mercredi 21 janvier 2015

L'envers & l'endroit

Petite devinette : « Le mouvement est au moins aussi vieux que l’ensemble du mouvement social. Il concerne une légère majorité du genre humain et est un élément de plus en plus polémique du débat public tout en faisant de plus en plus consensus dans cette même société »?

Si vous pensez au mouvement féministe, je vous félicite, car c’est bien de cela qu’il est question. Si vous avez tout de même deviné grâce aux deux premiers indices, mais que vous n’êtes pas d'accord avec mon troisième, bien je ne vous en veux pas, car cela est en partie la raison pour laquelle j’écris les prochaines lignes. Mais ne brûlons pas les étapes et commençons par le début.

Il y a bien longtemps, aux balbutiements de ma conscience sociale, je m’étais très vite associé à la cause du féminisme. Ceci pour des raisons éthiques qui me semblaient évidentes, mais aussi (et je ne l’ai réalisé que par la suite) pour des raisons d’origine sociale. Effectivement, étant issu d’un milieu que l’on pourrait appeler « moderne », mon enfance et mon éducation ont évolué très majoritairement autour des femmes (mère divorcée, gardiennes, professeures, éducatrices, infirmières, etc.). À quelques exceptions près, j’ai à peu près toujours été sous l’autorité de femmes qui ont été, dans bien des cas, des modèles sur lesquelles mon éducation s’est basée. Dans un tel état d’esprit, il était naturel de trouver complètement absurde d’apprendre que des femmes avaient pu être victimes d’infériorisation due à leur nature même. Il me semblait donc plutôt rationnel de militer pour que tous les représentants du genre humain puissent vivre dans une égale représentation. D'autant plus que tout au long de mon cheminement scolaire, mes camarades de classe les plus doués étaient pratiquement toujours les filles.

Mais avec le temps, et surtout avec une meilleure connaissance des rapports sociaux, j’ai eu tôt fait de relativiser l’ensemble de l’édifice idéologique sur lequel se base le féminisme, et ceci, malgré tout le bon sens de leurs revendications. En effet, le manque de cas concrets sur lesquels m’appuyer et l’incapacité constante qu’a l’argumentaire féministe de sortir des concepts abstraits m’ont laissé croire que, finalement dans nos sociétés, la parité homme-femme était quelque chose de relativement réglée, ou du moins en phase de le devenir[1]. Dès lors, l’usage spécifique de l’épithète ne m’était plus nécessaire, car la cause étant intégrée dans l’éventail plus large de la lutte pour la justice économique. Autrement dit, ce combat particulier devait laisser place à une perspective beaucoup plus large, car tous droits bafoués se reflètent inévitablement sur une base économique. L’une des réalités bien vite apprise au sujet de la société capitaliste, c’est que ceux qui ont le pouvoir ce sont ceux qui possèdent les capitaux, peu importe le caractère de leur identité.

Mais enfin, comme évoqués dans ma devinette ci-dessus, certains effets nocifs du militantisme de ceux ou de celles qui ne partagent pas mon point de vue optimiste sur le statut de la femme ont fini par me faire devenir beaucoup plus critique sur la question. Et ces effets se constatent de plus en plus fréquemment, malgré que le concept d’égalité homme-femme soit un élément très peu remis en cause dans le débat public contemporain. Mais qu’entends-je par « effets nocifs », me demanderez-vous? Bien simplement tout ce qui découle de « nous les femmes, etc., etc. ». Car au bout du « nous les femmes » il y a fatalement … « eux les hommes ». Donc si par exemple l’on dit « les[2] femmes sont discriminées », c’est donc bien que les hommes discriminent. Et comme j’ai, malgré moi, la qualité d’être un homme (qui plus est, couplé d’un souci de justice sociale), l’idée de me faire associer à ce contre je lutte pour l’unique raison de l’arbitraire de la naissance m’est plutôt désagréable. Enfin, ça ne doit pas l’être moins que pour ces femmes qui se font constamment associer à des choses qu’elles ne sont pas par des préjugés équivalents. Évidemment, l’on rétorque aisément qu’il ne s’agit que de facilités de langage et que nul féministe raisonnable n’aurait cela en tête lors de paroles données. Là-dessus je suis plutôt d’accord et c’est pourquoi dans les dernières années je me suis à peu près toujours contenté de rappeler ce fait quand cela s’avérait utile, tout en évitant de critiquer ouvertement le féminisme en tant que tel, même si (comme je l’ai déjà dit) je crois qu’il est plus opportun de lutter pour les droits de tous, car de cette façon l’on évite la confusion en plus d’œuvrer pour une cause universelle.

Depuis lors, les choses ont encore un peu évolué. Ainsi, au lieu d’aller vers un apaisement, la tendance semble aller vers toujours plus de tension. Et les récentes campagnes de dénonciation de viols, via les fameux #BeenRapedNeverReported et #AgressionNonDénoncée, le récent (25e) anniversaire des événements de polytechnique, ainsi que la montée de l’islamophobie[3] ont donné un certain élan à ce « nous les femmes, ceci, cela !». Même s’il est incontestablement bon que cette catharsis se fasse publiquement, il est aussi incontestablement nécessaire qu’elle se fasse dans un état d’esprit serein et sans arrière-pensées vengeresses ou culpabilisatrices pour que la société puisse en sortir grandie. Car il est très facile de tomber dans la confrontation et ce n’est sûrement pas une guerre des sexes qui améliorera la condition de vie des femmes et plus généralement celle de toute la population exploitée. Mais ce constat qui me semble plutôt banal n’est pas partagé par tous, notamment chez une frange non négligeable de la gauche radicale. Celle-ci semble tomber directement dans le panneau de la lutte horizontale[4] et ne voit pas qu’en stigmatisant l’autre, elle nuit à leur cause beaucoup plus qu’elle ne l’aide. Et j’irais même plus loin en prétendant qu’elle sert la réaction en caricaturant ainsi la cause de l’égalité sociale des sexes.

J’aurais un nombre considérable d’exemples à donner, mais celui qui me semble le plus symptomatique de cet état d’esprit est incarné par le manifeste et le projet du blog  « OntWatch » qui tombe indirectement, mais très clairement, dans la misandrie[5] en prétendant que notre société serait une espèce d’Arabie Saoudite en pire. Où les femmes se feraient harceler à tous les coins de rue par une horde d’hommes exhibitionnistes assoiffés de sexe et où les femmes feraient quotidiennement l’expérience de la violence sexuelle, en plus de vivre dans un cadre patriarcal ultra restrictif[6]. Que la société capitaliste soit hyper sexualisée[7], j’en suis tout à fait conscient et cela ne me semble pas du tout quelque chose de sain. Mais de là à prétendre qu’une majorité de femmes subiraient une violence quotidienne autant à l’extérieur qu’à l’extérieur du foyer, que le viol serait quelque chose de banalisé et que l’espace urbain serait « pensé par et pour des hommes », il y a une marge! Bien loin de sensibiliser les masses, la seule réaction que ce genre de projet puisse générer, c’est de faire passer le féminisme (et plus largement les causes des égalités de statut identitaire) pour une cause extrémiste. Un peu de la même manière que les anticommunistes ont utilisé à outrance les crimes de certains régimes se réclamant du communisme afin de dénoncer les bien-fondés philosophiques de la redistribution. Il est donc important de le rappeler : être contre une opinion, une idéologie ou une situation sociale et appuyer sur elles un maximum de répression ne la fait jamais vraiment reculer, bien au contraire. Et comme il n’a jamais servi la cause du socialisme de tuer des capitalistes (les personnes j’entends), il ne sera d’aucune utilité à la cause des femmes d’en nier les avancés, ni de stigmatiser les hommes. D’autant plus que ce constat, en plus d’être faux et humiliant pour ceux qui hier ont mené le combat, ne mène à rien du tout de concret, si ce n’est de promouvoir les théories fumeuses des « Gender studies », qui elles-mêmes sont une autre impasse sur laquelle nous reviendrons.

