lundi 12 juillet 2010

Rebelles et coolitude au service du rien


Comme plusieurs de mes compatriotes de la région de Québec, malheureusement déporté en métropole pour des raisons professionnelles, j’aime annuellement me retrouver à Québec pour la traditionnelle fête de la Saint Jean-Batiste (le 23 au soir) pour les partys de rues et leurs ambiances plutôt libres et décontractées, héritées des débordements des années 90. Comme ceux et celles qui prirent leur départ après le boulot ont dû le constater, un embouteillage monstre et des plus frustrant nous ont obligés à faire du surplace presque 2hr, car celui-ci se terminant vers Saint-hyacinthe… que de grognes. Bref, loin de moi l’idée de me plaindre de ce désagréable effet de la concentration urbaine dont je suis aussi en partie responsable, je préférais m’arrêter sur une anodine nouvelle à la radio de Radio-Canada (histoire de rester informé de la circulation). La nouvelle était la présentation d’une « autre Saint-Jean » le 23 à Montréal au parc du Pélican, dans le quartier Rosemond. Une autre Saint-Jean ? Si je me fie au nom, qui ne va pas sans rappeler « l’autre journal » (1), on note déjà de potentiels reproches à l’égard de la première. Le doute c’est transformé assez vite en réalité avec les commentaires, toujours à la radio, de la très à la mode Ariane Moffatt, nous expliquant le côté sectaire de notre bien aimée première fête et de sa supposée condamnable exclusion desdits non-Québécois. La nouvelle, à première vue, ne ma guère surpris, considérant que Radio-Canada soutient par principe les activités promouvant le multiculturalisme, mais plus tard j’ai remarqué que ce n’était pas vraiment une fête pour les immigrés qui veulent fêter comme tout le monde (mais sans fêter le Québec) comme je le croyais, mais une fête de jeunes qui n’ont juste rien à foutre du Québec. Cette fête, ne me surprenant toujours pas énormément plus que ce que je croyais auparavant, m’a surtout étonné par sa popularité, car soulignant la montée de la dépolitisation et de l’individualisation. En sommes le détachement de la jeunesse envers la communauté nationale jadis si forte.

Quoi que ce soit le cas ailleurs (en France surtout) depuis les années soixante, notre bienveillante jeunesse québécoise ne s’était pas vraiment fait embrigader dans l’antinationisme (2) promue par la musique et les discours de jeune à la mode de ces années. Cet échec de l’antinationisme au Québec était très probablement dû à notre situation de peuple conquis qui rendait le nationalisme moins facilement attaquable par la bien-pensance et le rendait plus rebelle par essence, car ayant un fondement révolutionnaire, contrairement aux pays déjà existants (3). Malgré la grande résistance du nationalisme québécois, le temps fait toujours son œuvre et en cela les discours cosmopolites, même sous couvert d’un espèce de nationalisme civique, finissent par faire perdre le sens commun chez les jeunes. Non pas qu’ils ont plus d’adeptes qu’avant, mais bien parce qu’ils n’ont pas souvent beaucoup de sens et finissent par être agaçants pour notre jeunesse bien grasse à force d’être rabâchés comme de la bouillie depuis près de 40 ans. Donc, en plus de l’idéologie et des changements de populations (car eux aussi ont de l’effet), le discours du nous national fini par être attaqué par l’oedipe même d’une jeunesse constamment encouragée à rompre avec la génération précédente (4). En somme, nous remarquons avec cette autre Saint-Jean l’accomplissement d’une œuvre de longue date, mais par des moyens bien nouveaux, qui risque bien d’arracher la jeunesse à cet idéal, jugé sectaire, qui est l’émancipation d’un peuple et de sa culture par le biais d’une nation souveraine.

Pour ceux qui connaissent un peu les généralités de mon discours, comprendront que pour moi la rebellitude à la carte de la génération Y est une aliénation des plus déplorable (5), qui mène directement à la servitude la plus totale. Eh oui, quoi de plus parfait pour détruire l’élan révolutionnaire d’un peuple que de le convaincre que d’assumer sa singularité est de la discrimination et que le concept de liberté ne peut être incarné qu’individuellement. De cette façon plus personne ne peut légitimement croire en autre chose qu’en la recherche de son meilleur intérêt personnel, car autrement il y aurait forcément discrimination. Pour mieux me faire comprendre je prendrais l’exemple de notre bienveillante fête de la Saint Jean-Baptiste (histoire de rester dans le sujet). Si nous fêtons la fête des Québécois, c’est que nous et les autres (pourquoi pas) croyons qu’il pourrait exister des similitudes entre des gens qui partagent la même épopée historique et de ce fait en ont hérité une singularité. Ceci pourrait peut-être nous tenter de les mettre dans une catégorie distincte (afin d’officialiser leurs dénominateurs communs disons) ce qui amènerait ce groupe humain à se voir comme un peuple ayant une destinée commune (le prolongement de son histoire). Donc, si les facteurs sociaux, culturels et historiques sont favorables, nous pouvons probablement, et sans exagérer, comprendre pourquoi ce même groupe humain pourrait aimer fêter ce constat sans tomber dans quelques délires métapsychiques et génocidaires que ce soit. Quoique plusieurs discours tendent à le nier, le fait de ne pas être dans une catégorie en particulier ne signifie pas qu’il y ait exclusion, mais relève seulement de l’évidence que tous ne peuvent appartenir à toutes les catégories. Déjà le fait de ne pas être Québécois n’enlève aucunement le droit de fêter le fait que d’autres le soient, nul besoin de dire qu’il est aberrant de croire que de fêter quelque chose en particulier soit de la discrimination contre ceux qui ne sont pas fêtés ! Si c’est votre anniversaire, est-ce de la discrimination que ça ne soit pas aussi celui de tous les autres ? De plus, n’oublions pas que pour fêter, il faut fêter quelque chose en particulier, sinon nous ne fêtons rien. Donc, si la Saint Jean-Baptiste doit aussi être la fête des non québécois et même de ceux qui sont hostiles au Québec, pour ne pas discriminer personne, alors nous ne fêtons absolument rien. Je sais que ces notions sont d’une évidence à faire rire un enfant, mais je sais par expérience que même les évidences sont parfois bonnes à rappeler.

Malgré tout, biens des personnes nous dirons le contraire pour nous culpabiliser d’exister et au lieu de voir une identité majoritaire autour duquel nous pourrions nous rassembler (inclusion), elles ne verront qu’une manifestation sectaire de personnes ne voulant que se fêter sans volonté d’être tout à la fois (ou rien autrement dit). Mais ce discours là n’en est qu’un parmi d’autres, car si je me fie aux quelques noms d’artistes présents dans cet « autre Saint-Jean » nous remarquons que ce qui rassemblait à ce concert n’était pas la « non-discrimination », mais bien le « pas de Saint-Jean », comme je l’ai précédemment expliqué. Ce spectacle n’était peut-être qu’un évènement avec des musiciens voulant chanter soit en anglais ou parler d’autre chose que du Québec, comme il s’en fait tout les jours, mais ce qui le rend condamnable c’est qu’il soit en compétition avec la vrai Saint-Jean, ce qui en fait un évènement anti-Québec métapolitiquement parlant. J’exagère ? Bien, n’oubliez pas que tout ce qui nous divise sert ce gros amas, sans culture prémondialiste qu’est le Canada, alors s’il faut que le seul jour de fierté national soit partagé avec le fatras à la mode que nous subissons tous les jours, le message de la Saint-Jean qui est : « n’oubliez pas qui vous êtes », n’atteindra plus ceux auquel il est dû (les nouvelles générations). Avec l’augmentation continue de ce genre de laxisme, abordant perfidement le masque de la liberté, peut-être un jour prétendrons-nous à l’épanouissent suprême qu’est de devenir des Américains comme les autres… ou bien des humains comme les autres… et tant qu’à faire des mammifères comme les autres… et au point où on en est, pourquoi pas des amas de cellules comme les autres.

Benedikt Arden

(1) L’autre journal est un journal de gauche syndical. Son nom fait référence à un journal différent en réaction à une presse conformiste. 

(2) L’antinationisme est un néologisme désignant non pas le fait d’être contre le nationalisme (antinationalisme), mais bien le fait d’être contre le fait national. Autrement dit, être contre le fait qu’il y ait des nations, mais sans être mondialiste.

(3) Tous savent très bien l’attirance qu’a la révolution au sens large sur la jeunesse.

(4) Rappelez-vous de l’inutile débat sur les générations de TVA, faisant indirectement l’éloge de la génération Y ouverte sur le monde, mais en même temps ultra individualiste, ce qui est très normal, car on sait très bien que quand on aime tout le monde nous n’aimons personne.

samedi 26 juin 2010

Orwell, anarchiste tory


« L’adoption déculpabilisée d’un certain degré de conservatisme critique définit désormais l’un des fondements indispensables de toute critique radicale de la modernité capitaliste et des formes de vie synthétique qu’elle prétend nous imposer. Tel était, en tout cas, le message d’Orwell. »

Anarchiste tory, c’est-à-dire « anarchiste conservateur » : une bien curieuse autodéfinition de la part de George Orwell, surtout connu comme romancier, puisque ses romans ont parfois été transformés en produits culturels de masse (1984 et La Ferme des Animaux). Orwell, beaucoup moins connu comme pamphlétaire et politique. Orwell, donc, finalement plutôt mal connu.

Dans cet essai, Michéa nous livre une vue synthétique de cet esprit trop tôt disparu, et « anarchiste conservateur ». Analysons dans un premier temps les termes et leur signification avec les éclaircissements de Michéa.

