. Il lui faudra donc faire le deuil de cette mainmise, mais comme je suis de nature positive je rappellerais qu’« à toute chose malheur est bon » !

Benedikt Arden (octobre 2017)



[1] Voir la fiche Wikipédia du Parti indépendantiste (1985).
[2] La stratégie de mise de côté officielle de son présent chef (Jean-François Lisée) ne fait que confirmer une tendance maintenant devenue historique au PQ.  
[3] Le conservatisme étant structurellement indisposé au changement, il est bien difficile de convaincre un conservateur des bienfaits de la destruction d’un pays et de ses institutions afin de bâtir un nouvel État.
[4] Ceux qui ont visiblement été utilisés par J.F. Lisée lors de la dernière course à la chefferie, mais sans réel retour d’ascenseur …

vendredi 8 septembre 2017

Machiavélisme, manipulation et opportunisme politique de la caste au pouvoir

Depuis le début de l’été, la polarisation n’en finit plus d’empirer dans le débat public. La guerre que se font les identitaires et les antifascistes est presque devenue le pain quotidien des médias à sensation qui en sont rendus à faire des gros titres avec des sujets aussi insignifiants que du « trollage » sur les médias sociaux. Il faut dire que les évènements de Charlottesville et le grabuge du Centreville de Québec (le 20 août dernier) ont fortement réchauffé les esprits. Au point où certaines des prestations les plus disgracieuses de cette lutte continuent d’être soutenues malgré tout le mal qu’elles font à la cause. Mais, au-delà des reproches qui vont de part et d’autre, bien peu sont ceux qui semblent avoir conscience du problème politique que comporte le conflit en lui-même. L’antifascisme a eu son importance à plusieurs reprises dans l’Histoire et pourrait bien s’avérer encore nécessaire, mais l’attention excessive effectuée sur les groupuscules d’extrême droite (interprété comme la menace principale et non comme l’un des maillons du problème) est à l’origine d’un blocage d’une lutte des classes qu’ils prétendent pourtant mener.

Les mouvements identitaires actuels, loin d’être issus d’une classe privilégiée[1], sont des groupes avant tout constitués[2] de personnes issues de la classe moyenne en voie de déclassement et de plusieurs pans de la classe ouvrière. Il s’agit donc de gens qui, à l’instar de la gauche, contestent le pouvoir en place et qui ne sont pas du tout insensibles à la question sociale, loin de là! Par contre, les groupes identitaires, comme La Meute, sont des mouvements qui dupent le sens de leur protestation, en leur faisant contester le pouvoir sur de mauvaises bases. Et cela me parait très clair, au nombre d’anciens camarades que j’ai vus se vautrer dans cette voie de garage qu’est le nationalisme identitaire. Parfois par manque de formation politique, mais plus souvent par nihilisme face au déclin du mouvement souverainiste (ils tentent de sauver les meubles quoi !). Enfin, si depuis un bon moment la belle union antilibérale de 2012 avait du plomb dans l’aile, celle-ci est bel et bien morte et enterrée, au plus grand bénéfice du pouvoir en place.

Pourtant, si à une autre époque la lutte antifasciste devait se faire afin de sauver les droits acquis de la société libérale, une analyse objective de la situation du moment démontre aisément que la situation de l’Europe des années 30 et du Québec de 2017 n’a que bien peu de choses en commun. En tout cas, pas du point de vue des forces politiques, car les partis d’extrême droite au Québec sont très loin du pouvoir actuellement. Et quand bien même s’ils l’étaient, comme en Europe, leur marge de nuisance serait considérablement réduite par rapport au monde d’avant 45 où le nationalisme ethnique et l’impérialisme militaire étaient vus comme quelque chose de bien banal en politique. Et cela même à gauche. S’il est vrai que l’extrême droite est en croissance au Québec, ce n’est pas sous une forme directement politique et assumée, comme dans d’autres pays, mais sous la forme d’une nébuleuse qui prend racine dans une situation que le pouvoir en place cultive lui-même. Et ce n’est pas innocent, car le gouvernement libéral à Québec tire un énorme profit de cette situation de guerre au sein des franges de la population qui ne votent pas pour lui. Pour que le premier ministre du Québec, lui-même, se dise « du même camp » que l’extrême gauche antifasciste, celle-là même que Jean Charest et le PLQ traitaient de tous les maux en 2012, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche quelque part !