Comme je l’ai déjà dit, il ne sert à rien d’agir comme un taureau sur un drap rouge si nous voulons atteindre nos objectifs, car ce mode « réactif » d’action est toujours tôt ou tard manipulé à d’autres fins. Le féminisme ultra qui voit la société de cette façon (en ne tenant aucunement compte de la réalité des faits) combat quelque chose qui n’a plus rien à voir avec l’exploitation, mais qui a tout à voir avec la nature des Êtres humains, une nature sur laquelle l’idéologie ne peut rien. « Nature humaine?! » me direz-vous avec un ton de désapprobation. Bien sûr! Mais rassurez-vous, loin de sous-entendre que la « nature humaine » forcerait les femmes à accepter l’exploitation, elle nous porte tout au contraire à l’égalité si nous la comprenons bien sous l’angle de rapports anthropologiques dénués des préjugés historiques encore omniprésents. Afin de clarifier mes propos, je crois qu’il ne serait pas inapproprié de revenir un peu là-dessus afin de bien comprendre pourquoi le « féminisme » des « OntWatch » de ce monde travaille contre les femmes, malgré ce qu’elles en disent.

Avant d’aborder l’argumentaire potentiellement polémique du problème d’interprétation du monde qu’ont les féministes ultras, revenons un peu sur les bases de la revendication identitaire, soit celle de la reconnaissance. Cette problématique a été traitée de manière fort schématique par Nancy Fraiser dans un ouvrage appelé « Qu’est-ce que la justice sociale ». L’auteur pose le problème en nous rappelant que les conflits concernant les luttes pour la justice sociale de l’ère « post-socialiste[8] », semblent progressivement passer de la question de l’inégalité entre les classes sociales aux questions liées à la reconnaissance d’identités culturelles marginalisées. Cette mutation des luttes de justice sociale poserait donc la question suivante : comment aborder la lutte pour la reconnaissance culturelle sans occulter les questions économiques? Car les groupes identitaires « dominants et dominés » ne correspondraient pas toujours aux rapports de classes économiques[9].

Dans cette optique, l’auteur prétend donc qu’il est nécessaire de combiner les deux problématiques afin d’éviter que l’une se fasse au détriment de l’autre. Afin d’analyser schématiquement cette proposition, l’auteure nous propose un axe, qu’elle veut novateur, soit un axe relatif aux remèdes qui pourrait répondre à ces types d’injustices. Les deux extrémités de cet axe seraient les remèdes dits « correctifs » et les remèdes « transformatifs ». Les remèdes correctifs seraient liés aux propositions qui ont pour objet la correction des effets tandis que les remèdes transformatifs viseraient à déconstruire le modèle à la base de l’injustice pour le reconstruire de manière équitable. L’application politique de ce schéma se diviserait en deux paires de solutions, soit l’une pour l’injustice économique et l’autre pour l’injustice identitaire : les solutions correctives pourraient se reconnaître dans l’État-providence libéral et le multiculturalisme, tandis que les solutions transformatrices se reconnaîtraient dans le socialisme et la déconstruction culturelle.

Selon l’auteure, les modèles issus de la justice corrective ne seraient pas « prometteurs », car, en plus d’avoir une application contradictoire pour les groupes mixtes, ils ne toucheraient pas les problèmes à leurs sources. Il serait donc nécessaire, afin d’additionner ces causes pour qu’elles puissent s’appliquer aux groupes mixtes, de miser sur les remèdes transformatifs, car ils auraient le potentiel d’éliminer les injustices à leurs racines tout en étant compatibles du point de vue de leur application (déconstruction du modèle) chez les groupes mixtes. Il est donc recommandé par l’auteure de concentrer la lutte pour la justice sociale sur la déconstruction culturelle afin de mettre sur un pied d’égalité les différents groupes identitaires que le modèle culturel laisserait pour compte.

Ici nous sommes en plein dans les thématiques du féminisme radical à tendance théorie du genre. Et la grande faiblesse qu’a cet argumentaire est qu’il repose sur des présupposés totalement subjectifs et les affirmations du blog « OntWatch » le démontrent merveilleusement. À peu près toute situation discriminante pour l’individu peut être interprétée sociologiquement depuis un soi-disant « modèle culturel dominant », mais cela ne prouve en rien le fait que (1) la situation est réellement systématique et volontaire et (2) que ledit modèle peut anthropologiquement être « déconstruit ». Un exemple explicite serait celui de la personne handicapée. Celle-ci ne pourra pas avoir accès à toute une série d’opportunité dont les biens portant pourront jouir. Mais pour autant, est-il possible de « déconstruire » cette société qui prive le paraplégique du loisir de la course à pied? Enfin, si oui, tous en seront grandement réjouis, mais autrement la seule chose que cette tentative aura le potentiel de faire sera de culpabiliser ceux qui n’ont pas eu le malheur de perdre l’usage de leurs jambes. Ce qui, vous en conviendrez, ne change pas la situation des autres, si ce n’est de flatter leur ressentiment.

J’entends déjà bien sûr ceux qui rétorqueront que ça n’a rien à voir et que la discrimination basée sur l’identité sexuelle est purement arbitraire contrairement aux tristes sorts des accidentés. Là-dessus je suis évidemment d’accord (comme je l’ai écrit en introduction), mais les bases argumentaires des « OntWatch » sont-elles si arbitraires que cela? Si nous éliminons les inepties du genre « les garçons sont souvent plus nourris que les filles », l’accusation centrale de leur diatribe est l’attirance sexuelle qu’ont les hommes envers les femmes (en taisant le fait inverse) et que ce fait dégénère parfois en grossièreté et même jusqu'au viol. Mais malgré la gravité de certaines de ces conséquences, est-il possible pour autant de déconstruire l’attirance sexuelle des Êtres humains? Est-ce que la sexualité est un élément culturel pouvant être changé? Je crains que la réponse ne puisse être autre chose que non. Dès lors, quoi d’autre que de dénoncer les abus et de mettre au point des lois pour protéger les victimes, ce qui est déjà le cas dans cette société à ce point dénoncée par celles-ci. À partir du moment où il n’y a plus de lois discriminantes et qui, de surcroît, en contiennent pour les prévenir, dans quelle direction pouvons-nous aller afin d’éliminer ces discriminations? En dehors d’un totalitarisme « bienveillant » qui contrôlerait toutes les relations humaines, je ne vois vraiment pas. En fait, oui, mais au prix du retour de la déconstruction via les études du genre (Gender studies). Mais est-ce une meilleure solution? Je ne crois pas, mais regardons ça aussi de plus près.

