dimanche 19 mai 2013

L'autoritarisme au Québec, un mythe?


(Réponse à ceux qui veulent nous faire croire que c’est toujours pire chez le voisin)

Même si le printemps est de retour avec son lot d’habituels marronniers, l’actualité reste toujours aussi déprimante pour tous ceux qui ont déjà la nostalgie du printemps dernier. Outre les shows TV sur la corruption et les singeries de la politique institutionnelle qui m’ont très vite lassé, ce qui me désappointe au plus haut point est cette radicalité et cette impunité de plus en plus officielle des forces de répression au Québec, mais surtout son acceptation passive, pour ne pas dire son appui, de la part de la population. On pourra me répondre de bonne foi que le PQ a quand même mis en place une commission d’enquête sur le « Printemps érable », donc sur les éléments qui ont permis que la situation dégénère et que cela pourrait remettre les choses en place. Mais comme le dit monsieur Journet de La Presse « La commission n'enquêtera pas sur des actions particulières des policiers ou des manifestants », ce qui risque de ne servir qu’à étouffer le problème dans une conclusion four tout, car contrairement à ce que postule Mme Lysinane, dit la farceuse Gagnon dans sa satyre antisocial « Atrocité Montréalaise », il a belle et bien un problème de brutalité policière ou devrais-je dire plutôt un problème d’impunité policière au Québec.   

Tous ceux qui ont suivi minimalement les dernières manifestations de Montréal via les sites de journalisme alternatif, comme CUTV et 99% Média, ou les centaines de vidéos qui en sont dérivées, ne peuvent qu’être abasourdis de voir à quel point les policiers font vraiment ce qu’ils veulent. Évidemment, l’on me rétorquera que les manifestants ont la vilaine manie de les provoquer à l’excès et de trop souvent confondre le travail d’exécutant qu’ont les policiers à celui des législateurs et des juristes, ce qui rend leurs positions souvent peu crédible. Cela est vrai certes, mais depuis peu de temps je suis beaucoup moins enclin à accepter ce genre d’arguments, car avec le nouveau règlement municipal P-6 (espèce de loi 78 en plus tordue), les policiers ne sont plus que de simples exécutants, mais maintenant aussi de petits juristes en herbe, car ce règlement leur donne un pouvoir d’interprétation tout à fait aberrant sur ce qu’est une manifestation illégale ou non. Si nous considérons que ce règlement impose, en plus des organisateurs, la responsabilité de la légalité de la manifestation à chaque individu présent sur place, avec le risque inhérent de l’arrestation qui vient avec, pas besoin d’être complotiste pour comprendre que ce nouveau règlement donne le droit de vie ou de mort à toutes manifestations sur le sol Montréalais. Il est donc sans nul doute devenu impossible de manifester en sécurité si celle-ci conteste potentiellement quelque chose que les policiers n’aiment pas, donc à peu près toute forme de dénonciation de l’ordre établi. Il ne leur suffit pour ce faire que d’envoyer leur pote Sylvain dit ”le collabo” masqué ou bien faire semblant que la manif ne suis plus son itinéraire. Et hop ! Tous au cachot ! Avec une prime de départ de 637$ en moins pour bonne conduite (ceux qui ont résisté auront un ticket bien plus salé !). Ce règlement et toutes ses implications antisociales ont été magistralement bien critiqués par François Limoge et en démontre l’incontestable caractère arbitraire. Règlement qui ne respecte pas le moins du monde le droit d’expression et qui serait condamnée sans réserve si il avait lieu dans un des pays dit de « l’axe du mal », et probablement digne d’un « bombardement humanitaire » quelconque. 

Ah qu’il est bon et tellement plus gratifiant de prétendre que c’est pire chez le voisin et de condamner sans réserve les prisonniers politiques cubains qui n’existent pas, l’antidémocratisme du feu Hugo Chavez (élu président 4 fois de manière indiscutable), la soi-disant persécution des juifs en Iran ou le bien entendu fondamental antiracisme canadien comme le fait ironiquement Lysinane la farceuse Gagnon et les autres matamores de la presse grand public. Mais vous savez, il faut savoir diaboliser pour pouvoir stigmatiser ceux que l’on souhaite faire taire. Et quoi de mieux que d’utiliser les mêmes techniques qu’utilise l’école primaire contre l’intimidation pour arriver à nos fins ? Le grotesque cas de Jennifer Pawlock, jeune militante anarchiste de 20 ans, ridiculement accusée d’intimidation envers l’un des représentants du pouvoir exécutif (lourdement armé et protégé de par son métier), Ian Lafrenière, en est fort de sens. Il est vrai qu’elle a fait l’usage d’une image d’un graffiti pas très gentil en son endroit, mais avouons que celui-ci est de très faible dangerosité si l’on se fie à l’expérience qu’ont les dirigeants péquistes face aux innombrables dessins sadiques que fabrique les angryphones continuellement contre eux. Il est pour toutes personnes critiques des plus évident que ce règlement causera d’énorme trouble s’il fallait que la police s’enfle la tête moindrement avec son pouvoir. Et il est facilement prévisible à court terme de voir se multiplier les histoires absurdes comme l’interdiction, via P-6, du rassemblement de sensibilisation des automobilistes à la sécurité routière devant l’école Saint-Pierre-Claver, à cause de la non-divulgation de l’itinéraire autour de l'école.