Ce qui cloche n’est évidemment pas une allégeance secrète du PM envers l’anarchocommunisme, mais une stratégie politique du PLQ et de ses alliés pour utiliser la question identitaire contre l’opposition. Comme je l’écrivais à propos de la partielle dans Gouin : « Le pouvoir des forts étant issu du contrôle du capital, il est toujours bien sage de détourner les haines vers l’autre. Surtout si ceux qui se haïssent sont de la même classe sociale. C’est pourquoi des débats sur le voile ou sur la diversité ethnique d’un gouvernement seront toujours préférables à un débat sur l’origine de la dette et l’utilité de la propriété lucrative (l’actionnariat) dans le domaine de la production. » Il est donc évident que le PLQ tire un énorme avantage à ce que le mouvement souverainiste et les diverses composantes de la gauche se fassent une guerre à mort sur la question de l’Islam, des migrants haïtiens et de la commission sur le racisme systémique. Car c’est la question sociale qui est mise de côté par ceux-là mêmes qui devraient la porter. De son côté, le PLQ se donne le beau rôle de l’inclusif chez les fédéralistes de gauche et chez les électorats immigrants, sans pour autant perdre ses appuis néolibéraux à droite. C’est tout bénéfique quoi !

Comme je l’ai indiqué plus haut, la situation s’envenime et la confusion règne chez les identitaires, car la situation des migrants (par exemple) n’est en rien un complot du pouvoir en place, mais une manœuvre opportuniste magnifiquement menée afin de porter l’opposition politique et extraparlementaire vers une voie qui fait le lit de son pouvoir[3]. Le Parti libéral du Québec (PLQ) sait depuis bien longtemps tirer profit du repli identitaire des communautés immigrantes, comme ils n’ont aucun scrupule à manipuler la situation politique des migrants pour son seul profit. Le PLQ utilise le communautarisme et le repli identitaire des immigrants pour canaliser ce vote (via le soutien des élites autoproclamées de chacune de ces communautés) de gens qui sont pourtant eux aussi victimes de la politique austéritaire qu’ils plébiscitent naïvement. Et pour ce qui est des migrants, ils sont clairement utilisés pour faire croire à l’électeur moyen que les gouvernements du Québec et du Canada ont de grands cœurs et sont ouverts sur le monde, alors qu’ils n’ont aucune générosité gratuite à donner. Nous savons très bien qu’ils les abandonneront, comme tous les autres, le jour où les caméras seront pointées ailleurs et le calendrier électoral passé.

C’est dans ce cadre que les groupuscules identitaires comme antifascistes font fausse route dans leurs lubies autodestructrices. Il est aussi exagéré de croire que les libéraux seraient atteints d’une xénophilie pouvant avoir un impact sur les acquis sociaux de petit peuple du Québec, qu’il est absurde de croire que des groupes, aussi infiltrés par les services secrets que La meute, peuvent être une réelle menace à la sécurité des immigrants. Le conflit sert l’État et le groupe La Meute sera dissout à la minute où il deviendra un réel danger. Et les antifascistes se feront diaboliser et arrêter en masse (comme c’est normalement le cas) le jour où ils cesseront de soutenir le gouvernement et recommenceront à le contester.   