Ces études sur le genre sont d’abord basées sur le présupposé que le genre, l’orientation sexuelle et le sexe biologique n’ont rien à voir ensemble et que les attributs que l’on donne aux individus d’un sexe biologique donné ne sont que culturels et qu’ils peuvent être déconstruits afin d’être remplacés par une culture non sexuellement discriminante. Évidemment, et comme toute idéologie, elle renferme une part de vérité, mais prétendre une telle chose est en contradiction totale avec l’anthropologie historique (la nature de l’humain en d’autres termes) bien comprise. S’il est vrai que bien des pratiques des sociétés religieuses du passé étaient sans conteste issues d’une culture arbitraire, il n’en est rien des éléments jugés « arbitraires » par ces études, comme l’enfantement[10] et les relations hommes-femmes[11], qui loin d’être culturelles, sont justement ce qui distinguent l’homme de la femme[12] dans leur nature. En fait, le genre devrait plutôt se définir en trois grandes catégories, soit (1) ce qui est issu de la biologie (corps, organe, hormones, etc.), (2) ce qui est (directement[13] ou historiquement[14]) culturellement issu de la biologie[15] et (3) ce qui est purement culturel[16]. En regardant le genre sous cet aspect, vous vous rendrez bien vite compte qu’à peu près tout ce qui pouvait être fait, via les mœurs et la technologie, l’a pratiquement déjà été. Je ne dis pas que tout est à 100% bien accepté de tous dans les sociétés occidentales, mais cela n’empêche pas de mener une vie relativement normale si leurs droits économiques et sociaux sont respectés. Par exemple, l’image de la femme à barbe, comme le personnage de Thomas Neuwirth (Conchita Worth), ne fait pas l’unanimité (comme plein de choses sans rapport avec la domination culturelle), mais n’empêche pas M. Neuwirth d’avoir une carrière florissante.

Enfin, de prétendre qu’il existerait une division fondamentale entre sexe biologique, orientation sexuelle & genre culturel, le tout basé sur les préjugés d’autrefois mis à l’envers, est non seulement inutile du point de vue de la domination réelle (économique), mais aussi source de confusion sur ce qui nous est possible de faire pour améliorer le sort de l’Être humain. Et je ne parle même pas des victimes des résultats pratiques des études du genre, comme pour Bruce Reimer, qui finit ses jours de la plus triste façon (suicide) suite aux expérimentations « genrées » du professeur John Money.

Comme vous pouvez le constater, il y aurait fort à dire sur tout ce que sous-entendent les revendications d’un certain type de féminisme faisant tant de bruit aujourd’hui. Et encore une fois, sans remettre en question la légitimité du combat des femmes (et des hommes!) qui a fait qu’aujourd’hui, il est possible à tous de choisir le type de vie qu’ils entendent mener… dans le cadre de sa classe sociale. Car en fait, non! Il n’est justement pas possible à tous de mener le type de vie qu’ils veulent mener. Non pas à cause des inégalités sexuelles, mais de classes! Et il est là le combat! Même si certains nous parlent de marcher sur leurs deux jambes[17], ils devront m’expliquer comment rester équilibré avec un argumentaire aussi peu concret. Comme il est incontestable que de parler (indirectement ou pas) du combat des femmes signifie en somme faire bloc (trans classe par définition) et, qui plus est, ce bloc ne propose rien de particulier politiquement. Comment est-il possible de mener sereinement une guerre des classes si la moitié de celle-ci voit l’autre comme l’ennemie potentielle? À l’instar de l’union sacrée de 1914, auquel Lénine voua une lutte acharnée tout au long de la Première Guerre mondiale pour des raisons analogues, il n’est pas possible de lutter efficacement sur le terrain social si la passion du moment (bloc national hier, bloc sexuel aujourd’hui) se fait passer pour une cause prioritaire. Est-il encore nécessaire de rappeler que ce qui motivait les classes dominantes d’hier (même si l’alibi diffère) peut être encore valable aujourd’hui? Est-il si impensable que cela que les classes dominantes aient à cœur de mettre de la bisbille entre les hommes et les femmes des basses classes, comme elle le fait à loisir entre immigrants et autochtones[18]? Se poser la question, c’est bien sûr y répondre.

Pour finir, je voudrais que l’on comprenne en mes propos ce qu’ils disent et non pas ce que certains pourraient en imaginer[19]. Car loin d’être contre le combat féministe, je m’inquiète surtout de sa récupération par de mauvais esprits qui ont toujours eu beaucoup de succès dans la mise en place de luttes horizontales. Une cause, pour être soutenue et surtout gagnée, doit être concrète et avoir un but dont l’avènement sera profitable à la majorité. Ce but doit être en conformité avec l’éthique et ne pas être un facteur de répression et de haine. Il doit être en conformité avec la nature sociale des Êtres humains, soit tendre vers l’harmonie. Comme conclusion, j’aimerais laisser les prochaines lignes à un grand homme de gauche féministe, qui par les aléas de l’existence s’est retrouvé confronté à cette haine qu’entrainent les luttes horizontales et qui, malgré toute une vie de combat pour l’égalité, fut lynché par ceux-là mêmes qu’il défendait :

« J’ai (…) toujours refusé de me taire. Je suis un vieux X, un membre de cette génération de passeurs qui n’a pas profité de la vie facile des boomers, mais qui ne participent pas non plus du désenchantement de la génération Y. Je suis issu d’une culture humaniste qui prend en compte la complexité des êtres, et qui prétend que personne n’est parfait. C’est justement parce que personne n’est parfait que la notion de générosité, de réhabilitation, de retenue et de prudence dans le jugement est vitale.

Or voilà que maintenant, c’est à une petite partie de la gauche féministe radicale que j’ai affaire, et qui voudrait me faire taire. À tout le moins voudrait-elle que je me confonde en excuses (…).