De la même manière dont nous le faisait savoir Mathieu Bock-Côté, avec sa suffisance habituelle, qu’il n’y avait aucuns rapports entre la méchante colonisation algérienne et vietnamienne d’un vilain pays comme la France à celle d’un empire aussi gentil que la Grande-Bretagne. Un pays aussi démocratique que le Canada ne peut donc en rien aller à l’encontre des droits de l’homme, à l’instar de leur « big brother » du sud qui respecte tous les droits humains dans leurs camps de vacance de Guantanamo (sic), même si l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’homme et l’article No. 2 de sa propre charte des droits et libertés s’en trouve violé par un règlement municipal. Les esprits éclairés sauront comprendre que ces chartes de droit n’ont jamais servi qu’à protéger le droit de propriété des nantis et indirectement leurs mains mises sur la société, donc il n’est nul besoin de pleurer quand on voit en action la collusion des pouvoirs (entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire), car de celui-ci découle l’ensemble de l’autoritarisme de l’État canadien et donc québécois. 

Autoritarisme ici !? Bien voyons donc ! Pas dans le pluss beau pays du monde ! Malheureusement oui et cela est d’abord dû au vice systémique que comporte le parlementarisme britannique, où l’on mêle volontairement les rôles d’exécutif et de législatif dans la fonction ministérielle (les lois bâillons de Charest 43, 115 et 78 en sont des conséquence concrètes), sans compter la nomination des juges, dont ceux de la cour suprême, par les partis au pouvoir. Cette situation pourrait bien expliquer pourquoi notre bienveillante cour suprême est celle-là même qui, avant sa complète autonomie en 1949, était la plus souvent cassée par la haute cour de l’empire britannique (à 50% des cas) pour partialité politique. À titre d’exemple, l’Afrique du Sud ségrégationniste ne l’était qu’à environ 25%. La grande classe quoi ! Cette cour, qualifiée d’activiste judiciaire, nous démontrera probablement, lorsque les futurs jugements sur P-6 seront rendus, que ce règlement n’est en rien anticonstitutionnel, que les vaches sont bien gardées et patati patata …   

Évidemment, notre situation en terme d’arbitraire et de violence n’est pas encore comparable à ce que vivaient et vivent toujours les pays des révolutions arabes, comme celle du peuple du Bahreïn (grand ami du Canada) toujours en révolte et où l’on tire sur la foule et où l’on assassine les leaders révolutionnaires. Mais ne soyez pas naïf, il n’y pas de différence de nature pour ce qui est du pouvoir oligarchique, notre différence tiens simplement dans le fait que les rebelles du printemps Québécois ont encore beaucoup trop à perdre avant de tenter l’insurrection, donc nul besoin de les abattes pour l’instant. De plus, les organes politico-policiers sont beaucoup trop intelligents pour frapper directement sur les contestataires et préfères de loin les persécutions indirectes, ce qui facilite de beaucoup la propagande médiatique sur les risques que courent nos belles institutions démocratiques face à ces hordes de barbares cagoulés. 

Ceci est donc définitif, le Québec n’est pas une république de banane, mais une nation régentée par une monarchie de bananes où avec un fin mélange de pains, de jeux, de démagogie, d’abêtissement de masse et de persécution discrète on récolte de bien meilleurs résultats que dans toutes les dictatures du golf persique que nos dirigeants aiment tant. Simplement, pour que puisse continuer à exister l’opposition au pouvoir, il va falloir apprendre à vivre avec son temps et cesser de tendre l’autre joue quand on nous frappe. Donc, les manifestations pacifiques à slogans grégaires devraient être dépassées, si vous en avez assez de la martyrologie. Contrairement à l’ami Aussant, loin de moi l’idée de promouvoir l’abandon de l’opposition de rue à un système parlementaire de démocratie pour rire, mais bien d’aller plus loin dans l’efficacité en tenant simplement compte du rapport de force existant. Quand il y a arbitraire, il faut savoir donner aux droits leurs substances sans rien attendre de ceux qui les ont vidés de leur contenu et comme dirait le Che « il appartient à tous les révolutionnaires de faire avancer la révolution » et comme rien n’a encore été fait, bien disons nous à bientôt !          

Benedikt Arden