samedi 14 avril 2012

Patriotisme, rapports de force… et frais de scolarité

vortigern zifendel, printemps érableIl faudrait vraiment être un ermite vivant dans les bois pour ignorer le conflit qui sévit ces derniers mois entre le gouvernement Charest et cette part significative de la population qui se trouvent à être aux études. Depuis le départ des hostilités, les avis éditoriaux, dans les médias à la botte du pouvoir, pleuvent et nous offrent à volonté le genre d’opinion politiquement conforme aux mauvais sens qu’on leur connaît. Ils auront beau nous rabattre les oreilles avec les divers cas de débordement, les actions dérangeantes plus ou moins efficaces et leur statistique ronflante, il reste que la cause étudiante est très suffisamment soutenue par la population. Pour ma part, je crois qu’une grande partie de ces soi-disant partisans de la hausse, dans les divers sondages qui s’y portent, sont surtout des gens dont l’opinion est issue d’un réflexe de réaction résultant du climat médiatique antisyndical. Climat, causé par un ensemble de paramètres certes, mais dont les centrales syndicales ne sont évidemment pas sans responsabilités. Les vrais prohausses (ces fameux carrés verts), si je puis me permettre, en plus d’être ultra minoritaire, sont surtout soit des inconditionnels de la politique du gouvernement ou bien des élitistes sordides (notamment ceux qui croient cyniquement que la hausse augmentera la valeur de leur diplôme à l’international). Les autres sont donc seulement plus ou moins mal informés des enjeux d’une telle hausse, en plus de ne probablement pas en saisir toute l’illégitimité... ou bien ils n’ont seulement rien à foutre de la question. En somme des gens qui peuvent comprendre, s’ils se donnaient seulement la peine de sortir de leur « je-me-moi », qu’une éducation accessible à tous n’est pas une lubie délirante issue de la pensée magique, mais bien une nécessité pour notre avenir.

Inutile de faire valoir comme argument le fait que les pays où leurs habitants n’ont pas d’accès à l’éducation ne sont pas des exemples de réussite (vous savez, ces républiques de bananes corrompues et sans espoir que l’on plaint à la télé pour vous solliciter de l’argent !?). Malgré tout, vous en trouverai toujours pour vous dire que c’est normal de payer (cher, ils veulent dire), car c’est un investissement qui est rentable à long terme et que de toute façon, il vaut bien faire des sacrifices dans vie ! Évidemment, tout ceci (quoi que très faible en soit pour justifier une hausse de 75 % !) est tout ce qu’il y a de plus vrai pour la personne pensante, mais aussi tout ce qu’il y a de plus limité comme réflexion et comme la question des droits de scolarité est un sujet incontestablement politique, celle-ci doit d’abord être posée dans le cadre du bien commun. Alors quel est ce bien commun qui commande l’accessibilité de l’éducation postsecondaire ? Simplement celui d’un peuple qui par cette voie n’en sera que plus conscient de lui-même, en plus d’être plus critique, politisé, éthique, cultivé, conscient de ses droits et de ses devoirs, sans compter l’épanouissement et l’autonomie personnelle que cela procure. Tout ça et je n’ai encore rien dit des avantages économiques que l’éducation technique et universitaire apportera à notre territoire en pleine désindustrialisation. En sommes, être contre la hausse c’est simplement faire preuve de patriotisme envers son peuple et son pays. L’éducation étant autant un investissement pour l’étudiant que pour la société, celle-ci en devient donc une dépense nécessaire et plus l’investissement sera large mieux ça sera. Évidemment, on me rétorquera que c’est bien beau tout ça, mais là il faut remplir les caisses et les étudiants doivent aussi faire leur part ! C’est tout à fait juste ! Et cela en travaillant fort à l’école et non pas en bossant 40h au salaire minimum pour se payer 1 ou 2 cours par session faute de moyens ou simplement de temps. C’est fou à quel point certains oublient que la plupart des étudiants sont aussi des travailleurs qui payent les mêmes foutus impôts que tout le monde ! Notamment ceux qui financent l’éducation. Alors, cessez donc de nous emmerder avec votre démagogie à deux balles, en accusant de parasitisme gogauche ceux qui préparent l‘avenir du pays. De toute façon, cela ne convaincra personne à l’exception peut-être de certains des plus caverneux droitards et amateurs de radio poubelle qui soit.

À oui ! Il y a aussi les questions relatives aux prêts & bourses comme pseudo moyen de régler le problème. Ce n’est pas une mauvaise idée en soit de vouloir les améliorer, mais disons que ceux-ci ont amplement atteint leur limite dans le cadre actuel des choses. Sans enter dans le détail, je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit de très saint à demander à de jeunes payeurs d’impôts et de taxes, qui seront les cotisants les plus touchés de demain, à s’endetter à l’excès avant même de commencer leur vie afin de compenser une hausse aussi himalayenne que celle qui sera imposé à la fin de ces cinq ans.  Mais bon, depuis le début des hostilités tout est fait médiatiquement pour que l’on ne voit, dans la mobilisation étudiante, qu’une horde de casseurs gâtés pourris séchant les cours que pour leur bon plaisir, quand se sont surtout des citoyens se sacrifiant pour l’intérêt supérieur de la collectivité présente et futur.