Ce que réclame cette frange moralisatrice d’un mouvement par ailleurs sain et nécessaire, c’est la pureté morale et la contrition permanente de ceux qu’elle juge fautifs. (…)

Elle est en cela dangereuse qu’elle n’offre aucune voie de sortie pour ceux qu’elle a accusés, jugés et condamnés. Elle fait appel à une virginité de l’humain qui doit montrer patte blanche sous peine d’être rejeté. Elle fabrique de l’exclusion. Elle articule au présent ce qui appartient au passé, dans une forme de cécité temporelle qui s’apparente au totalitarisme. (…)

La dénonciation et l’amalgame appartiennent au désir de vengeance et au discours de la haine. Il y a chez ces gens qui me dénoncent une rectitude morale qui n’est pas de la rigueur, mais une forme complexe de prétention. Ceux et celles qui, à gauche, affichent leur ignorance comme une force et leur jeunesse comme une vertu sont l’équivalent exact des jambons de la droite. Des trolls. (…)

Je les comprends d’en avoir marre de la culture dominante. Mais il faut craindre et dénoncer cette arrogance d’une certaine jeunesse qui pense être en position d’autorité morale simplement parce le capitalisme est misogyne. Être «victime du patriarcat» ne signifie pas «avoir raison en tout». Et la campagne en cours de ces jeunes femmes que la haine exalte fait plus de tort au féminisme qu’à moi. (…)

Il faut changer le monde, certes, puisqu’il court à sa perte. Mais cela se fera dans un élan de générosité, et la main tendue vers ceux qu’il ne faut pas considérer comme des ennemis, mais comme d’autres victimes d’un système qui nous écrase tous. Eh oui, les hommes sont également victimes d’un système patriarcal qui contraint leur pensée et les transforme en bourreaux. Mais les temps changent, heureusement, et les gens aussi. Or, on ne modifiera pas des façons de penser en reproduisant les défauts de ce qui nous opprime, et le but, c’est l’égalité, pas la vengeance, pas la haine. »  (Jean Barbe,  Aimer malgré tout, 10 décembre 2014)

Benedikt Arden
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[1] Je fais ici référence aux postes d’élites faiblement renouvelées qui sont encore majoritairement composés d’hommes, mais qui seront inévitablement renouvelés paritairement si nous tenons compte du pourcentage de femme surdiplômée.
[2] Noter que le pronom personnel « les » sous-entend tous ceux de la catégorie « homme » ou « femme », car le fait d’écrire « des » serait déjà un souci de bonne foi.
[3] L’immense majorité des critiques de l’islam radical se revendique du féminisme afin de condamner les traditions incontestablement machistes des peuples musulmans.
[4] La lutte horizontale est celle qui oppose les exploités entre eux en divisant les conflits sur des bases non économiques. La lutte verticale, à l’inverse, est celle qui peut aussi être appelée « guerre des classes ».
[5] Équivalent du machisme, mais du côté féminin.
[6] En somme, un mixte entre le patriarcat religieux des sociétés archaïques (notamment musulmane) et l’exploitation sexuelle des sociétés libérales inégalitaires comme en Amérique du Sud.
[7] L’usage du sexe en publicité notamment.
[8] Disons depuis les années soixante-dix, mais surtout depuis les années quatre-vingt-dix.
[9] Même si cette affirmation est théoriquement vraie, elle me semble tout de même rarissime.
[10] En fait, tout ce qui a trait aux différences de sexes est en lien avec la reproduction. Que ce soit les organes à proprement parler ou les taux d’hormones, qui sont générés par les chromosomes X ou Y.
[11] Je ne parle pas du contenu de ces relations (qui est plus que varié), mais de celles que génère l’attirance sexuelle.
[12] Si un homme devenait un jour « enceint », il deviendrait donc par définition une femme.
[13] Ce qui s’applique à notre époque.
[14] Qui ne s’applique plus à notre époque pour des raisons technologiques, économiques ou démographiques, mais qui est toujours d’usage.
[15] Ex. Le port de la moustache pour l’homme, le congé de maternité pour la femme, la conscription pour l’homme, l’éducation des enfants pour la femme, etc.
[16] Notamment, tout ce qui limitait le droit naturel de la femme.
[17] Mener les deux combats à la fois.
[18] Surtout au niveau de cette volonté de guerres de religion avec l’islam.
[19] Avec beaucoup d’effort, on peut travestir le sens de tout message et ainsi le diaboliser.

jeudi 15 janvier 2015

Il est minuit moins quart …

Cela s’est passé le 7 janvier dernier et c’était malheureusement prévisible depuis longtemps. Un commando armé a perpétré un charnier dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo faisant douze morts sur le coup ainsi que plusieurs blessés. Selon les témoins, les auteurs de l’attentat auraient scandés « nous avons vengé le prophète », « Allahu Akbar », ainsi que quelques autres énoncés du même type. Ce qui, pour les médias, ne devait pas laisser grand doutes sur l’identité de ses auteurs, étant donné que le journal était depuis longtemps l’un des fers de lance de l’anti islam version gauchiste.

Comme vous le savez peut-être, les principales victimes de cet attentat, soit les dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo, ne sont pas totalement sans responsabilité dans cette affaire et leurs multiples provocations à l’égard d’une population qui se radicalise depuis longtemps n’étaient pas sans risques. D’ailleurs, l’incendie criminel qui eut lieu dans leurs locaux en 2011 ne semble pas à l’époque avoir été pris suffisamment au sérieux. Car loin de freiner leurs ardeurs, cela les a de toute évidence affirmées dans cette voie risquée. Dans cet ordre d’idée, certaines mauvaises langues sont même allées jusqu’à prétendre que les intéressés n’étaient pas étrangers à cet événement, car s’étant sortis de cette affaire plutôt avantagée en terme financier[i] et médiatique[ii]. Enfin, même si le fait d’être des martyrs apporte quelque chose de romantique vu de l’extérieur, il n’en demeure pas moins que de le devenir réellement n’est pas l’apanage de tous, alors il serait plutôt inutile de considérer une volonté en ce sens dans le cas qui nous concerne. Mais enfin, poursuivons.

Tous ceux qui connaissent un peu la réalité du monde et son évolution auront tôt fait de comprendre que le risque d’attentats de ce type dans les divers états occidentaux, mais surtout en France, était une réalité à craindre. Mais voilà que comme une traînée de poudre cette situation rendra sans doute les tensions sociales encore plus difficiles dans les pays à fort taux d’immigration musulmans. Cela engendrera probablement des conséquences très nocives partout où le même terreau sociologique est cultivé. Partout en occident, mais aussi ici où nous avons déjà morflé récemment, sera peut-être le cadre d’un prélude à la guerre civile. Car, même si nous avons du retard et que le québécois moyen est plus passif et ouvert qu’à bien des endroits dans le monde, il se trouve que les mêmes processus sont en court. Ensuite, avec les effets négatifs des débats sur la « charte des valeurs », l’omniprésence d’une droite islamophobe et d’une gauche moralisante incapable de sortir des slogans, la situation ne risque pas de s’améliorer, car tout ça participe à la situation présente.

Comme je l’ai déjà évoqué, la question des processus qui nous ouvrent la voie vers la guerre civile n’est pas si obscure que cela, malgré l’apparente incapacité qu’ont les politiques à faire comprendre les raisons de son développement ainsi que ce qui devrait être fait pour que cela cesse d’empirer. Car il n’est pas difficile de comprendre que de blâmer les populations d’accueils (comme le fait trop souvent la gauche) ou les immigrants (comme le fait trop souvent la droite) de tous les maux n’ont pas d’autre conséquence que d’empirer la situation. Car quand l’on stigmatise les musulmans en même temps que le reste de la population au nom des fractions inverses, il s’avère que l’on génère des antipathies qui finissent tôt ou tard par ce genre d’acte barbare. En somme, les deux discours se complètent dans ce qu’il y a de plus nocif si nous voulons construire une société de paix. 