Si Orwell n’est pas étranger à la sensibilité anarchiste (son engagement dans la guerre d’Espagne, aux côtés des communistes, l’amène à conclure qu’il est finalement proche des anars), c’est cependant un démocrate et un partisan de l’Etat de droit, jugeant son absence impossible, voire indésirable au sein d’une société moderne. En outre, « patriote du fond du cœur », il défend les valeurs nationales, qui pour lui ne sont pas un simple mot, un concept abstrait, mais « la démocratie empirique et sensible, incarnée sous nos yeux dans une nation donnée, qu’il convient donc de savoir reconnaître ». Anarchiste par sensibilité, mais, par raison, rebelle à l’anarchisme !

Le terme de tory nécessite un rapide exposé historique : né au 17ème siècle en Angleterre, ce sobriquet désigne le Parti Conservateur, opposé aux « whigs », parti du « mouvement » – et, à ce titre, favorable au capitalisme libéral de Marché. Les whigs procèdent aux réformes morales nécessaires au développement du capitalisme. De manière à la fois logique et absurde, selon le plan de la réflexion où l’on se situe, la « Gauche » anglaise s’est donc historiquement ralliée à ce mouvement, destructeur des Tories, puisque ceux-ci se voulaient défenseurs d’un ordre social communautaire et hiérarchisé. Toute conservation devant être bannie par la « Gauche », elle s’est donc retrouvée, de fait, dans le même camp que les libéraux, face aux conservateurs. En Angleterre plus qu’ailleurs, il est clair qu’il y a trois camps : la « Gauche », les libéraux, les conservateurs. Et il est clair que la « Gauche » est souvent plus proche des libéraux que des conservateurs.

Pourtant, Orwell est socialiste, et fondamentalement « de Gauche ». Mais il importe de comprendre ici de quelle Gauche il est question, quand on parle l’Orwell.

Orwell insistait énormément sur l’usage précis des mots en politique : il distinguait deux socialismes historiques, qui définissent deux sensibilités bien distinctes :

1 ) Le socialisme populaire de « Gauche constituante » (transcendantale), fondé sur le concept-clé de la pensée d’Orwell, la « common decency », ensemble de valeurs partagées permettant le lien commun et qui font sens, la notion exprimable ou non de ce qui se fait et ne se fait pas, loyauté, amitié, désintéressement, générosité, la haine des privilèges, et plus généralement le don agonistique maussien ;

2 ) Le socialisme de l’ancien courtisan, devenu intellectuel partidaire de la « Gauche constituée » (empirique), « monde d’idées et [de] peu de contact avec la réalité physique ». C’est cette figure de l’intellectuel partidaire de Gauche, dénué de sensibilité morale et de common decency, qui fait pour Orwell le lit du totalitarisme : l’amour du pouvoir détourne d’une société juste, c’est-à-dire libre, égalitaire et décente.

La rupture entre ces deux « Gauche » explique qu’Orwell puisse être à la fois « de Gauche », « anar », et cependant « tory ».

A travers la pensée politique d’Orwell, deux axes majeurs se recoupent, complémentaires, et que Michéa analyse ainsi : dans un premier temps, « le sens de la liberté, et donc du langage » ; dans un second temps « le sens du passé, et donc de la morale ».

Par opposition, l’intellectuel du 20ème siècle, gorgé de ressentiment du fait de son inutilité (le cadre courtisan classique est aboli par le règne de la seule valeur d’échange) cherche à trouver sa légitimité dans les revues littéraires et les partis politiques de gauche, via le militantisme et l’appareil hiérarchisé du Parti. Michéa y rajoute, s’agissant d’aujourd’hui, le monde des associations, qui « peuvent tout aussi bien ne représenter qu’une simple démocratisation de la volonté de puissance et donc une possibilité supplémentaire de parler au nom du peuple et de décider à sa place ». Pratiquant la « langue de bois », dont le Novlangue est l’aboutissement ultime, l’intellectuel partidaire tronque le réel par une manipulation des signes, point commun avec l’altération de la réalité produite par les mécanismes linguistiques et psychologiques des régimes totalitaires – où l’on comprend pourquoi l’intelligentsia, à la recherche perpétuelle d’un maître, est fascinée par ces régimes.

Un fossé est creusé par la corruption du langage dont l’intellectuel partidaire est l’agent conscient : les nantis, coupés du réel, édictent la langue officielle, mais celle-ci perd de son sens – pour Orwell, le sens n’est produit que par le contact avec le réel, d’où l’indispensable rôle des prolétaires dans le maintien d’une langue vivante. Le désordre politique serait donc corrélé au déclin du langage.

Pour pallier cette perte, Orwell préconise la fabrication consciente de mots manquants ou l’activité littéraire, la traduction du monde de la sensation et de la polysémie des mots (the roundabout method). Dans le cas contraire, les conséquences seraient désastreuses et mèneraient à la « canelangue » (duckspeak) : « les bruits appropriés sortent du larynx mais le cerveau n’est pas impliqué, comme il le serait si lui-même devait choisir les mots ». Ainsi, le discours idéologique moderne procède de la logique du Novlangue, réducteur de mots. C’est pour Orwell, nous dit Michéa, le double tranchant d’une langue comme l’anglais : facile à parler, donc facile à pervertir. Une réaction, en somme, est pour l’anarchiste tory indispensable pour protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe.

C’est ici qu’entre en jeu l’axe second de la réflexion politique d’Orwell, sur le sens du passé et donc de la morale. Mal compris, ses romans sembleraient inviter au déracinement, à l’arrachement (il faut souffrir pour être moderne, se moque – à raison – Michéa…), pain béni pour le capitalisme mondialisé. Mais tout au contraire, l’auteur de 1984 (qu’il revendique comme une satire sur le monde souhaité par l’intellectuel partidaire, non comme un livre prophétique et annonciateur) promeut le lien et l’attachement. Toute liberté n’est à ses yeux inscrite et décrite que dans une culture donnée. Attachement aux lieux et aux êtres, fait positif en rupture avec l’existentialisme sartrien, la liberté est, chez Orwell, « une somme de fidélités et d’habitudes composant un univers personnel qu’il s’agit à la fois de protéger et de partager ».

Orwell récuse de ce fait le « sens de l’histoire » de la « gauche établie », et sa métaphysique progressiste qui préconise de s’affranchir de tout attachement au passé, prétendus obstacles à l’émancipation ontologique. La question philosophique centrale d’Orwell est : est-ce que cela me rend moins ou plus humain ? Loin du manichéisme, il opte donc pour une comparaison systématique du présent et du passé pour distinguer ce qui dans la modernité aliène ou émancipe, en déterminant les seuils à ne pas franchir. C’est ici que le sens d’anarchiste tory revêt sa pleine signification, au sens de ce que Michéa nomme très pertinemment un conservatisme critique, synthétisation conceptuelle de la pensée politique de George Orwell.

Sens du langage et sens du passé se complètent donc, comme nous en avons la confirmation en ce début de 21ème siècle. La création de Novlangues spécifiques dans chaque domaine professionnel – en particulier le tertiaire pur, avec son globish abscons et pédant – fait décliner l’intelligence critique. Les « mots couverture » (qui recouvrent d’un même sens plusieurs mots, l’inverse de la polysémie, bref une régression voulue) du Novlangue se généralisent pour des usages politiques. « Conservatisme » est d’ailleurs un des meilleurs exemples, et explique la trahison permanente de la « Gauche partidaire » : ce terme est assimilé à « archaïsme », « Droite », « Ordre établi » ou encore « société d’intolérance et d’exclusion », ainsi que l’énumère Michéa.

A partir de là, il devient aisé de comprendre comment la gauche libérale-libertaire a légitimé la conquête capitaliste depuis la Libération, un processus culminant avec le pendant estudiantin soixante-huitard du triomphe du Marché, instant où le Spectacle fut vendu comme subversif et marginal. Toute common decency doit être détruite, pour cette « Gauche » traître par essence, parce qu’à ses yeux, elle n’est que survivance d’un archaïsme oppresseur à bannir, et d’une morale – supposée bourgeoise – honnie. C’est au nom de grands principes émancipateurs que s’accomplissent les dérives majeures de la sur-modernité. Et dans ce cadre, pour légitimer son maintien, la « Gauche constituée » doit faire croire, plus que jamais, au danger réel des « forces du passé ».

mardi 8 juin 2010

Pourquoi le protectionnisme est-il impensable!?

A partir de l’actualité de ces derniers jours, Frédéric Taddeï interroge quelques penseurs dont Emmanuel Todd, Marcel Gauchet et Luc (Droopy) Ferry. Todd nous réjouit par sa défense d’un protectionnisme continental et pour le rappel de quelques vérités de base : « La baisse du niveau de vie des populations européennes a été organisé par nos gouvernements ».

Emmanuel Todd / Retour au protectionnisme par FrenchCarcan

mardi 4 mai 2010

Pourquoi l’État libéral aime tant la délinquance?


