lundi 12 juillet 2010

Rebelles et coolitude au service du rien


Comme plusieurs de mes compatriotes de la région de Québec, malheureusement déporté en métropole pour des raisons professionnelles, j’aime annuellement me retrouver à Québec pour la traditionnelle fête de la Saint Jean-Batiste (le 23 au soir) pour les partys de rues et leurs ambiances plutôt libres et décontractées, héritées des débordements des années 90. Comme ceux et celles qui prirent leur départ après le boulot ont dû le constater, un embouteillage monstre et des plus frustrant nous ont obligés à faire du surplace presque 2hr, car celui-ci se terminant vers Saint-hyacinthe… que de grognes. Bref, loin de moi l’idée de me plaindre de ce désagréable effet de la concentration urbaine dont je suis aussi en partie responsable, je préférais m’arrêter sur une anodine nouvelle à la radio de Radio-Canada (histoire de rester informé de la circulation). La nouvelle était la présentation d’une « autre Saint-Jean » le 23 à Montréal au parc du Pélican, dans le quartier Rosemond. Une autre Saint-Jean ? Si je me fie au nom, qui ne va pas sans rappeler « l’autre journal » (1), on note déjà de potentiels reproches à l’égard de la première. Le doute c’est transformé assez vite en réalité avec les commentaires, toujours à la radio, de la très à la mode Ariane Moffatt, nous expliquant le côté sectaire de notre bien aimée première fête et de sa supposée condamnable exclusion desdits non-Québécois. La nouvelle, à première vue, ne ma guère surpris, considérant que Radio-Canada soutient par principe les activités promouvant le multiculturalisme, mais plus tard j’ai remarqué que ce n’était pas vraiment une fête pour les immigrés qui veulent fêter comme tout le monde (mais sans fêter le Québec) comme je le croyais, mais une fête de jeunes qui n’ont juste rien à foutre du Québec. Cette fête, ne me surprenant toujours pas énormément plus que ce que je croyais auparavant, m’a surtout étonné par sa popularité, car soulignant la montée de la dépolitisation et de l’individualisation. En sommes le détachement de la jeunesse envers la communauté nationale jadis si forte.

Quoi que ce soit le cas ailleurs (en France surtout) depuis les années soixante, notre bienveillante jeunesse québécoise ne s’était pas vraiment fait embrigader dans l’antinationisme (2) promue par la musique et les discours de jeune à la mode de ces années. Cet échec de l’antinationisme au Québec était très probablement dû à notre situation de peuple conquis qui rendait le nationalisme moins facilement attaquable par la bien-pensance et le rendait plus rebelle par essence, car ayant un fondement révolutionnaire, contrairement aux pays déjà existants (3). Malgré la grande résistance du nationalisme québécois, le temps fait toujours son œuvre et en cela les discours cosmopolites, même sous couvert d’un espèce de nationalisme civique, finissent par faire perdre le sens commun chez les jeunes. Non pas qu’ils ont plus d’adeptes qu’avant, mais bien parce qu’ils n’ont pas souvent beaucoup de sens et finissent par être agaçants pour notre jeunesse bien grasse à force d’être rabâchés comme de la bouillie depuis près de 40 ans. Donc, en plus de l’idéologie et des changements de populations (car eux aussi ont de l’effet), le discours du nous national fini par être attaqué par l’oedipe même d’une jeunesse constamment encouragée à rompre avec la génération précédente (4). En somme, nous remarquons avec cette autre Saint-Jean l’accomplissement d’une œuvre de longue date, mais par des moyens bien nouveaux, qui risque bien d’arracher la jeunesse à cet idéal, jugé sectaire, qui est l’émancipation d’un peuple et de sa culture par le biais d’une nation souveraine.