Le plus grave problème dans ces funestes événements, c’est qu’au moment même où il faudrait réfléchir à la complexité de la situation et aux moyens concrets d’un changer de cap, la petite politique en profite toujours pour surenchérir dans la démagogie au plus chaud de la situation, histoire d’en profiter électoralement. Ce qui risque bien d’engendrer une contre-offensive qui pourrait être le début de graves conflits intercommunautaire. Ce qu’il faut à tout prix éviter, car ce type de conflit (l’actualité du monde nous le démontre tous les jours) ne peut aboutir à aucune victoire et c’est la société dans son ensemble qui en serait la victime.

Mais enfin, que seraient les moyens à prendre pour opérer un tel changement de cap? Me demandera-t-on. Afin d’y répondre, essayons, sans aller trop loin, de prendre un peu de hauteur afin de repenser ce qui se passe globalement et qui n’est pratiquement jamais mis en perspective par les grands médias.

Depuis un certain temps déjà, les Américains et leurs alliés utilisent à grande échelle ce que l’on appelle des stratégies de subversion (ou guerre de 4e génération) afin de renverser les gouvernements d’états conçurent sans toutefois les envahir directement. Cette stratégie est très efficace sur tous les plans, car en plus de ne pas avoir à répondre des accidents ou bavures collatérales que ces combats impliquent, cela permet surtout de réduire les coûts à presque rien. Tout ce qu’il faut c’est de repérer les groupes d’oppositions déjà existants[iii], leur donner quelques formations via les organismes liés à la NED[iv], de les armer discrètement et de dorer leur image dans les médias occidentaux[v]. Sans retourner aux plus anciennes entreprises de subversion, notamment celles en Afghanistan[vi] qui ont donné (oh surprise!) Oussama Ben Laden, rappelons-nous des quatre dernières années où l’on a vu tomber la Libye et la Syrie, à un poil près. L’objectif principal étant de mettre à mal des états concurrents, l’aide apportée à ceux qui se battent contre lui laisse aisément comprendre pourquoi de tels groupes sont soutenus (quand ceux-ci sont soi-disant combattus sur le sol occidental), car étant les premiers à vouloir détruire des états modernes issus du nationalisme arabe. Le gros problème, c’est que les milices islamistes recrutent non pas uniquement chez les musulmans des pays concernés, mais aussi dans le monde entier. Ce qui inclut les pays à haut taux d’immigrants de confession musulmane, autrement dit chez nous. 

Il est de notoriété publique que l’État français, même socialiste (sic), est aujourd’hui un grand pourfendeur des états visés par l’oncle Sam. Et par ses prises de position parfois ridicules[vii], il incite bien des jeunes à la guérilla contre des états comme la Syrie. Et comme un malheur n’arrive jamais seul[viii], il arrive parfois que ces jeunes reviennent avec des connaissances militaires quelque peu perfectionnées[ix]. Ce qui est un problème de sécurité criant quand le pays vit des tensions interconfessionnelles comme c’est le cas en France. Et si vous ajoutez à cela la démagogie qui d’un côté blâme les immigrants de tous les maux et de l’autre, leurs compatriotes (via le discours victimaire). Il est fort à croire qu’un jour ou l’autre il finira bien par y avoir confrontation !

Alors que faire? D’abord et avant tout, ne pas souffler sur les braises et mettre fin à la démagogie. Ensuite, éviter la tentation du bouc émissaire et condamner TOUS ceux qui ont des responsabilités dans la montée des tensions afin de mettre en place les conditions d’un dialogue entre gens de bonne foi. Ce dialogue pourra donc être le départ d’actions concertées qui auront pour objet d’agir à la base de ce qui a causé les problèmes que nous vivons aujourd’hui. Soit ces conflits désastreux au Moyen-Orient ainsi que tout ce qui a trait aux luttes horizontales engendrées par le multiculturalisme, cette idéologie anglo-saxonne intrinsèquement raciste et vectrice de conflit.       

Dans le présent contexte, tous ceux qui jettent de l’huile sur le feu devraient se rappeler le dicton « qui sème la misère récolte la colère », car, même si je ne remets pas en cause la liberté d’expression de Charlie Hebdo, je crois que la situation est suffisamment grave pour en appeler à un effort collectif de réconciliation. Il y a beaucoup trop de gens (des deux côtés) qui en appellent au conflit pour prendre cette situation à la légère et comme il est encore temps d’éviter le pire, tous devraient s’unir sur les plus petits dénominateurs communs afin de mettre à bas ceux qui sont à l’origine de ces tensions et qui profitent de cette division pour se maintenir au pouvoir.

Benedikt Arden


[i] Car ayant reçu des avantages importants en retours d’assurances.
[ii] Par l’image de martyr de la liberté que cela leur rapporte.
[iii] Tout état compte un nombre assez varié de groupes d’opposition qu’il est facile de repérer et de financer.
[v] Les insurgés sont notamment toujours considérés comme des rebelles de la liberté, même si ces mêmes personnes étaient perçues ici comme des terroristes.
[vi] Guerre de subversion visant indirectement l’URSS et qui consistait dans l’essentiel de soutenir les groupes islamistes radicaux afin de déstabiliser le gouvernement prorusse d’Afghanistan. 
[vii] Comme la reconnaissance de l’Armée syrienne libre (ASL) alors même qu’elle n’est pas au pouvoir.
[viii] Inciter indirectement les jeunes musulmans à aller faire la guerre par l’état n’est pas une bonne chose en temps normal, même si bien des gens peuvent avoir des motivations tout à fait compréhensibles de le faire.  
[ix] Selon les informations que j’ai reçues lors de la rédaction de ces lignes (cela pourrait bien changer), le commando aurait été formé dans le cadre de la guerre civile en Irak.

mercredi 14 janvier 2015

La France sombre dans un état d'anarchie et de violence sans précédent

                                                 - Pauline Easton -

Aussi horrible que soit l'attentat contre le journal Charlie Hebdo, il est encore plus alarmant de voir la France sombrer dans un état d'anarchie et de chaos sans précédent et de savoir que le peuple est devenu l'otage de mesures de riposte qui ne font qu'aggraver la crise généralisée dans laquelle la France est plongée.