Le climat politique a ceci de bon pour le pouvoir que l’électorat est divisé d’une manière qui avantage la réélection d’un parti qui devrait être décrédibilisé depuis longtemps. Le premier perdant sur la scène politique est bien sûr le Parti québécois (PQ), car le fondement même de son projet politique (l’indépendance du Québec) exige un large rassemblement de la population afin d’obtenir une majorité sur la seule base du projet de pays. Le projet est donc nécessairement hasardeux sur l’axe gauche/droite… Cette polarisation accrue est donc une catastrophe pour le PQ étant donné que la fissure idéologique se situe en plein centre de son électorat. Il lui devient donc pratiquement impossible de faire un pas sans faire des mécontents tellement les polémiques actuelles lui sont directement défavorables. De plus, avec la Coalition avenir Québec (CAQ) qui s’est récemment fait le champion du nationalisme culturel, l’appareil de Québec solidaire (QS) qui est en négociation avec Option nationale et la stratégie des calendes grecques de Jean-François Lisée[4], la pertinence du « bateau amiral » du mouvement souverainiste est mise en sérieuse difficulté. Incapable de compenser à sa droite comme à sa gauche et ayant mis de côté son projet principal, le PQ ne peut que perdre des appuis au profit de ses concurrents. Se sachant encore à l’abri de la montée de QS et mettant en place un climat qui placera le PQ et la CAQ comme des partis à sa droite. Le PLQ pourra renouer avec ce plaisant rôle de modérateur centriste, entre les « inclusifs » de QS, jugés immatures économiquement parce que sociaux-démocrates, et les nationalistes de la CAQ et du PQ. C’est donc bien dans ce schéma politique que s’observe le mieux le legs de cette focalisation sur l’identité, l’immigration et les groupuscules d’extrême droite.    

Ainsi, avec un débat public centré sur de tels sujets et une gauche extraparlementaire soutenant indirectement les politiques du gouvernement, le projet d’indépendance semble coincé dans une impasse pour un bon moment. De plus, les dernières tentatives de QS à remettre la question sociale au goût du jour semblent elles aussi vouées à l’échec, son électorat étant beaucoup trop occupé à scruter les faits et gestes des personnalités de La Meute pour mettre en place un mouvement de protestation large, comme c’était le cas en 2012.    

Comme je l’écrivais dans un média social bien connu : « Se battre pour ses convictions c'est bien, mais se battre pour que la situation sociale s'améliore ce serait encore mieux ! Mais cela prend de la patience, du sang froid et une grande dose d'analyse de classes afin de revenir sur la bonne voie.
Le racisme et la violence sont des fléaux qui doivent être traités, mais comme ils existeront toujours, il serait bien qu'ils ne le soient pas aux dépends de la question sociale et écologique.

La situation sociale du Québec était déjà devenue à peu près insoluble, mais bientôt les pauvres seront trop occupés à se battre pour des questions sur lesquelles ils n'ont strictement aucun pouvoir, pour faire ce qui doit être fait, c'est-à-dire s'unir autour d'un projet politique constructif ».

Je crains malheureusement que le mal soit en grande partie déjà fait et qu’il soit probablement trop tard pour remettre les choses en place avant le prochain scrutin. Pourtant, avec un peu de bonne volonté et une grande dose de sang-froid, il serait si facile de reconnaître quelle est la cause de tout ce chaos !

Benedikt Arden (Septembre 2017)
       

[1] Comme celle qui mène actuellement une guerre sans merci à Maduro, au Venezuela.
[2] Je parle des gens de la base, pas nécessairement de ses leaders.
[3] Il faut bien avouer que les militants pro-immigrants ne font guère plus, comme action militante, que soutenir les politiques des trois paliers de gouvernement impliqués.
[4] Et je ne fais même pas mention des tergiversations de l’appareil du PQ qui ne sait plus trop sur quelle stratégie miser (identitaire ou progressiste?).  

mardi 29 août 2017

Un paradoxe qui n’en est pas vraiment un

Depuis peu, je note que l'usage du paradoxe de la tolérance, du philosophe Karl Popper, est souvent utilisé afin de servir de justification morale à certaines formes de violence faite aux militants de La Meute et plus généralement aux militants d’extrême droite. Cette justification, issue d’une réflexion purement conceptuelle, pose évidemment plusieurs problèmes politiques assez lourds de conséquences, car remettant en question le principe même de l’égalité devant la loi. Sans compter qu’elle pose de sérieuses implications à des accusations qui sont par nature du domaine de l’arbitraire.