Pour ceux qui connaissent un peu les généralités de mon discours, comprendront que pour moi la rebellitude à la carte de la génération Y est une aliénation des plus déplorable (5), qui mène directement à la servitude la plus totale. Eh oui, quoi de plus parfait pour détruire l’élan révolutionnaire d’un peuple que de le convaincre que d’assumer sa singularité est de la discrimination et que le concept de liberté ne peut être incarné qu’individuellement. De cette façon plus personne ne peut légitimement croire en autre chose qu’en la recherche de son meilleur intérêt personnel, car autrement il y aurait forcément discrimination. Pour mieux me faire comprendre je prendrais l’exemple de notre bienveillante fête de la Saint Jean-Baptiste (histoire de rester dans le sujet). Si nous fêtons la fête des Québécois, c’est que nous et les autres (pourquoi pas) croyons qu’il pourrait exister des similitudes entre des gens qui partagent la même épopée historique et de ce fait en ont hérité une singularité. Ceci pourrait peut-être nous tenter de les mettre dans une catégorie distincte (afin d’officialiser leurs dénominateurs communs disons) ce qui amènerait ce groupe humain à se voir comme un peuple ayant une destinée commune (le prolongement de son histoire). Donc, si les facteurs sociaux, culturels et historiques sont favorables, nous pouvons probablement, et sans exagérer, comprendre pourquoi ce même groupe humain pourrait aimer fêter ce constat sans tomber dans quelques délires métapsychiques et génocidaires que ce soit. Quoique plusieurs discours tendent à le nier, le fait de ne pas être dans une catégorie en particulier ne signifie pas qu’il y ait exclusion, mais relève seulement de l’évidence que tous ne peuvent appartenir à toutes les catégories. Déjà le fait de ne pas être Québécois n’enlève aucunement le droit de fêter le fait que d’autres le soient, nul besoin de dire qu’il est aberrant de croire que de fêter quelque chose en particulier soit de la discrimination contre ceux qui ne sont pas fêtés ! Si c’est votre anniversaire, est-ce de la discrimination que ça ne soit pas aussi celui de tous les autres ? De plus, n’oublions pas que pour fêter, il faut fêter quelque chose en particulier, sinon nous ne fêtons rien. Donc, si la Saint Jean-Baptiste doit aussi être la fête des non québécois et même de ceux qui sont hostiles au Québec, pour ne pas discriminer personne, alors nous ne fêtons absolument rien. Je sais que ces notions sont d’une évidence à faire rire un enfant, mais je sais par expérience que même les évidences sont parfois bonnes à rappeler.

Malgré tout, biens des personnes nous dirons le contraire pour nous culpabiliser d’exister et au lieu de voir une identité majoritaire autour duquel nous pourrions nous rassembler (inclusion), elles ne verront qu’une manifestation sectaire de personnes ne voulant que se fêter sans volonté d’être tout à la fois (ou rien autrement dit). Mais ce discours là n’en est qu’un parmi d’autres, car si je me fie aux quelques noms d’artistes présents dans cet « autre Saint-Jean » nous remarquons que ce qui rassemblait à ce concert n’était pas la « non-discrimination », mais bien le « pas de Saint-Jean », comme je l’ai précédemment expliqué. Ce spectacle n’était peut-être qu’un évènement avec des musiciens voulant chanter soit en anglais ou parler d’autre chose que du Québec, comme il s’en fait tout les jours, mais ce qui le rend condamnable c’est qu’il soit en compétition avec la vrai Saint-Jean, ce qui en fait un évènement anti-Québec métapolitiquement parlant. J’exagère ? Bien, n’oubliez pas que tout ce qui nous divise sert ce gros amas, sans culture prémondialiste qu’est le Canada, alors s’il faut que le seul jour de fierté national soit partagé avec le fatras à la mode que nous subissons tous les jours, le message de la Saint-Jean qui est : « n’oubliez pas qui vous êtes », n’atteindra plus ceux auquel il est dû (les nouvelles générations). Avec l’augmentation continue de ce genre de laxisme, abordant perfidement le masque de la liberté, peut-être un jour prétendrons-nous à l’épanouissent suprême qu’est de devenir des Américains comme les autres… ou bien des humains comme les autres… et tant qu’à faire des mammifères comme les autres… et au point où on en est, pourquoi pas des amas de cellules comme les autres.

Benedikt Arden

(1) L’autre journal est un journal de gauche syndical. Son nom fait référence à un journal différent en réaction à une presse conformiste. 

(2) L’antinationisme est un néologisme désignant non pas le fait d’être contre le nationalisme (antinationalisme), mais bien le fait d’être contre le fait national. Autrement dit, être contre le fait qu’il y ait des nations, mais sans être mondialiste.

(3) Tous savent très bien l’attirance qu’a la révolution au sens large sur la jeunesse.

(4) Rappelez-vous de l’inutile débat sur les générations de TVA, faisant indirectement l’éloge de la génération Y ouverte sur le monde, mais en même temps ultra individualiste, ce qui est très normal, car on sait très bien que quand on aime tout le monde nous n’aimons personne.