Le 7 janvier 2015, selon les rapports de presse, deux hommes armés ont fait éruption dans les locaux de la revue satirique Charlie Hebdo et ont ouvert le feu, tuant 12 personnes et en blessant 11 autres. La police française a lancé une chasse à l'homme et la France a immédiatement été soumise à des interdictions, barrages et arrestations. L'opération s'est terminée deux jours plus tard par une prise d'otages à Dammartin-en-Goële, à 35 km au nord-est de Paris, à l'issue de laquelle les deux suspects, qui avaient pris des otages dans un bâtiment industriel, ont été abattus par les policiers. Durant ce temps d'autres attaques ont été rapportées partout au pays : des alertes à la bombe, des attaques contre les mosquées, des fusillades. Entre autres, une policière de 25 ans a été tuée et un travailleur municipal blessé à Montrouge, en banlieue sud de Paris, et il y a eu une prise d'otages à la porte de Vincennes, dans l'est de Paris, où un homme armé a pris d'assaut un supermarché. À la conclusion du siège du supermarché qui a duré trois heures, le suspect a été abattu par les policiers et quatre des otages étaient morts.


Attentat à la grenade contre un restaurant à Villefrance-sur-Saône le 8 janvier 2015.
Une expression de la descente de la France dans l'anarchie et la violence
suite à l'attentat contre Charlie Hebdo

Suite à l'attentat du 7 janvier, les autorités françaises ont élevé l'alerte antiterroriste à son niveau le plus élevé. Des soldats ont été déployés dans les rues de Paris, dans le réseau de transport public, aux portes des bureaux des médias, des mosquées et autres lieux de prière. Des manifestations ont été appelées sur la Place de la République à Paris, dont un rassemblement de 35 000 personnes le jour de l'attentat, mais aussi à Toulouse, Nice, Lyon, Marseille et Rennes. Tout cela s'est accompagné d'une désinformation médiatique massive au sujet des motifs, des liens et des déplacements des suspects et d'hystérie et de confusion créées par les cercles officiels sur la nature de l'attaque et du danger pour le peuple.

Les grandes mobilisations policières, les interdictions, barrages et occupations de collectivités entières sont pour le peuple français un rappel tragique de l'état d'impuissance qu'il a vécu durant l'occupation de 1940 à 1944.

Que penser de ces événements ? Il y a un tollé à propos de la nécessité de protéger la liberté d'expression. Le premier ministre du Canada a dit que le seul objectif de ceux qui commettent de tels actes de barbarie est d'« usurper les droits des personnes éprises de liberté partout, y compris le droit fondamental à la liberté d'expression ». « Cet acte barbare, combiné aux attaques perpétrées à Sydney, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa, nous rappelle cruellement qu'aucun pays n'est à l'abri des attaques terroristes que nous avons vues ailleurs dans le monde, a-t-il dit dans son communiqué de presse le 7 janvier. Le Canada et ses alliés ne seront pas intimidés, et nous continuerons de faire front commun contre les terroristes qui voudraient menacer la paix, la liberté et la démocratie auxquelles tiennent nos pays. Les Canadiens sont solidaires de la France en ce jour sombre. »


La police française sur les lieux de l'attaque à la grenade au Mans le 8 janvier 2015
Le premier ministre du Québec Philippe Couillard s'est joint au concert de condamnation en disant que « jamais nous ne nous inclinerons devant de tels gestes d'intimidation, de violence et de haine ». Les médias francophones du Québec ont participé à ce qu'ils ont qualifié de geste de solidarité avec le personnel de Charlie Hebdo en publiant des caricatures profanant le prophète Mohamet et en affirmant qu'il faut défendre la liberté d'expression. Les journaux ont titré : « Un acte de guerre », « La liberté d'expression sous attaque » et « Vague d'islamophobie à craindre ». Les experts habituels de Radio-Canada et TVA ont été amenés sur les plateaux pour justifier l'offensive de gouvernements, comme celui de Stephen Harper, contre les droits à la vie privée et d'autres droits des citoyens sous prétexte de lutte au terrorisme. Les médias anglophones comme CBC et le Montreal Gazette, propriété de Postmedia, n'ont pas reproduit les caricatures offensantes par « sensibilité à la cause des musulmans » mais ont qualifié eux-aussi les événements d'attaque contre la liberté d'expression. Le Montreal Gazette affirme dans un éditorial que la meilleure réponse est la célèbre phrase de Voltaire : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

Quels que soient les gestes choisis par ces forces pour exprimer leur solidarité avec les victimes de la fusillade à Charlie Hebdo, toutes partagent l'opinion qu' aujourd'hui la lutte des peuples du monde n'est pas entre l'ancien et le nouveau mais entre « le bien et le mal », entre de prétendues forces progressistes et civilisées du monde, qui se trouvent à être d'origine européenne, et un soi-disant monde de terrorisme islamique intégriste non civilisé. Le fait que les méthodes utilisées par le soi-disant monde civilisé pour combattre le monde non civilisé soient les mêmes que celles utilisées par ceux qu'il dénonce reste caché. Ces méthodes ont depuis longtemps été répudiées par les peuples du monde, et pourtant le monde dit civilisé admet l'utilisation de la torture par les agences de renseignement, l'usage de la violence dans les règlements des conflits entre nations, les actes de revanche, les arrestations préventives et les détentions à durée indéterminée. Ce ne sont pas là des méthodes permettant d'assurer la paix. C'est carrément du terrorisme d'État dont l'objectif est de déstabiliser les adversaires et conquérir des sphères d'influence. Mais le plus irrationnel dans tout cela, et c'est le moins qu'on puisse dire, est qu'on parle de « liberté d'expression » pour encourager un contenu comme celui de Charlie Hebdo, qui n'a pas une once de lumière et d'idées éclairées.

En fait, ce qu'on appelle le contenu satirique légitime de Charlie Hebdo est à la fois méprisable, pathétique et antisocial. Il est méprisable parce qu'il vise à attiser les passions comme façon de gagner de la notoriété. Il est pathétique parce qu'il invoque un des grands principes du mouvement des lumières (la liberté d'expression) pour répandre l'obscurantisme sur une échelle aussi grande sinon plus que l'a fait l'Église au moyen-âge. Il est antisocial parce que son objectif est d'encourager le recul par rapport aux progrès de l'humanité et d'inciter aux guerres fratricides.

Tout cela révèle la profonde crise de l'État-nation européen qui a été imposé au monde entier. Si cet État-nation européen est né dans la grande lutte contre le médiévalisme dans le contexte européen, aujourd'hui il est en train d'être démantelé pour faire place à nouveau aux préceptes médiévaux, comme la raison du plus fort, la négation de tout pouvoir du peuple, la substitution du droit par le privilège, l'abolition des droits de la défense et de la sûreté, pour ne laisser que la capacité de ceux qui ont usurpé le pouvoir par la force de déclarer des gens illégaux et de suspendre leurs droits et de faire la même aux résidents étrangers et à des pays entiers. Les valeurs et les arrangements étatiques que les forces réactionnaires incitent l'intelligentsia d'Europe et du monde anglo-américain à défendre sont complètement en désharmonie avec les demandes des peuples du monde en ce XXIe siècle. Le progrès exige des idées éclairées. N'est-ce pas ce que les hommes et les femmes de la Renaissance nous ont enseigné lorsqu'ils ont enclenché le siècle des Lumières ? N'est-ce pas ce que Voltaire disait quand il a épousé la cause des droits de l'Homme il y a si longtemps ?[1]

Honte aux cercles officiels, y compris ces journaux au Canada et au Québec qui font la promotion du recul et de l'obscurantisme au nom de la liberté d'expression. S'ils croient si ardemment à cette liberté, pourquoi ne tolèrent-ils pas ce qu'ils appellent opinions terroristes islamiques ? Qui décide quelles opinions ont droit à la liberté d'expression ? Voilà la question qu'il faut se poser.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les points de vue fascistes n'ont pas eu droit à la liberté d'expression. C'est l'humanité qui en a décidé ainsi. L'interdiction a été écrite dans le sang. Aujourd'hui ceux qui se sont emparés du pouvoir par la force ont rejeté toutes les valeurs et opinions éclairées auxquelles l'humanité a donné naissance depuis le renversement du féodalisme et que les peuples ont réclamé le pouvoir d'être les décideurs de leur destin. La bataille pour la démocratie doit être refaite. Dehors l'ancien, place au nouveau !