Pour donner une idée de l’univers mental dans lequel pataugent les économistes officiels, on peut se référer à l’exemple élémentaire imaginé par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice dans Les Nouveaux Indicateurs de richesse (La découverte, 2005, p.21) : « Si un pays rétribuait 10% des gens – notent ainsi ces deux auteurs – pour détruire des biens, faire des trous dans les routes, endommager des véhicules, etc., et 10% pour réparer, boucher les trous etc., il aurait le même PIB qu’un pays où ces 20% d’emplois (dont les effets sur le bien-être s’annulent) seraient consacrés à améliorer l’espérance de vie en bonne santé, les niveaux d’éducation et la participation aux activités culturelles et de loisir. » Un tel exemple permet, au passage, de comprendre l’intérêt économique majeur qu’il y a, d’un point de vue libéral (et comme Mandeville est le premier à l’avoir souligné, dès le début du XVIIe siècle), à maintenir un taux de délinquance élevé. Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année, par exemple, ne demande qu’un apport matériel et humain très réduit, et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l’industrie automobile). Mais, de plus, elle n’exige pas d’investissement éducatif particulier (sauf, peut-être, dans les cas de la criminalité informatique), de sorte que la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable, même s’il commence très jeune (il n’y a pas ici, bien sûr, de limite légale au travail des enfants). Naturellement, dans la mesure où cette pratique est assez peu appréciée des classes populaires, sous le prétexte égoïste qu’elles en sont les premières victimes, il est indispensable d’en améliorer l’image, en mettant en place toute une industrie de l’excuse, voire de la légitimation politique. C’est le travail habituellement confié aux rappeurs, aux cinéastes « citoyens » et aux idiots utiles de la sociologie d’État.

Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal

samedi 1 mai 2010

Critique du libéralisme


Qu’est-ce que l’idéologie libérale ?

Alain de Benoist (AdB) commence par préciser que ce n’est pas un corpus unitaire. C’est une école, organisée autour d’une doctrine économique (le marché autorégulateur), dont découle une vision politique adaptée au déploiement de ladite doctrine – et c’est, aussi, une anthropologie de type individualiste.

De quoi l’idéologie libérale est-elle l’adversaire obligée ?

Marché et individu ont en commun leur incompatibilité avec toute forme d’identité collective : le Marché a besoin des individus pour imposer la monnaie comme seul support de l’échange, et seule l’abolition au moins partielle de l’identité collective fabrique l’individu.

Comment cet antagonisme s’est-il constitué historiquement ?

A l’origine est, pour AdB, le christianisme. Il introduit, contre les représentations holistes de l’Antiquité, l’idée du Salut individuel. Au départ, l’homme intérieur chrétien se retire du monde. Mais progressivement, il va le réinvestir, et une représentation ultra-mondaine finira par contaminer les représentations sociales : l’individu est né. Pour reprendre une distinction célèbre : la communauté s’efface devant la société. Dans la foulée, la vision portée sur le monde évolue : de l’abolition des cadres holistes découle l’émergence d’une conception nominaliste potentiellement négatrice du réalisme aristotélicien, et l’individu cartésien proclame sa capacité à poser le sens sur un monde constitué d’êtres singuliers. Le cartésianisme marque le triomphe de l’individualisme jusque dans la conception de l’esprit humain.

Dès lors, l’homme individuel se construit, théoriquement, sans référence à un héritage ou une dynamique collective. L’homme individualiste se pense humain indépendamment de tout processus d’hominisation social. Il en découle mécaniquement que l’individu précédant le social, les droits (de chaque individu) sont censés précéder les devoirs (à l’égard des autres individus). D’où la concurrence des droits, ou si l’on préfère, la guerre de tous contre tous. Toute association est transitoire, utilitaire, et n’est au fond pensable que comme une alliance contre ce qui lui est extérieur. La privatisation du monde commence.

La liberté n’est plus le droit de participer à la vie publique, mais celui de s’en retirer pour défendre ses intérêts propres – et, en premier lieu, ses propriétés. La liberté des libéraux est la liberté de posséder – cela, et cela seul.

Au cœur de l’idéologie libérale, il y a la « recherche du bonheur ». Mais dans ces conditions, de quel bonheur s’agit-il ? Puisque la liberté consiste à défendre ses intérêts propres, le « bonheur » libéral est la liberté de maximiser son propre intérêt. Il ne s’agit plus d’être en accord avec le monde, avec le peuple, avec la Cité : il s’agit de gagner dans la guerre de tous contre tous. Paradoxalement, il en résulte que les sociétés libérales seront à la fois violentes et conformistes : les individus, définis uniquement par la concurrence des intérêts, veulent ce que d’autres individus veulent aussi. La concurrence des désirs mimétiques fait qu’en pratique, le « bonheur » libéral est l’affrontement vide de sens commun.

Toute la théorie libérale se résume donc à une tentative pour rendre possible le maintien des équilibres sociaux que l’affrontement permanent des individus atomisés ne cesse de déstabiliser. Le Marché apparaît ainsi comme le remède à l’individualisme, qui est sa condition. Le libéralisme est un engendrement mutuel marché-individualisme.

Dès lors, comme il faut toujours plus de marché pour toujours plus d’individualisme et toujours plus d’individualisme pour toujours plus de marché, le libéralisme est donc, aussi, une doctrine poussée naturellement à se porter aux excès (d’où le néolibéralisme, qui, rompant avec la tradition libérale authentique, nie que l’Etat soit nécessaire quand le Marché défaille à rétablir les équilibres rompus par la concurrence des individualismes ; d’où, aussi, l’extension indéfinie du domaine régulé par le Marché, jusqu’à saturer toutes les activités humaines).

Cette dérive spontanée du libéralisme, conclut AdB, est porteuse au final d’une aporie mortifère : le Marché devant saturer tout l’espace social, les instances de régulation devant toutes être mises à bas (y compris l’Etat), le néolibéralisme finira par produire une société négatrice du droit de l’individu à définir des finalités hors du Marché. A ce moment-là, le libéralisme, parvenu au bout de sa course, niera sa cause première, l’individualisme, et s’acharnera donc à détruire l’homme tel qu’il l’a lui-même théorisé, c'est-à-dire totalement libre. L’homme du néolibéralisme sera un être abstrait, un idéal devenu inatteignable, pour tous les hommes. La liberté de chacun se sera retournée en négation de la liberté de tous.

Nous y sommes.

mardi 20 avril 2010

Pour en finir avec l’économie-management à l’américaine


Fondateur du groupe Humanisme et gestion et professeur titulaire à l’école des Hautes Études Commerciales de Montréal, Omar Aktouf n’en n’est pas à sa première publication critique sur le thème de la culture du management d’aujourd’hui.
Après La stratégie de l’autruche (Écosociété, 2002), le voilà qui récidive avec Halte au gâchis : En finir avec l’économie-management à l’américaine (Liber, 2008). Selon lui, la crise économique mondiale d’aujourd’hui n’est rien d’autre que le résultat d’un management déficient qui ne carbure qu’au rendement tout en restant aveugle des conséquences néfastes qui en découle.

http://www.publications-universitaires.qc.ca/balado/2009/2009-04-17_Aktouf.mp3

vendredi 9 avril 2010

Syndicalisme contre syndicalisme


"Le syndicalisme et la coopérative socialiste – écrit Mauss – sont les fondements de la société future." Dans l’optique d’un Socialisme décent (expression qui pour Mauss, comme plus tard pour Orwell n’aurait pu être qu’un pléonasme) ces deux formes d’organisation constituent, en effet, deux des lieux privilégiés où les travailleurs, parce qu’ils y trouvent l’occasion de déployer à un niveau supérieur leurs qualités morales originelles, peuvent apprendre "dès maintenant" (autrement dit, sans avoir à attendre que l’Avenir radieux prenne en charge leur rééducation) à rompre méthodiquement avec l’imaginaire utilitariste du monde capitaliste, en mettant en œuvre des formes de lutte et de vie en commun, qui sont déjà entièrement compatibles avec les valeurs de désintéressement, de générosité et d’entraide, qu’implique une société socialiste. De ce point de vue, il est absolument clair que Mauss est demeuré toute sa vie profondément étranger aux conceptions rétrogrades de l’activité syndicale qui allaient rapidement dominer le XXème siècle : d’un côté, la conception léniniste-stalinienne dans laquelle le syndicat sacrifie délibérément l’autonomie des travailleurs pour devenir une simple "courroie de transmission" des ordres de la bureaucratie dirigeante du Parti ; de l’autre la conception – en partie développée sous l’influence des modèles américains, notamment de la puissante A.F.L. – qui fait du syndicat une simple machine utilitariste, destinée à défendre les intérêts prioritaires de ses seuls adhérents dans le cadre d’un système capitaliste que personne ne conteste plus qu’en parole ; conception qui conduit nécessairement à privilégier les stratégies de blocage fondées sur la construction de rapports de force essentiellement techniques et matériels, et qui ne laisse plus, par conséquent, la moindre place, au-delà de la question de la rentabilité immédiate de ces stratégies, à toute interrogation sérieuse sur le sens politique des actions entreprises : cette forme de lutte contribue-t-elle à l’unité des classes populaires ou à leur division ? Sommes-nous sûrs que sous la forme où elle se déroule, elle peut être comprise et soutenue par la majorité du peuple ? Permet-elle de faire progresser les attitudes anticapitalistes de partage et de solidarité ou, au contraire, encourage-t-elle l’égoïsme et le découragement cynique du "chacun pour soi" ? Peut-on même imaginer de nouvelles formes de lutte qui, tout en prenant l’ennemi en otage, pourraient bénéficier aux catégories, dont nous cherchons l’alliance politique (vaut-il mieux, par exemple, acheminer gratuitement le courrier dans les quartiers populaires ou, au contraire, en bloquer la distribution pour les plus démunis) ? Autant de questions, et bien d’autres encore, que le syndicalisme américanisé et ses bureaucraties parvenues, ont balayé depuis longtemps, comme autant d’obstacles inutiles à la cogestion du malheur des opprimés."