Au-delà de la hausse… la politique réelle
Suis-je un peu trop sévère envers ces pauvres prohausses? Ne doit-il pas d’abord y avoir plus de débats sur le sujet afin de faire valoir les positions de chacun, comme l’a offert si gentiment le gouvernement l’an dernier ? Désolé, mais je ne le crois pas. L’heure n’est plus aux discussions de bassecour, mais au rapport de force. La politique de la rue doit être la règle face à celle de l’inertie. Nous avons trop perdu dans les dernières décennies au petit jeu biaisé de la politique politicienne. Il est maintenant temps que le peuple reprenne réellement le pouvoir pour ne plus laisser, une fois encore, les politiciens nous mentir sur des changements qu’ils n’ont de toute façon plus les moyens d’effectuer par eux même. C’est peut-être triste à entendre pour certains partisans de partis, mais le jeu du rapport de force, immanent au monde réel, est devenu inévitable si nous espérons toujours un avenir pas trop sombre, et ceci pour un horizon bien plus vaste que la simple question des droits de scolarité. Effectivement, la politique et sa nécessaire souveraineté, se sont envolés en d’autres lieux il y a bien longtemps déjà et il est du devoir citoyen de chacun de le comprendre afin de ne pas se perdre dans le chaos anti-intellectuel des médiats qui vous parleront de gestion responsable, quand il s’agit simplement de soumission envers les détenteurs d’un pouvoir beaucoup plus subtil.

Qu’entends-je par soumission ? Bien, j’entends par là que le gouvernement libéral du Québec n’est plus tout à fait dans un créneau maître chez nous, mais plutôt traître chez nous comme la devise inscrite sur le très excellent site Corruption libérale. Il est de notoriété publique que le gouvernement du Québec n’est pas souverain, mais ce que je crois c’est que depuis longtemps plus aucuns paliers de gouvernement ne sont vraiment libres. Du municipal au fédéral, plus personne n’a de réels pouvoirs de changements. La seule chose encore possible, c’est le maintien de la petite gestion quotidienne, malgré qu’il soit encore permis de piger, soi et ses amis, dans la caisse. Un proverbe connu nous dit que l’argent est le nerf de la guerre, un autre encore plus profond nous dit que celui qui contrôle la monnaie contrôle le monde. Eh bien, on peut dire que le Canada s’est débarrassé de sa liberté quand il a embrassé le libre-échange américain et mondial. Ce que je veux dire par là c’est que la libre entreprise est à bien des égards un mal nécessaire, car s’appuyant sur l’extraordinaire volonté de puissance que possède l’homme, mais quand l’entreprise devient trop forte elle se transforme en un monstre incroyablement dangereux qui doit impérativement être mis au pas par le politique. Parallèlement à cela, il ne faut pas oublier que la démocratie n’est pas seulement un espèce de concours de prospects à la gestion du pays, comme chez l’entreprise privée, mais le moyen de légitimer le pouvoir de la souveraineté nécessaire à son exercice. Et cette légitimité doit impérativement passer par la volonté populaire, autrement on parle d’oligarchie. En fait, l’oligarchie est le réel système dans lequel nous vivons, car l’entreprise (comme entité morale) contrôle le politique et possède sa propre souveraineté. Ceux qui sont élus dans les partis dits de gouvernement sont recrutés, formés, modelés et ensuite placés par eux dans ces vieux partis transformés en entreprise de gestion publique. Ensuite, ne reste plus qu’à organiser de grands concours où l’on parlera de bilans, de question secondaire et de couleurs de cravates pour finalement mettre au pouvoir l’un ou l’autre de ces champions qui aura (on le sait) un réel scrupule à ne pas mettre en œuvre les réformes pour lesquelles il a été élu (pensons, pour s’en convaincre, à ce pauvre Barack...). Au final, le bon gestionnaire de pays aura tout le plaisir (ou le malheur) de mettre en place les demandes du conseil d’administration supranational quitte à déplaire ou même trahir le peuple qu’il prétend servir. Dans notre cas, le conseil d’administration à décider que s’en était fini de l’exception québécoise. Il faut remettre le Québec dans le rang. Il fallait bien s’en douter ! Depuis que tout est fabriqué en Chine, nos Wal-Mardes & Co. se sont bien gavés sur les marchés de notre pays à revenu correct. Mais maintenant qu’il tend à s’épuiser à moyen terme par la désindustrialisation et la dette (et sa rigueur avenir), et que celui des chinois est en hausse, va bien falloir faire revenir les usines d’enfants esclaves quelque part. Pour ça, on a besoin d’une main-d'œuvre nombreuse, ignorante et affamée. Comme le tiers monde est trop loin pour permettre une immigration illégale suffisante à la demande, bien il va falloir tiersmondiser le peuple sur place. Ils le savent bien, le Québec était très bon pour ça auparavant, alors pour revenir au bon vieux temps, ils devront commencer par fermer les écoles aux masses des hautes études jusqu’aux basses. Ensuite, ce sera au tour des services publics, (santé, poste, transport, aides sociales, etc.) que le manque d’éducation ne risque pas de nuire à la disparition. De toute façon, la machine est déjà dans son élan. Toutes personnes moindrement attentives à la marche du monde ne peuvent que le reconnaître. 

Voilà un petit résumé des consignes qu’ont Harper et Charest pour les années à venir. Et je ne l’espère pas, mais il serait très mal venu pour notre avenir que celui-ci survienne. Alors, je souhaite non seulement que la grève étudiante perdure, mais aussi qu’elle élargisse pour atteindre un niveau qui pourra nous faire vivre un véritable « printemps Québécois ». Un printemps qui aura comme grande finalité la reconquista du politique contre ce monstre de volonté de puissance qu’est cette oligarchie mondiale au pouvoir chez nous. Alors, sur ces belles paroles, je vous souhaite un printemps érable rempli d’espoir et de combat, car ce printemps qui fleurit doit aussi être le nôtre.

Benedikt Arden