La diabolisation de la résistance populaire 
assimilée au «terrorisme»

Face à la diabolisation enragée de la résistance populaire assimilée au « terrorisme », en particulier dans les principales zones de conflit armé du Moyen-Orient, qui accompagne le climat d'anarchie et la violence généralisée que nous avons vu en France cette semaine, il est plus impératif que jamais de continuer à condamner les actes terroristes réels comme l'attaque terroriste de Charlie Hebdo tout en distinguant ces atrocités des actes justes et nécessaires de résistance populaire comme ceux que nous voyons en Palestine.

Il y a eu un certain nombre d'attentats semblables à ceux de Paris au Royaume-Uni au cours des derniers mois, notamment l'assassinat en plein jour d'un soldat près de sa base dans le quartier de l'East End de Londres. Le gouvernement et les médias matraquent systématiquement que ces attentats sont des actes de « terrorisme islamique » pour amalgamer les luttes de résistance légitimes avec les actes de vengeance et de terreur aveugle.

Cette semaine, le chaos en France a été provoqué par trois événements distincts, suite à l'attaque contre Charlie Hebdo - un à un supermarché casher, un près de l'aéroport Charles de Gaulle et l'autre près de la tour Eiffel. Les autorités ont fermé le boulevard périphérique de Paris, l'équivalent serait la fermeture de l'autoroute 401 à Toronto. Ces mesures semblent avoir été prises, entre autres, pour couper la grande banlieue où habitent un grand nombre de musulmans des « vrais Français » des arrondissements intérieurs.

Il y a quelques semaines, nous avons vu que les événements de Saint-Jean-sur-Richelieu et d'Ottawa ont été utilisés pour créer un climat d'anarchie, de violence et d'incertitude. Au Québec, à la suite des événements de Paris de cette semaine, il y a eu une recrudescence de la diabolisation des « musulmans » comme des étrangers malfaisants. L'establishment canadien et américain préparent quelque chose de terrible. Beaucoup perdent complètement leurs repères.

Nous condamnons ces derniers attentats terroristes. Nous condamnons les gouvernements et leurs marionnettes pour leur amalgame délibéré du terrorisme et des actes de résistance populaire justes et nécessaires comme la résistance des Gazaouis à l'agression israélienne. Bien qu'ils prétendent vouloir défendre la liberté d'expression, les gouvernements et leurs agences ont alimenté le climat d'anarchie et de violence et doivent être condamnés pour cela.


Les implications réelles de l'attentat contre 
l'hebdomadaire français Charlie Hebdo 
pour le peuple et ses droits

Que l'État français et/ou « l'extrême droite » soient impliqués ou pas dans l'attentat contreCharlie Hebdo le 7 janvier 2015, cet attentat terroriste a certaines similitudes avec celui du 11 Septembre 2001 contre le World Trade Centre aux États-Unis. Comme aux États-Unis en 2001, les sections de l'oligarchie financière (ainsi que celle des États-Unis et du Canada) et les capitalistes monopolistes français profitent pleinement de l'attaque contre l'hebdomadaire pour semer la confusion. Jusqu'à présent, ils ont réussi en partie à mobiliser des gens sur une base raciste pour leur ordre du jour d'ingérence et d'agression au Moyen-Orient : escalade des agressions racistes contre des membres spécifiques de la population dans le pays, et intensification de la surveillance et des contrôles de l'ensemble de la population, tout en détournant l'attention de la crise économique et politique de plus en plus grave dans laquelle ils sont plongés, dans l'espoir de pouvoir faire payer le peuple pour les crises dont ils sont les seuls responsables.

Il est intéressant de se pencher sur l'histoire de Charlie Hebdo (résumée par Wikipédia), pour mieux préciser quel a été son rôle, intentionnellement ou non, dans la promotion de l'ordre du jour ci-dessus.

L'équipe de rédaction du magazine semble être composée, 
à première vue, de « gauchistes » progressistes

En 1996, trois membres de sa rédaction (François Cavanna, Stéphane Charbonnier et Philippe Val) déposent une pétition de 173 704 signataires qui demandent l'interdiction du Front national - le parti politique nationaliste fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972, qualifié d'« extrême droite » et d'« anti-immigrants » (plus précisément les immigrants non européens). Cette pétition réclamant la dissolution du Front national est précédée de cinq articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (un texte fondamental de la révolution démocratique bourgeoise de 1789 en France), avec lesquels « le Front national est en contradiction flagrante ». En plus de ses positions anti-immigrants, les autres positions majeures de ce parti incluent le « protectionnisme économique » (soutien à la nationalisation de certaines industries) » et un programme strict de « loi et ordre ». Selon Wikipédia, sa politique d'expulsion des immigrants est « plus modérée aujourd'hui qu'elle ne l'était à son point le plus radical dans les années 1990 ».[1]

Un volte-face

La position apparemment progressiste de l'hebdomadaire, cependant, a changé brusquement fin 2000, quand une de ses collaboratrices est renvoyée pour avoir « osé contester un édito de Val qui qualifiait les Palestiniens de 'non-civilisés' ». Puis, en 2006, l'hebdomadaire reproduit les douze caricatures racistes du journal danois Jyllands-Posten qui tournaient en ridicule le prophète Mahomet et avaient provoqué une « polémique » qui avait profondément divisé le Danemark. Ce numéro contenait également des caricatures du prophète Mahomet dessinées par les collaborateurs réguliers du journal. Un certain nombre d'organisations islamiques ont poursuivi le directeur de la rédaction, Philippe Val, pour publication de matériel raciste.

Le président de la République française de l'époque, Jacques Chirac, condamne par la suite ces « provocations manifestes » et déclare : « Tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui, en particulier les convictions religieuses, doit être évité ». Le futur président, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur et des Cultes, écrit une lettre au tribunal dans laquelle il écrit : « Je tiens à apporter clairement mon soutien à votre journal, qui exprime une vieille tradition française, celle de la satire », tandis que François Hollande « exprime son soutien à la liberté d'expression ». En 2007, Philippe Val est acquitté par les tribunaux. En octobre 2011, l'hebdomadaire publie un autre numéro provocateur. En novembre, les locaux du journal, situés dans le 20e arrondissement de Paris, sont incendiés par un jet de cocktail et son site internet piraté. En septembre 2012, l'hebdomadaire publie d'autres caricatures de Mohamet, certaines pornographiques, et ses locaux font l'objet d'une protection policière « pour le protéger contre les attaques possibles ».