(Jean-Claude Michéa, Orwell éducateur, 2009)

mardi 9 mars 2010

Le retour du grand boubou et celui de la question nationale


Depuis la sortie de Lucien Bouchard sur la désormais non-pertinence du projet souverainiste, nous avons eu l'occasion d'entendre les très prévisibles condamnations (ou insultes) provenant du camp nationaliste et des, tout aussi prévisible, propos amusés de la part de nos opportunistes fédéralistes. À entendre les analystes sérieux sur cette affaire, rien de tout ça ne devrait surprendre quand on connaît bien le personnage, d'ailleurs ses multiples sorties tendent à prouver cette affirmation. Souvenons-nous des propos qu'il a tenu sur la fameuse phrase de Jacques Parizeau, en la qualifiant de dérapage xénophobe... plutôt étrange pour soi-disant lucide? Ou encore la plus récente qualification de nouvelle « niche du radicalisme » en parlant du PQ. Cette affirmation fait plutôt sourire sachant que le seul extrémisme qu'il y a au PQ est d'être extrêmement mou et au centre. Mais bref, ces propos s'expliquent facilement, car le personnage est aux antipodes de ce que l'on pourrait appeler un « identitaire » ou un « communautarien », alors son ralliement aux forces nationalistes ne pouvait être que circonstanciel. Et qui plus est, l'homme n'a jamais eu un profil des plus éclatants, car étant d'abord un traître à son premier parti et qui (rappelons-le) s'appelait le « parti progressiste-conservateur » ce qui n'est pas juste un oxymore, mais une arnaque intellectuelle totale, mais là n'est pas la question.  

Mais bon, disons que le personnage à tout pour décevoir le souverainiste identitaire et qu'il faut bien analyser le conservatisme du grand boubou pour bien le comprendre, car celui-ci n'a que très peu à voir avec celui d'un Mathieu Bock-côté au sens qu'il n'est que néolibéral. En somme, un droitard qui aime le fric, la privatisation, le sociétal et la finance et qui déteste les valeurs traditionnelles, le peuple (en tant qu'entité en tout cas) et le social ou bien tout simplement quelqu'un qui mérite le titre de progressiste-conservateur. Bref, Lucien Bouchard est bien le frère de Gérard et ne mérite pas l'attention qu'on lui donne. Malgré cette approche plutôt négative, sa remise en cause du projet souverainiste ne devrait pas être rejetée de revers de la main, mais analysée plus profondément, car elle peut nous en apprendre sur l'évolution de notre société et l'échec du souverainisme tel qu'il a existé depuis les années soixante.  

Notre société postculturel

Ce qui différentie essentiellement notre société d'hier de c'elle d'aujourd'hui, c'est bien la question identitaire, car l'homogénéité d'hier faisait que ce type de question ne se posait absolument pas. C'est pourquoi l'indépendance allait de soit avec la liberté et l'émancipation des gens, car ceux-ci s'identifiant d'abord comme québécois. Donc construire un État québécois revenait à prendre le contrôle de son destin et pouvait ainsi mettre fin aux éternelles batailles de constitution, qui ont d'ailleurs le mérite de démontrer la non-existence d'un potentiel peuple canadien, car toujours imposée non démocratiquement(1). Maintenant, la question de se libérer en tant que peuple est prise à partie avec la focalisation (pour ne pas dire obsession) sur les minorités ethnicoreligieuses depuis la mise en place du multiculturalisme canadien et ensuite québécois. Toute une société est maintenant aliénée de ses leviers d'actions parce que ne voulant pas être suspecté de sectarisme(2). On peut dire sans exagérer, que l'obsession de ne pas brusquer les immigrants, la peur d'être taxé d'extrémisme par nos fédéraleux (ils n'attendent que ça) et de racisme par les ligues de vertus, annihile toute chance d'avoir une quelconque liberté d'action politique. Si le projet souverainiste avait un sens dans les années 60-70 c'est bien parce que nous formions un peuple distinct et c'est pour cela que nous voulions avoir un pays à nous, pas juste pour des questions de péréquation.

S'il est vrai que notre sentiment national a été profondément forgé par les tentatives d'assimilation au néant qu'est l'Amérique du nord britannique, la non-assimilation des immigrants au Québec est par contre la base même de notre situation postculturelle. C'est bien là que l'on voit notre faiblesse en tant que peuple ouvert d'esprits, car la culture(3) a été notre arme de résistance principale face à l'assimilation canadienne, et ceci, depuis le tout début. En instaurant le multiculturalisme(4) dans nos pseudos valeurs québécoises, nous nous sommes condamnés au suicide en tant que peuple, car détruisant notre singularité en nous nous standardisant au diapason de l'occident multiculturel. Alors inutile de dire que la question de l'indépendance perd de sa pertinence si nous sommes comme partout allieurs (et de ce fait comme les canadiens anglais). Pourquoi ajouter des frontières, si l'on a comme objectif de les mettre à bas pour s'ouvrir au merveilleux monde du marché apatride sans couleur ni spécificités, où tous les hommes parlent, consomment et pense de la même façon? Alors, si ce qui est moderne c'est l'individualisme cosmopolite, le progressisme fait mauvaise figure et de ce fait le qualificatif de réactionnaire pourrait devenir une belle qualité dans ce monde en pleine mutation si nous pouvions ravaler cette mauvaise conscience imposée qui ne nous a jamais appartenu. 

La nouvelle question nationale

Au vu de cette évolution de la société, nous nous trouvons en fait derrière le point zéro et donc nous ne devons pas recommencer au début, mais bien avant le début. Notre acquis national, n'étant plus un acquis, la question d'un référendum ou de quelconques projets d'indépendances à court terme ne peut être que de l'ordre du fantasme si nous ne renouvelons pas avec notre esprit de communauté forgé par notre singularité culturo-historique. À moins de croire que l'on peut convaincre plus de 50% des gens avec des arguments d'intérêt personnel (ce auquel je doute fortement). Et même si l'on faisait l'indépendance de cette façon, notre nation ne serait que fictive, car nous nous fonderions dans le mondialisme à l'Américaine aussitôt celle-ci faites.

Le message que j'essaie de faire passer dans ce texte, c'est qu'il nous faut cesser de croire que la seule séparation d'avec le Canada nous apportera l'indépendance, car le monde à changé (et du même coup le nôtre) et le problème de l'indépendance est maintenant global. Le mondialisme néolibéral, qui attaque tous les peuples de l'intérieur et détruit au final toutes nations, ne peut être ainsi balayé du revers de la main pour des questions d'empressements et de facilités. En fait, ce que je veux dire c'est que la révolution aujourd'hui est d'abord identitaire avant d'être national (au sens institutionnel), car une nation sans identité n'est qu'une coquille vide et, de ce fait, sans intérêt, pouvoir et indépendance. Alors, sans oublier l'objectif final qu'est l'indépendance nationale, au lieu de faire du surplace et s'embourber comme nous le faisons depuis trop longtemps avec des moyens désuets, réfléchissons à notre place en tant que peuple sur Terre pour pouvoir penser en nation plus qu'en province.   

Benedikt arden

  1. C’est le problème fondamental du fédéralisme multinational, qui ne peut instaurer de base commune que par la voie de la technocratie libérale, les peuples ayant des volontés généralement distinctes dues à leurs singularités historiques.
  2. Diviser pour mieux régner est un beau proverbe pour les despotes, mais dans le cas d’une société démocratique l’unification est la seule façon d’avancer, alors la singularité identitaire devient le seul creuset possible pouvant transcender les divisions idéologiques et les divergences d'intérêts.
  3. La religion étant inclues dans le terme de culture.
  4. Ici je définis le multiculturalisme comme la vision d’un peuple sans culture commune. En fait, c’est l’exacte définition moins le baratin.

vendredi 19 février 2010

Impasse Adam Smith


Ce sont, par conséquent, les exigences mêmes d’un combat cohérent contre l’utopie libérale et la société de classes renforcée qu’elle engendre inévitablement qui rendent à présent politiquement nécessaire une rupture radicale avec l’imaginaire intellectuel de la Gauche. Je comprends parfaitement que l’idée d’une telle rupture pose à beaucoup, de graves problèmes psychologiques, car la Gauche, depuis le XlXe siècle, a surtout fonctionné comme une religion de remplacement (la religion du "Progrès") ; et l’on sait bien que routes les religions ont pour fonction première de conférer à leurs fidèles une identité, et de leur garantir la paix avec eux-mêmes. J’imagine même sans difficulté que de nombreux lecteurs tiendront cette manière d’opposer radicalement le projet philosophique du Socialisme originel et les différents programmes de la Gauche et de l’Extrême Gauche existantes, pour un paradoxe inutile, voire pour une provocation aberrante et dangereuse, de nature à faire le jeu de tous les ennemis du genre humain. J’estime, au contraire, que cette manière de voir est la seule qui donne un sens logique au cycle d’échecs et de délaites historiques à répétition, qui a marqué le siècle écoulé ; et dont, visiblement, la compréhension demeure obscure pour beaucoup, dans l’étrange situation qui est aujourd’hui la nôtre. De toute façon, c’est à peu près la seule possibilité non explorée qui nous reste, si nous voulons réellement aider l’humanité à sortir, pendant qu’il en est encore temps, de l’impasse Adam Smith.

Jean-Claude Michéa, agrégé de philosophie, enseigne à Montpellier : Il est l’auteur de L’Enseignement de l’ignorance.

vendredi 22 janvier 2010

Pourquoi est-ce impossible de dépasser le capitalisme par la gauche?