Si nous mettons un instant de côté le fond du message de Popper, l’interprétation qui en est faite par les militants antifascistes ressemble surtout à la déclaration de guerre qu’Antoine de Saint-Just envoya aux contre-révolutionnaires de son époque, soit : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » Mais peu importe la formulation, il s’agit avant tout de justifier l’usage de moyens qui vont à l’encontre des principes défendus par les acteurs des luttes progressistes envers les réactionnaires qui tentent de rétablir l’ordre ancien. L’interprétation que certains se font du paradoxe de la tolérance ne fait donc que schématiser une pratique qui est depuis longtemps établie. Soit de sanctuariser les conquêtes des droits politiques durement acquis.

Avant de commenter plus avant le paradoxe, relisons ce que Karl Popper propose dans La Société ouverte et ses ennemis :

« Moins connu est le paradoxe de la tolérance : la tolérance illimitée doit mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons la tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas disposés à défendre une société tolérante contre l'impact de l'intolérant, alors le tolérant sera détruit, et la tolérance avec lui. […] nous devrions revendiquer le droit de les supprimer [les intolérants], au besoin, même par la force […] Nous devrions donc revendiquer, au nom de la tolérance, le droit de ne pas tolérer l'intolérant.
Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes. Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut toujours revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre, par exemple.
Si l’on est d’une tolérance absolue, même envers les intolérants, et qu’on ne défend pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance. »

Comme vous l’avez probablement remarqué, le paradoxe de Popper repose sur une impossibilité pratique et le paradoxe n’existe que sur une forme conceptuelle. S'il est vrai que la tolérance prise dans l'absolu est une stupidité[1], le paradoxe repose avant tout sur une confusion de la nature de ce que doit être « la tolérance ». Je m’explique.

En théorie dans un État de droit, on protège (par exemple) la liberté d'expression quand elle ne représente pas un délit oral. Autrement dit, une calomnie, un appel à un acte illégal, des préjugés dégradants, etc. C'est la même chose pour les actions des individus, car « ce qui n'est pas interdit est autorisé », comme le rappel cet axiome juridique.

À partir du moment où l'on juge les actions et les idées comme elles doivent l'être du point de vue matérialiste, c'est-à-dire de ne s'occuper que de ce qui existe (les idées n'existent que sous la forme d'action ou de paroles), on ne voit plus très bien où se trouve le paradoxe. À moins de considérer les contraintes qu'impose le respect des droits de la personne (les sanctions qu'impose la loi) comme une forme d'intolérance ! Le concept qui sous-tend la loi n'est pourtant pas de l'intolérance, mais les règles du vivre ensemble. Enfin, si les lois sont bien faites, ce qui n’est évidemment pas le cas au Québec, comme au Canada…

Les idées, qu'elles soient aussi immondes qu'on peut imaginer, ne sont que des idées (c'est-à-dire une production immatérielle de notre cerveau) donc sans conséquence du point de vue des droits. C'est lorsque ces idées se matérialisent qu'elles peuvent engendrer ce que Popper considère comme un risque pour la tolérance. Les droits humains, même ceux définis par le droit bourgeois, forment des règles certes encore imparfaites du point de vue économique, mais qui, lorsqu’appliquées, dépassent aisément ledit paradoxe. En tout cas du point de vue qui nous concerne présentement.

En somme, la société tolérante ne peut pas être tolérante dans l’absolu, car elle se prive des moyens de sa propre existence. Cependant, si l’État de droit est tolérant parce qu’il permet tout ce qui n’est pas interdit, il n’autorise pas sa propre subversion. C’est pourtant bien connu. Et si des « intolérants » veulent s’attaquer à l’État de droit, celui-ci a le devoir de se défendre sans pour autant avoir à s’en expliquer, car il s’agit du fondement même du « contrat social » (toujours en théorie).