Le 7 janvier 2015, Charb, le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, publiait une caricature provocatrice intitulée : « Toujours pas d'attentats en France » avec un combattant musulman déclarant : « Attendez, on a jusqu'à la fin janvier pour présenter ses voeux ». Quelques heures plus tard, il était tué dans l'attentat contre la rédaction du journal.
Selon l'International Business Times, « la situation pourrait faire grimper Le Pen dans les sondages, son parti a réitéré sa condamnation de l'Islam, et demandé le rétablissement de la peine de mort ».

L'utilisation cynique du principe de la « liberté d'expression »

Un grand nombre de gens ont condamné l'attentat contre Charlie Hebdo, mais pas tous sont vraiment allés au fond des choses pour savoir ce qui s'est passé, pourquoi et qui sont les responsables. Au contraire, ils sont mobilisés de manière anti-consciente et hystérique et conduits à croire qu'ils soutiennent le principe de la « liberté d'expression ». La « liberté d'expression » que la rédaction de ce journal de ce magazine prétendait défendre, qui était liée à leur position « d'être contre la religion en général », était en fait issue du courant libertaire datant du XVIIIe siècle en France. Beaucoup de ces caricatures dans Charlie Hebdo rappellent les romans libertins du XVIIIe siècle qui contenaient des caricatures et des écrits pornographiques mettant en scène des prêtres et des religieuses.

Toutefois, ce soi-disant exercice de la liberté d'expression de la rédaction de Charlie Hebdo au XXIe siècle alors que le pouvoir absolu de l'Église et de l'État a été aboli, est, au mieux, hypocrite. Peut-on qualifier de « défendre ses droits » et d'« exercer le droit à la liberté d'expression » le fait d'attaquer et de blesser les sentiments d'un groupe minoritaire dans la société ? Exercer ce « droit » est plutôt une licence libertaire de faire exactement ce qu'on a envie de faire, que ce soit ou non au détriment des autres membres de la société. En dernière analyse, un appel de libertaire au droit à la liberté d'expression au XXIe siècle est un appel aux droits individuels bourgeois au détriment des droits collectifs.

Les droits humains sont plus que les droits individuels bourgeois

Dans ses écrits sur la question de l'édification de la nation au Canada, Hardial Bains aborde la question de la relation entre les droits individuels et les droits collectifs des membres de la société au XXIe siècle :

« À une époque se produisit une rupture avec l'attitude médiévale, les gens furent définis suivant leurs droits individuels [...] Tout était en place pour que les ressources disponibles de la société soient orientées vers la plus grande gloire des droits individuels. Cela devint un obstacle à la satisfaction des droits collectifs. »[2]

L'harmonisation des droits individuels et des droits collectifs de tous dans la société ne peut être réalisé que par l'élaboration d'une nouvelle Constitution et la mise en oeuvre d'un mécanisme politique nouveau pour rendre cela possible.

Notes

1. Selon le Réseau Voltaire, qui se décrit comme « un réseau de presse non-alignée consacré à l'analyse des relations internationales », Charlie Hebdo a été créé en 1992, avec un financement secret du cabinet du président français François Mitterrand. Charlie Hebdo a été membre du Reseau Voltaire avant de s'en retirer en 1997 suite à un désaccord avec le réseau. À cette époque, Charlie Hebdo faisait campagne pour une interdiction complète du parti d'extrême-droite Front National (FN). À cette époque, Réseau Voltaire a défendu le droit d'association des membres du FN tout en faisant campagne pour l'interdiction de son service de sécurité, le DPS. Par la suite, les relations entre le réseau et Charlie Hebdo se sont détériorées. Charlie Hebdo a attribué les attentats de 9/11 à Al Qaeda et lançé une campagne anti-islamique féroce. Pour sa part, le Réseau Voltaire maintient que la version officielle des événements était impossible et a attribué les attentats à une faction du lobby militaro-industriel américain. Enfin, en 2007, le directeur de Charlie Hebdo se rapproche du président Nicolas Sarkozy, en donnant des instructions pour démettre le président du Réseau Voltaire, qui par la suite s'est exilé de France.
2. LML, 3 janvier 2015, No. 1.

Réferences

« L'édification nationale au Canada ne peut signifier qu'une chose », LML, 3 janvier 2015, No. 1
Wikipédia. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Charlie_Hebdo
Wikipédia. « Front national (parti français) » :

http ://fr.wikipedia.org/wiki/Front_national_(parti_fran %C3 %A7ais)



Un coup monté?

Paul Craig Roberts, ancien secrétaire-adjoint au Trésor de l'administration Reagan et rédacteur adjoint du Wall Street Journal, dans un article publié sur son site internet le 8 janvier, affirme que l'attaque terroriste à Paris a été un coup monté - une opération sous fausse bannière - « dont l'objectif est de consolider le statut d'État vassal de la France vis-à-vis les États-Unis ».

« Les suspects peuvent être coupables et boucs émissaires. Rappelons-nous les complots terroristes faits par le FBI pour rendre la menace terroriste réelle aux Américains », écrit-il.
Il dit que l'économie française subit les conséquences des sanctions imposées par les États-Unis contre la Russie. « Les chantiers navals sont affectés parce qu'ils ne peuvent pas expédier les commandes russes en vertu de leur statut d'État vassal vis-à-vis Washington, et d'autres secteurs de l'économie française subissent les effets négatifs des sanctions que Washington oblige ses États vassaux de l'OTAN à imposer à la Russie. »
Roberts écrit que cette semaine le président français, François Hollande, a déclaré que les sanctions contre la Russie devaient cesser. « Pour Washington, c'est trop d'indépendance en matière de politique étrangère de la part de la France . »

Il ajoute que la CIA semble avoir ressuscité une politique utilisée contre les Européens pendant la période suivant la Deuxième Guerre mondiale, alors que l'agence d'espionnage des États-Unis perpétrait des attaques dans les pays européens et les mettait sur le dos des groupes communistes.

Selon Roberts, les agences étasuniennes projettent en ce moment de mener des opérations sous fausse bannière dans le but d'inciter la haine contre les musulmans et d' amener les pays d'Europe dans la sphère d'influence des États-Unis.

Il dit que « l'attaque contre Charlie Hebdo est une « travail de l'intérieur » et que des individus identifiés par l'Agence de Sécurité nationale comme étant hostiles aux guerres occidentales contre les musulmans seront victimes d'une machination visant à ramener la France bien fermement sous la férule de Washington.

Le gouvernement des États-Unis « raconte aux Américains n'importe quelle histoire qu'il invente et s'amuse de la naïveté du peuple », écrit-il.