La Gauche est le fruit d'un "compromis historique particulièrement instable entre le socialisme ouvrier et le camp républicain, c'est-à-dire les héritiers de la philosophie des Lumières", négocié au moment de l'affaire Dreyfus. L'idéologie du camp républicain est le progressisme : son unique ennemi est "l'Ancien régime", c'est-à-dire tout ce qui, selon les républicains, s'oppose "aux effets nécessairement émancipateurs du Progrès scientifique, industriel et moral" (la monarchie, l'Eglise, la propriété foncière). C'est le "Parti du Progrès, du Savoir et de la Raison" (Jean Glavany, ministre de l'Agriculture sous Jospin). Le socialisme quant à lui, est une"création populaire", né en réaction aux "modes d'existence dégradée imposés par la modernisation industrielle". Partisan de l'idée moderne "d'égalité universelle", le socialisme ouvrier s'oppose aussi aux "hiérarchies sociales d'Ancien régime" mais il s'est surtout construit dans le rejet radical de la modernité capitaliste naissante au 19ème siècle. La gauche, c'est l'alliance dans la vie politique de deux mouvements intellectuels encore bien séparés l'un de l'autre jusqu'au 20ème siècle, le progressisme et le socialisme.
On comprend pourquoi cette alliance pratique est un compromis si instable : alors que le républicanisme est une création idéologique, abstraite, créée ex nihilo par des philosophes et des penseurs politiques, le socialisme est d'abord une réaction populaire, ouvrière aux "effets déshumanisants du libéralisme industriel" dont le pire est sans doute la disparition des "formes d'existence communautaire qui constituaient l'horizon indépassable de toute vie humaine digne de ce nom". Ce compromis historique a explosé quand les derniers vestiges de la hiérarchie sociale d'Ancien régime ont disparu à la Libération (poussée de la bourgeoisie libérale, noblesse morte dans les tranchées, perte d’influence de l’Eglise, etc.) et quand la critique radicale du capitalisme a été abandonnée (au profit d’une critique gentiment réformatrice mais plus du tout révolutionnaire). Alors, tout ce qui resta de la gauche, c'est sa philosophie progressiste : débarrassée de l'obligation morale de défendre les travailleurs (imposée par le socialisme ouvrier) et orpheline de son ennemi historique (l'Ancien régime), la gauche est devenue "une simple machine politique destinée à justifier, au nom du Progrès et de la modernisation, toutes les fuites en avant" du capitalisme. Par conséquent, la gauche, alliée du capitalisme libéral, est non seulement incapable de s'opposer efficacement à ce dernier mais elle est devenue sa caution morale. Pour donner une définition rapide et commode de cette alliance, Serge July, rédacteur en chef de Libération, a inventé en 1973 le terme "libéralisme-libertaire".
Cela explique l'incohérence de la gauche et de l'extrême-gauche à se dire anti-libérales. Car elles ne le sont que sur un plan économique (et encore, avec beaucoup de timidité puisqu’elles applaudissent la mondialisation quand celle-ci casse les frontières). Et elles sont "ultra-libérales" sur le plan culturel et sociétal, c'est-à-dire partisanes d'une libéralisation totale des mœurs et des comportements autrefois considérés comme déviants (le libertinage sexuel, la drogue, etc.). Pour résoudre cette contradiction, la gauche a donc développé la légende selon laquelle le "système capitaliste constituerait dans son essence même un ordre autoritaire, conservateur et patriarcal dont l'Eglise, l'Armée et la famille sont les piliers fondamentaux". Alors, il devient cohérent d'être à la fois anti-libéral sur le plan économique et libéral sur le plan culturel puisque le capitalisme, selon la légende, est économiquement libéral et moralement conservateur. Par conséquent, la gauche se ment à elle-même et devient l'idiote utile du capitalisme.
Et la droite dans tout ça ? "L'homme moderne dit de droite a tendance à défendre la cause (l'économie de concurrence absolue) mais a encore beaucoup de mal à admettre la conséquence (le Pacs, la délinquance, la Fête de la Musique et Paris-Plage) tandis que l'homme moderne de gauche a tendance à opérer les choix contraires". Tout est dit !

jeudi 14 janvier 2010

Contre-enquête sur la désinformation massive

En avril 2008, Canal+ diffusait un reportage de Stéphane Malterre dans le cadre de l’émission Jeudi Investigation, sur le thème « Rumeur, intox : les nouvelles guerres de l’info ». Voici un démontage en règle de la désinformation véhiculée par ce reportage. Passionnant et édifiant.

