lundi 5 mars 2018

Est-ce la fin du Bloc Québécois ?

Depuis le début de la crise au Bloc Québécois (qui a vu sept de ses dix députés démissionner), on voit beaucoup d'indépendantistes défendre les carriéristes démissionnaires sur la base d'un soi-disant rôle de défenseurs des intérêts québécois à Ottawa (les fameux « intérêts du Québec » comme on dit) et qui ne serait pas la défense de l'indépendance à proprement parler. Le fait de diviser le travail des députés indépendantistes en deux volets distincts est déjà étrange en soi, mais que cela soit devenu une raison de faire sécession, là nous en sommes à un tout autre niveau! J'ai bien compris que personne dans le camp des démissionnaires n'est contre la promotion de la souveraineté et que les intérêts du Québec n'indiffèrent pas « les purs et durs », mais la question qui divise le Bloc en ce moment résiderait plutôt dans la priorité entre ces options. Autrement dit, l'un irait à l'encontre de l'autre.

Il s'agit de toute évidence d'un faux dilemme (le problème est bien plus profond), mais avant je me dois de rappeler quelques éléments de base. Cela devrait paraître stupide comme rappel, mais c'est en enfonçant des portes ouvertes qu'on s'assure bien qu'elles le sont vraiment !

Le rôle d'un député est de représenter sa circonscription au parlement, donc « défendre leurs intérêts ». Autrement dit, les députés du territoire québécois défendent par définition les intérêts du Québec, peu importe leur parti ou position politique. C'est l'argument de tous les partis politiques pancanadiens à l'encontre du Bloc notamment, parce qu'ils prétendent représenter le Québec au gouvernement.

On sait ce que leurs paroles valent sur la question (pas grand-chose), mais ça n'enlève rien au fait que l'argument des défenseurs des démissionnaires ne tienne pas la route au-delà d'une confiance idéologique ou partisane aveugle sur leur bonne foi indépendantiste. C'est un argument d'autant plus mauvais que si la défense de « nos intérêts » devait porter fruit, cela ne ferait que promouvoir le système fédéral.

La question ne réside donc pas dans le fait de défendre les intérêts, mais de savoir ce qu'est l'intérêt du Québec. Et l'intérêt du Québec c'est tout simplement défendre sa souveraineté ! Autrement on est fédéraliste, voire autonomiste, mais pas indépendantiste. Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre !

Comme je l'ai déjà mentionné, le problème réside ailleurs, et il est lié aux intérêts des députés du Bloc avant tout. Car un choix fondamental est en suspens depuis au moins la défaite de 2011 et peut-être même depuis le référendum de 1995, il ne s'agit de rien de moins que de la mission du Bloc à Ottawa : Est-ce que le Bloc reste un parti indépendantiste ou s'engagera-t-il concrètement dans la voie de l'autonomisme et du petit nationalisme provincial, comme il existe déjà dans l'Ouest canadien? La question mérite d'être posée, car c'est une voie d'accès au statut de parti pancanadien qui plairait probablement aux démissionnaires, puisque c'est ce rôle qu'ils prétendent vouloir jouer. C'est aussi de cette façon que les députés maintiendront la viabilité de leurs sièges, puisque la radicalisation du parti leur fera perde des appuis (cette crise en est une preuve en soi) et probablement leurs statuts (entendre salaire) de députés.

Mais enfin, que les institutionnels se battent pour le statu quo, ça je le comprends bien, mais de voir des militants sincèrement indépendantistes défendre ou du moins pencher vers cette seconde option me semble beaucoup plus grave. Le virus de l'attentisme et l'acceptation de l'opportunisme me semblent incomparablement plus nocifs qu'une défaite électorale. Ces militants devraient normalement s'interroger sur les enjeux de cette crise et les moyens d'y mettre un terme définitif, puisque le Bloc est à la croisée des chemins depuis déjà bien trop longtemps. En ce qui me concerne, l'avenir du Québec m'apparaît beaucoup plus important que l'avenir à court terme de ces partis embourgeoisés qui ont pris la mauvaise habitude d'utiliser le projet national pour garder captif un segment électoral à des fins bassement carriéristes.

Si le Bloc perd la majorité, voir toute, sa représentation au parlement pour la seule raison de défendre son option, bien tant pis ! Au point où on en est, ça ne peut qu'être bénéfique à long terme, puisque le projet a grand besoin d'une mise à jour pour fonctionner.

Comme on dit, le pays avant le parti !

Benedikt Arden (Mars 2018)