Il en va de même pour la démocratie en général. L’argument qui prétend que les élections pourraient mettre au pouvoir un parti ou un individu ayant la possibilité de mettre fin aux élections ou bafouer les droits de l’homme est une réalité, mais qui n’est pas spécifique à l’extrême droite ou à l’intolérance en générale. Bien souvent, c’est même sous le couvert de la « tolérance » ou des nécessités de l’économie que nos gouvernements justifient des mesures qui vont à l’encontre de nos droits. L’abolition des référendums municipaux par le gouvernement libéral en est un parfait exemple. Tous les partis ont le droit de faire valoir leurs idées et d’essayer de les appliquer en prenant temporairement le pouvoir dans un régime multipartite, mais il y a normalement une limite. Un ensemble de principes qui doivent être le centre du contrat social de la communauté nationale.  Et ce contrat est ce que l’on appelle la « constitution ». Constitution qui ne devrait jamais être adoptée ou modifiée sans de larges débats et l’accord de la majorité du peuple (encore en théorie). Mais comme  mentionné ci-dessus, l’extrême droite n’a pas eu besoin de prendre le pouvoir pour que quelqu’un fasse fi de ce principe en novembre 1981. Le parti libéral du Canada en a été parfaitement capable tout seul.

Pour en revenir à la violence ou à l’intimidation effectuée aux membres de l’extrême droite. Les seules questions qui comptent vraiment, pour y répondre, sont celles-ci : est-ce que ces derniers ont les mêmes droits que les autres ? Et faut-il limiter leur « liberté » s’il s’agit d’une menace ? Dans les deux cas, la réponse est positive, car la loi a normalement le devoir d’empêcher les comportements qui sont des menaces à la liberté. Ceci, au même titre que l’on ne peut pas prétendre avoir la « liberté » de voler son voisin, car le principe de propriété est considéré comme inviolable[2] dans nos constitutions. Mais pour être privé de sa liberté, faut-il encore être en infraction sur ce qui est autorisé ou « toléré », ce qui n’est pas toujours le cas quand certains perçoivent une menace idéologique. Et c’est à partir de ce moment que le paradoxe de Popper est utilisé. Parfois à raison, mais dernièrement un peu plus souvent à tort …  Enfin, là c’est un autre sujet.

Dans cet ordre d'idée, je note que ce non-paradoxe en cache un autre plus amusant. Avez-vous remarqué que les plus ardents promoteurs du paradoxe de Popper sont souvent les mêmes qui font la promotion d'un modèle de société sans État, polices, juges, frontières, etc. Malgré le fait que ce sont ces institutions qui ont (normalement) le mandat de faire respecter l'État de droit (État de droit imparfait comme je l'ai déjà dit) et ainsi maintenir la tolérance et la liberté d'expression? Cette volonté affichée de détruire le cadre étatique devient donc une menace à la liberté et au droit des gens, car son absence signifie retourner tout droit dans un régime arbitraire. Même si ceux qui font la promotion d’un système sans État croient sincèrement qu’ils bâtiront de cette façon un monde de tolérance, ils rendent inévitable la venue d'une société arbitraire et discriminante pour la simple raison qu’ils sont eux même incapables de faire valoir un droit égal pour tous. S’il devait y avoir paradoxe, ce serait bien celui-là, car tout ce qui reste après la mort de l'État de droit, c'est le rapport de force.

Les personnes aux croyances d’extrême droite n’ont pas plus le droit de bafouer le droit que quiconque et c’est sur cette base que le paradoxe de Popper n’en est pas vraiment un. Un contrat social bien conçu est donc la seule voie vers une société de tolérance.

Benedikt Arden (août 2017)




[1] Ce que Popper n’a jamais prétendu.
[2] Je m’empresse de préciser que le principe de propriété n’est pas ce que j’appelle une « loi bien faite », car elle renvoie à deux notions bien distinctes, soit la propriété d’usage et la propriété d’échange. Je revois le lecteur intéressé à ce texte sur le sujet.