"Jeudi Investigation: Un Jeudi Noir de... par ReOpen911

mercredi 13 janvier 2010

Entretien avec Michea sur Orwell


Orwell est en quelquesorte le père de la pensée antitotalitaire. Maintenant que l’antitotalitarisme est hégémonique et que, conjugué avec le règne sans partage du marché, il prétend accoucher de la fin de l’Histoire, n’est-il pas dépassé par ses idées devenues folles ? Autrement dit, Orwell n’est-il pas un penseur pour le XXe siècle ?
JC Michéa : Je ne partage pas du tout votre optimisme en ce qui concerne l’antitotalitarisme. En réalité, ce qui est devenu hégémonique, depuis le promotion médiatique des "nouveaux philosophes", c’est essentiellement l’usage libéral du concept de totalitarisme. Soit en d’autres termes, une version extrêmement appauvrie de la vieille doctrine "des droits de l’homme" (généralement réduite, pour les besoins de la cause, à l’improbable "lutte citoyenne" contre "toutes formes de discrimination") qui, en suggérant une image convenue de "l’empire du mal", a surtout servi à légitimer le repli massif du clergé intellectuel sur les dogmes fondateurs de l’"empire du moindre mal", politique et culturel. Or, ce qu’Orwell s’efforçait de saisir sous le terme alors naissant de "totalitarisme est autrement plus original et profond- on ne devrait d’ailleurs jamais oublier que ses théorisations n’ont pas été dans le tour d’ivoire d’un campus universitaire mais bel et bien à l’épreuve du feu, c’est à dire à partir de l’expérience directe, dans le Barcelone de 1937, du stalinisme réellement existant et de la terrible chasse à l’homme dont lui-même et ses camarades du Poum ont fait l’objet dès leur retour du front d’Aragon.
Au-delà des mécanismes classiques de la terreur policière, il a en effet très vite compris qu’aucune organisation totalitaire ne pourrait durablement fonctionner sans le développement d’un nouveau type d’"intellectuels" ( il incluait sous ce nom, à la suite de James Burnham, tout ceux qui sont préposés à l’encadrement technique, managérial, et culturel du capitalisme avancé) et de sa pratique spécifique : l’idéologie. Non pas au sens marxiste du terme (un discours qui rationalise inconsciemment des intérêts de classe) et encore moins au sens libéral (toute espèce de conviction morale ou philosophique visant à exercer ses effets au-delà de la sphère privée). Mais au sens d’un régime mental inédit (du moins à cette échelle), plongeant ses racines das l’amour du pouvoir, et de nature à induire les zélés pratiquants une anesthésie générale du sens moral.
La victoire de l’idéologie serait donc la défaite de l’éthique ?
Pas seulement de l’éthique. Pour Orwell, cette insensibilité morale à d’autres conséquences : d’une part un aveuglement stupéfiant à la réalité ("il ment comme un témoin oculaire", aimaient à plaisanter les Soviétiques), de l’autre, la perte de tout sens esthétique et de tout sentiment de la langue écrite et parlée. Si la "LTI" de Victor Klemperer représente de ce point de vue, le penchant national-socialiste du "duckspeak" stalinien, il est cependant intéressant de notre qu’Orwell décelait certains prémices de cette corruption moderne du langage dans le jargon des "experts" et des journalistes de son époque. Or non seulement, comme chacun peut le constater, ce nouveau type humain à survécu sans dommage à la Chute du Mur de Berlin, mais il devrait être évident, à l’ère du "politiquement correct", de la consommation dirigée et du nouveau "management" capitaliste, qu’il se porte comme un charme, au point d’avoir été cloné de façon industrielle. C’est là, du reste, un phénomène qu’Orwell avait clairement anticipé : "D’après tout ce que je sais, écrivait-il ainsi en 1945, il se peut que, lorsque La Ferme des Animaux sera publiée, mon jugement sur l’Union Soviétique soit devenu l’opinion généralement admise. Mais à cela servirait-il ? Le remplacement d’une orthodoxie par une autre n’est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment."
Etes-vous si sûr que l’orthodoxie antitotalitaire d’aujourd’hui ne constitue nullement un progrès par rapport à celle d’hier ?
Il faudrait, encore une fois, s’interroger sur la solidité réelle de cette supposée "hégémonie" du discours "antitotalitaire". Si l’analyse d’Orwell est juste, il est tout à fait possible, au contraire, que le retour inévitable (selon la loi des cycles idéologiques) d’un certain degré de critique anticapitaliste s’accompagne de nouveau d’une remise en question du concept de "totalitarisme", - conformément au principe particulièrement stupide que veut que les ennemis de nos ennemis soient nécessairement nos amis ( l’"islamophobie" pourrait, dans cette hypothèse, constituer l’un des substituts les plus présentables du vieil "antisoviétisme primaire"). Si tel était cas, il faudrait alors conclure que nos élites intellectuelles_ à l’image de ces émigrés retrouvant leurs privilèges après la chute de l’Empire- n’auraient rien appris ni rien oublié. Tel est souvent le prix à payer- remarquait d’ailleurs Orwell- pour le rêve d’une société "dans laquelle ce serait enfi l’intellectuel qui tiendrait le fouet".
Je ne voudrais pas vous peiner, mais Orwell ne nous apprend-il pas qu’il faut préférer le moindre mal au mal tout court, comme le montre son patriotisme résolu pendant la guerre ?
Vers la fin de sa vie, Orwell a effectivement écrit dans l’un de ses carnets d’hôpital, qu’en politique "il ne s’agit jamais que de choisir le moindre des deux maux". Mais c’est uniquement parce qu’il faisait alors allusion à son positionnement personnel durant la Seconde Guerre mondiale, et donc à ces situations historiques extrêmes "auxquelles on ne peut trouver d’issue qu’en se comportant en forcené ou en dément", -tout en ajoutant que, même dans de telles situations, "il faut réussir à maintenir inviolée une par de soi-même". On est donc très loin du discours tenu par les libéraux. Pour ces derniers, en effet, ce qui a toujours fondé leur appel à une politique du moindre mal, ce n’est pas tant l’existence toujours possible de tels situations historiques (et l’époque des guerres civiles de religion en était assurément une), c’est plus fondamentalement, la nature même de l’homme, dont il faudrait toujours attendre le pire, pour peu qu’il refuse d’écouter la seule voix de son intérêt bien compris. Une telle hypopthèse métaphysique est évidemment aux antipodes des idées d’Orwell sur la "décence" naturelle des travailleurs et des simples gens, telle qu’il l’avait découverte à Wigan et sur le front espagnol.
Le péché philosophique originel des libéraux c’est, en somme, d’avoir transformé en vérité anthropologique universelle ce qui n’était éventuellement que la vérité provisoire d’une situation particulière ; oubliant du même coup que, si l’homme est de toute évidence capable du pire, il est tout autant capable du meilleur, dès lors que les circonstances et le contexte ne s’y opposent pas radicalement. Et le socialisme d’Orwell (la "société décente") reposait justement sur cette conviction profonde qu’il était encore possible d’édifier un contexte politique, social et culturel d’encourager en permanence les individus à donner, autant qu’il est possible, le meilleur d’eux-mêmes. On peut certes trouver utopique une telle société. Mais il n’y aurait aucun sens à présenter celle-ci comme un "moindre mal".
Orwell établit une distinction entre la gauche et le socialisme. Et vous avez fort bien montré comment la gauche, par sa naissance même comme partu du mouvement, était logiquement devenue la meilleure alliée du capitalisme (ce qui signifie d’ailleurs qu’il n’y a plus de grande différence entre elle et la droite et que donc ces catégories ne sont guère utiles). Etes-vous, avec Orwell, le défenseur d’une gauche non moderne ou d’un socialisme conservateur, bref d’un anarchisme tory ? Ne sont-ce pas des oxymores ?
Ce ne sont que des oxymores qu’à l’intérieur du dispositif idéologique légué par les courants dominants de la philosophie des Lumières (il faut donc en exclure cette tradition du républicanisme "néoromain" dont Orwell- Bernard Crick l’a souligné-était souvent assez proche). Pour les élites intellectuelles du XVIIIe siècle, en effet, il s’agissait avant tout de tracer une ligne de démarcation infranchissable entre les partisans du "Progrès" et de la "Raison" (ce que l’on appellerait bientôt la "Modernité") et les tenants d’un passé ténébreux, que les progressistes les plus radicaux assimilaient en bloc à l’absurde système "féodal" et à son cortège de superstitions populaires, de coutumes ridicules et de préjugés inacceptables. L’ambiguïté d’un tel dispositif- dans lequel Engels voyait le "règne idéalisé de la bourgeoisie"- saute immédiatement aux yeux. D’une part, il a conduit à ancrer le libéralisme- moteur principal de la philosophie des Lumières- dans le camp des "forces de progrès" (on sait d’ailleurs que Constant, Bastiat et Tocqueville siégeaient à gauche, voire à l’extrême gauche du Parlement). De l’autre, il a contribué à rendre d’avance illisible la critique socialiste originelle, puisque celle-ci allait précisément naître d’une révolte contre l’inhumanité de l’industrialisation libérale et l’injustice de son droit abstrait. Ce qui explique au passage, qu’un Marx- à la différence d’une Marie-George Buffet ou d’un Olivier Besancenot- n’aurait jamais songé à se revendiquer de la gauche : comme la plupart des socialistes de son temps, il défendait encore la précieuse indépendance du mouvement des travailleurs, tant à l’égard de la droite monarchiste qu’à celui de la gauche libérale, quitte à appuyer parfois cette dernière pour des raisons purement tactiques et provisoires.
Y’aurait-il des accointances entre la révolution (le socialisme ?) et la réaction ?
Oui, si l’on tient aux schèmes idéologiques introduits par la "nouvelle philosophie". Mais cette atopie singulière du socialisme naissant ne signifie évidemment pas que ses partisans entendaient revenir au monde d’avant la Révolution. Ce qui est sûr, en revanche, c’est ce que leur dénonciation de ce dernier était infiniment plus subtile que celle des idéologues de gauche. Dans leurs critiques de l’Ancien Régime, ils prenaient en effet toujours soin de distinguer ce qui relevait du principe hiérarchique (un socialiste est par définition hostile à toute forme d’oligarchie, quand bien même elle se fonderait sur la prétention de certains à être "plus égaux que les autres") et ce qui relevait du principe "communautaire" (la Gemeinwesen de Marx) et de ses conditions morales et culturelles : un socialiste s’oppose par essence à ce qu’Engels appelait la "désagrégration de l’humanité en monades dont chacune a un principe de vie particulier". Pour les premiers socialistes il était donc clair dans laquelle les individus n’auraient plus rien d’autre en commun que leur aptitude rationnelle à conclure les marchés intéressés ne pouvait pas constituer une communauté digne de ce nom- on remarquera, au passage, que la gauche contemporaine aurait presque fini par nous faire oublier l’étymologie même des mots de "communisme" et "socialisme".
Tout cela, naturellement, Orwell le sentait et le vivait de façon viscérale. Et c’est avant tout cet aspect du "passé" (celui qui fonde, en définitive, une grande partie du sens et du charme de l’existence humaine) qu’il désirait protéger et développer, jusqu’à en faire l’horizon nécessaire- ce n’est qu’un paradoxe apparent- de toute vie privée réussie. Et quitte, selon son habitude, à multiplier les provocations philosophiques destinées à éveiller les intellectuels de gauche de leur éternel sommeil dogmatique. C’est ainsi par exemple, qu’il confia un jour que, " ce dont avait besoin l’Angleterre, c’était de suivre le genre de politique prônée par le G.K’s Weekly de Chesterton : une forme d’anticapitalisme et de joyeuse Angleterre agraire et médiévale". C’est à coup sûr dans ce cadre précis qu’il convient d’interpréter sa dernière volonté d’être inhumé selon le rite anglican. Il ne croyait évidemment pas en Dieu, mais il n’en pensait pas moins que "le véritable problème était de trouver un moyen de restaurer l’attitude religieuse, tout en considérant que la mort est définitive". Non qu’à ses yeux le sens moral trouve son fondement réel dans la religion, mais simplement parce qu’il était convaincu- et bien des révoltes populaires lui donnent raison sur ce point- que la religion pouvait aussi fonctionner, à l’occasion, comme l’un des habillages culturels les plus efficaces de la common decency.
D’accord chez Orwell, l’expérience existentielle précède et domine l’élaboration théorique. Il ne part pas des idées mais des individus concrets et de leurs vies concrètes pour penser le monde commun. Mais justement, la common decency est une disposition personnelle plus qu’une construction collective. Le pari sur la persistance de cette disposition n’est-il pas un peu hasardeux- peut-être vivons-nous une mutation anthropologique qui consacrerait la victoire de l’individu rationnel des libéraux sur l’homme décent d’Orwell ? Est-il raisonnable aujourd’hui, aujourd’hui, de prétendre édifier la maison commune sur une moralité partagée ?
Orwell est incontestablement un moraliste, si l’on entend par ce mot celui qui- à l’image d’un Spinoza ou d’un Nietzsche- s’efforce en permanence de chercher l’homme derrière l’idée. Pour lui aucune société matérialiste n’était envisageable sans cette personnelle d’implication du sujet dans ses actes qui est le principe ultime de toute décence et de toute honnêteté intellectuelle ; et il est certain qu’au XXe siècle, peu d’intellectuels auront autant payé de leur personne pour essayer d’accorder leur vie à leurs idées (de là l’admiration que lui vouait, par exemple, un Henry Miller, pourtant si éloigné de ses convictions socialistes). Cette exigence morale est le fondement le plus stable du double combat qu’il a conduit en permanence contre l’indifferentisme moral des libéraux et contre "l’esprit réduit à l’état de gramophone" qui caractérise les intellectuels totalitaires. Cependant, il convient d’ajouter que la common decency - condition première de toute révolte authentique- ne représentait pour Orwell que le point de départ nécessaire d’une politique socialiste. Il faut certes "s’appuyer sur elle", écrivait-il, mais aussi et surtout lui assurer "un développement infini" sous peine de se retrouver piéger, d’une manière ou d’une autre, dans l’autre, dans l’univers délétère du "communautarisme" et du nationalisme. Rappelons qu’Orwell, à la différence des intellectuels de gauche d’aujourd’hui, savait parfaitement distinguer ce dernier de l’attachement ce dernier de l’attachement à son pays natal et du dévouement patriotique. Ce qui est ici en jeu, c’est donc une fois de plus l’éternelle dialectique du particulier et de l’universel : en ce sens, toute théorisation socialiste doit quelquechose à Engels, même si Orwell, en bon anglais, manifestait une solide indifférence pour l’oeuvre de celui-ci.
En somme, la cité d’Orwell se construit non pas sur l’ablation des singularités concrètes mais à partir d’elles ?
C’est non seulement l’idée-clé de toute sa politique, mais c’est aussi, selon moi, ce qui en fait toujours l’intérêt et la force. Comme le prouve, en effet, l’expérience de toutes grandes révoltes populaires (mais aussi bien l’histoire de l’art), c’est toujours à partir d’une tradition culturelle particulière qu’il apparait possible d’accéder à des valeurs véritablement universelles, c’est à dire à des valeurs susceptibles de parler à tous. Celles-ci ne peuvent jamais constituer un point de départ acquis d’avance, et dont la condition première serait la ruine de tous les enracinements particuliers- un peu comme si, par exemple, l’amour des langues étrangères ne pouvait surgir que de l’indifférence au génie de la sienne propre. Elles se présentent toujours, au contraire, comme l’aboutissement d’un dur labeur historique- nourri, entre autres, de l’expérience des situations affrontées en commun- et qui doit finir par dégager tout ce qui, à l’intérieur d’une tradition culturelle donnée, se révèle effectivement universalisable, et donc d’être repris (moyennant un travail complexe de traduction) dans la culture universelle de l’humanité. Il ne fait aucun doute qu’Orwell aurait beaucoup apprécié la définition de l’écrivain portugais Miguel Torga : "L’universel, c’est la local moins les murs". Aux antipodes des catéchismes modernes, elle permet en effet de distinguer une fois pour toute l’humanisme véritable ( horizon de tout projet socialiste) de cette présente uniformisation touristique et marchande de la planète pour laquelle Orwell éprouvait à juste titre une sainte horreur.
Dans le fond, aspire à une société d’adultes capables d’intégrer à leurs désirs l’existence de l’autre et d’accepter des limites. Il semble qu’ajourd’hui la plupart des gens souhaitent au contraire jouir d’une enfance éternelle. Si Orwell a quelquechose à dire, reste-il quelqu’un pour l’entendre ?
Il est assez facile de faire tenir ensemble la dénonciation orwellienne de l’égoisme libéral et ces appels réitérés à une vie adulte et responsable (ces appels l’avaient d’ailleurs conduit à réviser en partie son jugement sur Kipling). " Dans leur grande masse, écrivait-il, les hommes ne sont pas à proprement parler égoiste. Arrivés à l’âge de 30 ans ils abandonnent leurs ambitions personnelles essentiellement pour les autres". Cette observation pertinente ( quoiqu’on pense de l’âge retenu) invite à conclure qu’égoisme et immaturité vont necessairement de pair, que le premier n’a rien de naturel- contrairement à ce qu’imagine les libéraux- et que chez un adulte il ne représente généralement que le solde non-réglé d’une histoire d’enfance. Une telle conviction explique sans doute qu’on ne trouve aucune trace chez Orwell d’un quelconque culte politique de la jeunesse en tant que tel ( à travers l’exemple de la "Ligue antisexe", dans 1984, il souligne même le rôle sinistre qu’elle a pu jouer dans l’embrigadement totalitaire). Mais elle a en outre l’avantage d’éclairer un aspect majeur du développement des sociétés capitalistes contemporaines. En présentant comme une construction "idéologique" arbitraire toute référence à une autorité symbolique- c’est à dire tout montage normatif qui ne serait pas celui du marché ou du droit- , les libéraux ont en effet ouvert la voie à une bien étrange confusion : celle qui tend désormais à assimiler toute défense de la fonction paternelle à une simple réhabilitation masquée de la vieille domination masculine et patriarcale ( effectivement incompatible avec l’idée d’égalité).
Or il demeure toujours vrai que l’éducation d’un être humain suppose nécessairement l’intervention d’un "tiers" (quelquesoit le sujet appelé à occuper cette place) dont le rôle symbolique est de permettre cette prise de distance vitale avec la mère sans laquelle aucun sujet humain ne pourrait "grandir" ni donc accéder à l’autonomie véritable et à la maturité. En invitant à jeter le "père" avec l’eau du bain, l’idéologie libérale (comme l’éducation qu’il lui est associée) a donc certainement remporté l’une de ses victoires politiques les plus éclatantes- et l’on sait, malheureusement, le rôle décisif que la culture de gauche a joué dans cette victoire. Elle a en effet rendu plausible, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’avènement d’un monde dans lequel - la volonté de toute-puissance infantile n’ayant pu rencontrer ses limites indispensables- la maturité serait enfin devenue l’idéal inaccessible (et, du reste, privé de sens) et l’égoisme, la loi du grand nombre y compris après 30 ans. L’avènement d’un monde, en d’autres termes, dans lequel le capitalisme se trouverait théoriquement en mesure de reproduire à l’infini (mais à quel prix ?) le nouveau type anthropologique- un narcisse égoiste dominé par sa volonté de puissance qui est la clé ultime de tous ces montages métaphysiques.
Certes, nous sommes encore assurément très loin d’un tel monde, à supposer même qu’il puisse tout simplement fonctionner. Mais, s’il est vrai, comme l’écrivait George Trow, que, " lorsqu’il n’y a plus d’adultes, commence le règne des experts", il existe déjà suffisamment de signes pour laisser présager qu’une mutation aussi inquiétante est bel et bien en cours dans l’un de ses rares accès de pessimisme (c’était, il est vrai, en 1939), Orwell avait écrit qu’il se pourrait un jour " qu’on créé une race d’hommes n’aspirant pas à la liberté, comme on pourrait créer une race de vache sans cornes". Souhaitons que, pour une fois au moins, il se soit vraiment trompé.

vendredi 8 janvier 2010

Mais pour qui se prennent-ils ?


Je sais bien que le sujet n'est plus vraiment d'actualité, mais vacances obligent, j'ai à me rattraper sur certains sujets qui ont encore le potentiel de valoir un petit coup de gueule. Hey oui ! Ces fameux minarets qui, j'en suis sur, étaient encore une chose inconnue pour une grande majorité de gens avant ce fameux vote, ont fait la joie des antidémocrates de gauche comme de droite, car votés par référendum. Bien sûr, cette votation n'est pas fondamentale sur le fond, en plus d'être une manoeuvre évidemment politicienne, mais au moins a-t-elle toujours le mérite de faire sortir le chat du chapeau chez les chantres de la tolé-rance toujours plus démocrate que les référendums eux-mêmes. Que d'inepties avons-nous entendu le lendemain de ce vote évidemment non démocratique : « Les xénophobes majoritaires », « le vote de la haine » ou mieux encore, le fameux argument sur la tyrannie de la majorité (sic). Ces curés des temps modernes, tout en pleurant sur la misère des pauvres musulmans ne pouvant plus construire de châteaux à la gloire d'Allah sur nos terres, nous servent un autre « plus jamais ça ! », histoire de toujours se référer au classique et de faire savoir que la moralité n'est pas celle de la majorité, mais bien la leur (démocrate authentique oblige).  

Mais bon, que dire du droit au minaret excepté que ce n'est que du colonialisme arabe déguisé en droit de culte ? Hey oui, il semble que l'appel à la grande messe arabe ne soit pas nécessaire au culte en plus de ne pas être très laïc (se faire crier la prière dans la rue n'est pas très privé). Mais alors, pourquoi se répandre en larme avec cette pseudo lois anti-droit-de-l'hommiste? À part le fait de vouloir être colonisé par la culture arabe (ce qui n'est évidemment pas le cas), cela peut sembler assez étrange venant de cosmopolites élites vomissant plus qu'autrement les moeurs musulmanes (comme toutes autres d'ailleurs). Mais quand on prend un peu de recule et que l'on réfléchit de manière plus pragmatique qu'idéologique la réponse devient plus claire et explique les ambivalentes positions de ces mêmes élites asymétriquement laïques. La culture n'étant pour eux réduite à l'art froid et prétentieux des styles thrashs, postmodernes et métissés (du n'importe quoi, original que par le mixte), l'art traditionnel se voit donc renvoyé au banc d'ethnocentrisme si ce n'est pas de xénophobe, car s'appuyant sur le passé. Ce type d'art (culture) est, vous l'avez compris, à l'antipode des arts oedipiens contemporains, qui n'existent que par le biais de la destruction du passé et du métissage du présent. Mais qu'elle est le rapport entre l'art et les minarets ? Bien, il me semble que si la culture et l'art s'incarnent bien quelque part, c'est bien dans l'architecture. Et là nous voyons clairement que c'est par une incarnation esthétique de leur idéologie que les chantres de la tolérance se battront pour les minarets ici et probablement se battraient pour des cathédrales à Istanbul s'ils en avaient l'occasion. En fait, c'est à grand coup d'immeubles néomoderne et de contrastes culturels qu'ils veulent construire notre futur. Finalement, la protection des droits leur est d'un bien grand secours pour encourager les musulmans au prosélytisme culturel, car façonnant de cette façon le métissage visuel de nos sociétés. L'idée n'est en aucuns points de protéger les droits des gens à conserver leur culture (les immigrants), car ce droit est celui même (des autochtones) qui est remis en cause depuis le vote suisse.

Évidemment, après avoir rappelé ces petits détails, le relativisme culturel devrait faire son entrée. À celui-ci je dirai tout simplement que pour que l'art devienne culture, il doit d'abord se concentrer, s'homgéniser, pour pouvoir exceller et qu'ensuite il puisse perdurer pour finalement s'incarner en culture. L'art d'un seul homme, aussi nombreux est-il, ne peut être considéré comme « La culture » du peuple, car « La culture » est (à l'instar de la philosophie et de la science) une continuité qui s'appuie sur le bon du passé pour pouvoir s'incarner en futur. Cette continuité est cher au peuple, car émanant et appartenant à un peu tout le monde et devient ainsi un coagulant social qui nous permet d'accéder à une solidarité nationale réellement naturelle. Alors, il est plutôt normal que ceux-ci veuillent la protéger, particulièrement quand il en a l'occasion par l'entremise d'un vote référendaire.
Je ne ferai pas de longs discours sur l'art et la culture dans ce petit édito, car cela m'amènerait beaucoup trop loin de l'essentiel : la nouvellement classique remise en cause de la démocratie. Sérieusement, pour qui se prennent-ils pour juger de la morale des gens !? Sont-ils tellement moraux que leurs voix devraient valoir plus que celle des autres, eux qui nous font constamment le même reproche quand on essai de protéger notre culture ? Est-ce qu'ils auraient oublié que le principe primordial de la démocratie est qu'elle n'est pas morale, mais juste (1) ? Mais bref, il semble que la vraie démocratie devienne de plus en plus du populisme aux yeux de la haute classe qui croient voir venir la fin de l'Histoire. Mais vous savez, la fin de l'Histoire n'est certes pas près d'arriver, car il y aura toujours des tyrans à combattre, des tyrans qui voudront asservir et dominer la masse à leur vision du monde, car leur dogmatisme idéologique les auront amenés à perdent toute notion de justice et donc, de moralité.

Benedikt Arden


1- Je sais bien que je suis plus du genre prôner que le bien précède le juste, mais comme je crois au bon sens des gens, le juste nous amène généralement au bien par l'entremise d'un vote juste.

lundi 28 décembre 2009

Une société de libertinage... ou d'esclavage?


Désormais, plus personne ne peut nier que si l'économie intérieure de nos pays est toujours existante, c'est bien que par le biais de la consommation et que la seule production dont ils peuvent encore se vanter d'être les numéros 1 est bien entendu la production de déchets. Depuis les grands jours de la mondialisation heureuse, les intérêts économiques et commerciaux ont fait que toutes les productions consommées ici sont majoritairement faites dans ce que l'on pourrait appeler l'atelier du monde (tiers-monde, chine, etc.) et cela évidemment pour le plus grand bonheur des consommateurs insatiables que nous sommes ainsi que pour le plus grand malheur de ceux qui croyaient avoir trouvé «dans les métiers concrets» un bon gagne pain. Malheur aux uns et bonheur aux autres! Fallait bien être sot pour croire que l'avenir n'était pas dans un puéril travail de bureau à vendre du virtuel. Mais bref, étant donné que la production a laissé place au secteur tertiaire, et plus précisément à l'industrie du service, le travail des uns nécessite l'obligation du service à l'autre (au sens uniquement mercantile bien sûr). Cette nouvelle problématique, qui est de devoir rendre service si l'on veut vivre, amène un problème tout nouveau dans l'accroissement du marché et celui-ci se résume vulgairement comme suit: «il nous faut plus d'incapables(1) pleins de fric et moins de gens indépendants et pauvres».
La solution à ce problème allait de soit et ne fut pas très difficile à trouver, car elle est apparue tout naturellement au travers de la doctrine libérale. Auparavant, le bonheur se situait essentiellement dans trois sphères de la vie(2), soit un travail socialement valorisant, de l'actualisation communautaire et de l'épanouissement spirituel. Avec l'avènement de l'individualisme, de la concentration urbaine et des révolutions libertaires, les choses sont devenues radicalement différentes. Les gens n'ont plus rien à attendre de leurs voisins, ils n'ont plus à respecter qui que ce soit (rebellitude oblige), ils peuvent aussi jouir de l'étrange sentiment qui est de croire que l'on ne doit rien à personne (encore moins à la société) et que tout leur est dû (leurs fameux droits innés diront certains). Et pour la spiritualité, inutile de dire que nous sommes beaucoup plus dans un grand supermarché, où l'on prend un peu partout ce qui fait notre affaire, que dans un contexte de devoir moral et de croyances, et ce, quand on ne dit tout simplement pas la grotesque formule «je ne crois en rien d'autre qu'en moi-même». Tout pour dire que les seules motivations qui prévalent dans notre société postmoderne sont aujourd'hui l'oisiveté, la jouissance, la luxure et autres idéals malsains découlant de la volonté de nos pulsions. Aujourd'hui, contre vents et marée, notre bienveillante société libertaire nous offre ce bonheur interdit, ce fameux rêve consumériste auquel seules les débiles pourraient dénier toutes les vertus. Mais vous l'avez compris, ce rêve n'étant atteignable que par une minorité de gens qui vivent justement sur le dos de ceux qui veulent atteindre ce mode de vie, les autres ne feront que s'appauvrir et du coup feront vivre la machine qui les aliène et les exploitent.
Cette culture de l'homme nouvellement retranchée au rang d'animal, vient régler un dilemme des plus menaçant à l'économie mondialiste, qui est d'augmenter les incompétences domestiques sans pour autant baisser le pouvoir d'achat. La réponse est facile, c'est le cercle éternel du travailleur jouisseur. Par conformisme libertaire, le crétin de base négligera le plus possible ses devoirs personnels et social pour se concentrer totalement à son projet de jouissance individuel, mais comme il a été dit, plus on travail pour jouir, plus il faut payer pour faire faire ce que l'on n'a plus le temps ou plus la capacité de faire à cause du temps de travail que l'on prend de plus pour se payer de l'inutile indispensable. Et bien entendu, tous ces efforts dévalorisants motiveront encore plus le besoin de jouissance qui est lui-même à l'origine du problème de surtravail. Cette spirale revient (au sens économique) à rester au point nul si l'on n'a pas juste moins au final, mais au sens humain c'est l'aliénation suprême, car cette obsession du bonheur par l'achat occulte les besoins humains essentiels et qui donnent à la vie sa véritable raison d'être. Quand on travail dans des métiers ultras spécialisés et que l'on consomme des merdes qui ne sert à rien sauf à enrichir ceux auquel l'on doit ressembler, on néglige les talents nécessaires aux autres jouissances naturelles qui elles ne sont pas déterminées par le nombre de zéro dans son compte en banque. Mais ne vous inquiétez pas, il y a une industrie de service (psychologue de ménage, agence de rencontres, voyantes, goatch de motivations et autres gourous), pour tous les handicapés sociaux que cette société produit, preuve que même les dégâts peuvent être rentable si l'on néglige le suicide et la dépression (bien qu'encore rentable pour les vendeurs de pilule et de services funèbres).
En résumé, la société de consommation emploie des gens à faire des travaux concrètement improductifs et très spécialisés, tout en limitant au maximum leurs temps libres par un nombre d'heures de travail trop élevé et finalisé par une consommation oisive de passe-temps débiles qui font que nous ne faisons presque plus rien d'autre que travailler et s'abrutir. Sans s'en rendre compte, le peuple, qui était jadis constitué de cellules familiales multidisciplinaires et à la limite de l'autogestion, est devenu un agglomérat d'unité spécialisée(3) dans une tâche, mais complètement incompétente dans tous les autres domaines de la vie (un peu comme des cellules). En fait, l'on peut parler de prolétarisation du domaine privé, dernier bastion de l'indépendance chez l'homme. Mais comme il a été dit, nos sociétés ne produisent plus rien de concret, donc il fallait bien investir ce domaine sinon l'économie tertiaire n'aurait plus eu de sens, mondialisme ultralibéral oblige.
Malheureusement, pour les tenants de l'existentialo-libéralisme, l'homme au sens concret du terme ne fait pas naturellement des choix transcendants sa nature et, encore moins, si ses barrières morales sont éliminées. Les choix de vie «jugés bon» du moment étant motivés par l'optimisation de intérêt et l'optimisation étant un concept mathématique amoral (donc déterminé), il est donc possible de contrôler le peuple tout en le laissant libre de faire tout ce qu'il veut, car ses choix iront toujours dans le sens prévu qu'est l'intérêt individuel. Donc, si l'on contrôle le divertissement et le travail et qu'au préalable tous les systèmes alternatifs d'accession au bonheur sont occultés, l'on n'est aucunement libre, car n'étant plus en mesure de vivre souverainement et selon le sens originel de la liberté(4).
Les obligations quotidiennes, aussi chiantes qu'elles puissent être, ont une utilité sociale bien plus grande que la paresse et la porno, car nous rendant libre des services dispendieux et aliénants, dont nous devenons chaque jour de plus en plus dépendants. Cette critique sera certes très loin d'inciter les gens à passer outre leurs instincts, mais lorsque que l'on voit des gens supposés sains d'esprit être captif d'une prison aux portes ouvertes on se rend bien compte que notre société de libertinage est maintenant bien proche d'une société d'esclavage.
Vortigern Zifendel
1-Incapable dans les tâches de leurs vie de tout les jours comme se nourrir, faire son budget, son ménage, ses impôts et même se créer des liens sociaux.
2-J’exclu par là les besoins de bases comme la sécurité et la satiété.
3-La structure familiale étant dévalorisée par les valeurs libertines, le commerce peut enfin vendre le double de tout ce que la famille achetait jadis en simple (frigo, voiture, laveuse, etc.).
4-Les anciens philosophes voyaient en la liberté la capacité de transcender leurs pulsions, ce qui est exactement l’inverse de celle promue aujourd'hui.